SECOND EMPIRE (2.12.1852 au 4.9.1870)

EMPIRE SECOND (1852-1870)

Le 2 décembre 1852, après une élection au suffrage universel masculin en 1848 ‒ la première de l’histoire de France ‒ et quatre années de pouvoir à la tête de la IIe République en tant que président de la République puis « prince-président », Louis-Napoléon Bonaparte proclame l’Empire, devenant ainsi Napoléon III. Entre une légende noire persistante, forgée sous la IIIe République, et les tentatives de réhabilitation, de nombreuses réévaluations ont tenté depuis plusieurs années de jeter un regard neuf et dépassionné sur cette période, sans céder à l’une ou à l’autre de ces tendances. Le contexte européen du second Empire (1852-1870) est pour le moins complexe. Si la réaction a mis fin au printemps des peuples de 1848, les grandes puissances sont ébranlées face à la montée des nationalismes, dont les résultats les plus tangibles sont les unifications italienne et allemande, auxquelles la France du second Empire contribue d’ailleurs, volontairement ou non. La concurrence que se livrent les États européens en matière économique et coloniale, dans le cadre d’une industrialisation qui s’accélère, exacerbe encore les tensions. Pour la France, pays de 36 millions d’habitants en 1850, les enjeux sont nombreux : le prestige (retrouver la place perdue en 1815 dans le concert des nations), la modernisation (en matière d’urbanisme, de transport) ou encore le développement économique, en particulier le commerce international (avec la mise en place du libre-échange). Le cadre politique, quant à lui, s’adapte progressivement. D’abord autoritaire, l’Empire se libéralise peu à peu au cours des années 1860 pour devenir libéral dans ses dernières années (1869-1870). Alors que l’octroi de nouvelles libertés ne musèle que très partiellement l’opposition, c’est du voisin allemand que vient le coup de grâce.

Le coup d’État et l’Empire autoritaire

Le coup d’État du 2 décembre 1851
Pourquoi le coup d’État ?

Avant même son élection comme président de la République en 1848, Louis-Napoléon Bonaparte était soupçonné de préparer un coup d’État, option qui lui est du reste proposée à plusieurs reprises au cours de son mandat présidentiel comme un moyen de se maintenir au pouvoir alors que la Constitution lui interdit d’en briguer un second. Pourtant, le président Bonaparte cherche autant que possible à éviter cette solution et ne commence à l’envisager qu’après le rejet par l’Assemblée nationale de sa proposition de révision constitutionnelle le 19 juillet 1851.

Pour préparer l’opinion au coup d’État, Louis-Napoléon dispose du soutien du parti qu’il constitue, le parti dit de l’Élysée. Il brandit Le Spectre rouge de 1852 (titre d’une brochure à succès d’Auguste Romieu publiée en 1851), exploitant la crainte d’une grande partie de la population de voir les « rouges » remporter les législatives de 1852. La menace est sérieuse dans la mesure où, déjà en 1849 et à la surprise générale, les républicains radicaux ou « démoc-socs » (autrement dit la Montagne), avaient recueilli 35 % des suffrages et obtenu 200 sièges à l’Assemblée nationale. Enfin, le président Bonaparte multiplie les voyages dans les provinces à la fois pour mesurer sa popularité et pour renforcer son lien personnel avec la population, une habitude appelée d’ailleurs à perdurer pendant le second Empire.

La proposition du 4 novembre 1851 ‒ retour au suffrage universel masculin intégral par abrogation de la loi électorale du 31 mai 1850 qui avait réduit d’un tiers le corps électoral ‒ peut être perçue à la fois comme une dernière tentative de conciliation et comme une étape dans la préparation des esprits au coup d’État. Le calcul politique est en effet excellent : en cas d’obtention de l’annulation de cette loi, un raz-de-marée électoral favorise Bonaparte à la présidentielle et contraint l’Assemblée à accepter[...]


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Le coup d'État du 2 décembre 1851 précède l'instauration du Second Empire. De nouveau, la République et la démocratie sont foulées aux pieds. Dans une première période, jusqu'en 1860, c'est l'Empire autoritaire. Le suffrage universel est rétabli. Mais, en pratique, les élections sont très largement encadrées par le régime. Tandis que le Corps Législatif n'est que la caricature d'un Parlement démocratique. Progressivement, l'Empire libéral s'affirme. Des opposants, en nombre croissant, sont élus. Le Corps Législatif établit quelques uns de ses droits et de ses prérogatives. De 1867 à 1870, l'institution parlementaire évolue plus nettement, préparant la Troisième République.

Le rétablissement du pouvoir personnel

Le 2 décembre 1851, l'expérience démocratique de la Deuxième République est brutalement interrompue par le coup d'État du Président Louis-Napoléon Bonaparte : l'Assemblée nationale est dissoute en violation de la Constitution. Les opposants sont arrêtés. Certains, comme Victor Hugo, sont frappés d'exil. Une nouvelle Constitution est rapidement rédigée et promulguée le 14 janvier 1852. Ses principes ont été préalablement ratifiés par une écrasante majorité d'électeurs, lors du plébiscite du 21 décembre 1851 : on ne dénombre pas moins de 7.439 000 " oui ", contre seulement 647.000 " non ". Le Président de la République est élu pour 10 ans. Il choisit librement ses ministres qui ne dépendent que de lui. Trois assemblées sont créées, dont une seule élue, le Corps législatif. Les premières élections législatives se déroulent en février 1852 et sont favorables au nouveau pouvoir. Le rétablissement de la censure est immédiat. Un an, jour pour jour, après le coup d'État et après un nouveau plébiscite organisé le 21 novembre 1852, l'Empire est proclamé le 2 décembre 1852. Napoléon III se veut avant tout le garant de l'ordre et le défenseur de la propriété. En février 1853, l'Empereur déclare : " A ceux qui regrettent qu'une part plus large n'ait pas été faite à la liberté, je répondrai : la liberté n'a jamais aidé à fonder d'édifice durable, elle le couronne quand le temps l'a consolidé ".

Cependant, à partir de 1860, Napoléon III cherche à gagner le soutien des classes populaires et à assurer la pérennité de l'Empire. Il entreprend alors de libéraliser le régime, notamment en conférant plus de pouvoir aux députés du Corps législatif. Le Second Empire, entré en guerre contre la Prusse, ne survivra pas à la défaite militaire de Sedan, en septembre 1870.

L'opposition républicaine, fortement représentée par Victor Hugo, exilé à Bruxelles, puis à Jersey et enfin à Guernesey, est longtemps affaiblie par ses divisions et par la répression mise en oeuvre lors du coup d'État. Vingt-huit mille personnes ont été arrêtées après le 2 décembre 1851, près de dix mille sont déportées en Algérie. Quelques milliers de républicains sont emprisonnés et beaucoup d'autres partis en exil.

A partir de 1858, Napoléon III prend l'initiative d'aider et de favoriser l'unification de l'Italie autour du royaume de Piémont-Sardaigne. La guerre avec l'Autriche et les deux batailles sanglantes de Magenta et Solférino aboutissent effectivement à cette réunification, à l'exception de la Vénétie, laissée à l'Autriche, et des États du Pape. Le Second Empire est désormais brouillé avec l'Église et l'opinion catholique et conservatrice. En échange de son soutien, la France obtient du Piémont, après consultation des populations concernées, la rétrocession de la Savoie et du Comté de Nice (mars 1860). En favorisant l'unification italienne et l'affaiblissement de l'Autriche, Napoléon III favorisera le renforcement de la Prusse et l'unification progressive de l'Allemagne. Par ailleurs, l'Empereur entraînera la France dans une aventure militaire au Mexique (1861-1867).

Sous Napoléon III, la France connaît une période exceptionnelle de croissance économique. La construction accélérée des chemins de fer permet le développement des industries, l'ouverture et la modernisation des campagnes. Dans le même temps, les échanges extérieurs s'accroissent grâce à l'abaissement des droits de douane. Un traité de libre échange est signé avec la Grande-Bretagne en 1860.

L'empereur entend faire de Paris une capitale qui rayonne à l'échelle européenne. Le baron Haussmann s'attelle à la transformation de la capitale, suivant la triple injonction de Napoléon III, " agrandir, embellir, assainir ". Le 1er janvier 1860, les limites de Paris sont agrandies aux vingt arrondissements actuels.

Mais en septembre 1870, la défaite militaire de Sedan, sanctionnant la guerre hasardeuse que l'Empereur a menée contre la Prusse, aboutit à la chute du régime.

L'évolution du régime

Au cours des dix-huit ans de son règne, Napoléon III passe du conservatisme politique le plus affirmé à un certain progressisme social, de l'Empire autoritaire à l'Empire libéral. Deux mesures de 1852 et 1864 illustrent cette évolution .

La première, un décret du 17 février 1852, établit une surveillance très étroite de la presse : " [tout] journal [...] traitant de matières politiques ou d'économie sociale [...] ne pourra être créé sans l'autorisation du gouvernement ". Cette autorisation doit être renouvelée à chaque changement de gérant ou de rédacteur en chef . Les journalistes n'ont pas le droit de rendre compte des débats des séances du Corps législatif. Enfin, l'article 32 précise qu'" un journal peut-être suspendu par décision ministérielle, alors même qu'il n'a été l'objet d'aucune condamnation, mais après deux avertissements motivés [...] ".

La deuxième mesure constitue une avancée sociale déterminante. Les meneurs d'une grève dure de la typographie parisienne avaient été sévèrement condamnés en 1862. Napoléon III les gracie, puis prend l'initiative d'un projet ouvrant la voie au droit de grève. Le 25 mai 1864, le Corps législatif adopte une loi autorisant la " coalition des ouvriers ", à condition qu'il ne soit pas porté atteinte à la liberté du travail. Un premier pas est franchi vers la liberté de réunion et d'association qui seront reconnues, respectivement en 1868 et en 1884. Par la suite, la création de chambres syndicales ouvrières fut tolérée.

Le Second Empire a profondément évolué entre son instauration et sa chute. Cette évolution très marquée d'un régime autoritaire vers un système plus libéral et plus démocratique découle des pressions exercées par l'opposition républicaine. Elle résulte également de l'évolution rapide du contexte international et des profonds changements nés de la révolution industrielle. Mais elle est aussi le fruit des initiatives personnelles de Napoléon III, autant que des contradictions de sa politique. Fondé sur un coup d'État et sans cesse réaffirmé par la voie plébiscitaire, le régime impérial présente un bilan contrasté, à bien des égards.

Bilan législatif


Le Corps législatif, hostile au libre-échange, n'a pas été saisi du traité de commerce franco-britannique diminuant fortement ou supprimant les droits de douane ; un sénatus-consulte de décembre 1852 accordait à l'Empereur le droit de signer les traités de commerce. En revanche la législation modifie profondément le droit commercial et le droit des affaires.

La loi du 28 mai 1858 crée les magasins généraux et le warrant des marchandises.

Le chèque, défini comme un moyen de paiement par la loi du 14 juin 1865, apparaît en même temps que les banques de dépôt.

Faisant suite à la loi du 23 mai 1863 dispensant les petites et moyennes sociétés anonymes d'une autorisation administrative, la loi du 24 juillet 1867 relative aux sociétés par actions a supprimé l'autorisation préalable de fondation d'une société anonyme. Restée appliquée pendant près de cent ans, cette loi a permis l'essor des sociétés anonymes.

La législation sociale traduit le souci social personnel manifesté par Napoléon III. Ainsi la loi du 25 mai 1864 abrogeant la loi Le Chapelier autorise les grèves sans violence ni attentat à la liberté du travail. Elle est adoptée peu après la grâce accordée par l'Empereur aux typographes condamnés pour avoir protesté par la grève contre un recrutement massif de main d'oeuvre féminine payée en dessous du tarif.

La loi du 2 août 1868 atténue l'inégalité de la relation juridique entre patron et ouvrier en abrogeant l'article 1781 du code civil selon lequel « le maître est cru sur son affirmation pour la quotité des gages, pour le paiement des salaires échus et pour les acomptes donnés pour l'année courante ».

Dans le domaine de l'enseignement, la loi du 14 juin 1854 établit les grandes académies. Celle du 21 juin 1865 crée l'enseignement secondaire spécial sanctionné par un diplôme spécifique et non par le baccalauréat.

La loi du 10 avril 1867 permet aux communes de développer la gratuité de l'école primaire pour les pauvres et rend obligatoire l'ouverture d'une école de filles dans les communes de plus de 500 habitants.

La loi du 11 mai 1868 supprime l'autorisation préalable et les avertissements en matière de presse, au profit de la simple déclaration préalable.

Bilan institutionnel


Très largement inspirée de la Constitution de l'an VIII, la Constitution du 14 janvier 1852 accorde au Président le pouvoir de nommer seul les ministres, ainsi que les membres du Conseil d'État, chargés de rédiger les projets de loi, et les sénateurs, qui peuvent s'opposer à leur promulgation et modifier la Constitution par sénatus-consulte. Le Président a seul l'initiative des lois qui sont préparées par le Conseil d'État ; il peut refuser de promulguer une loi, même régulièrement votée. Le Conseil d'État est formé de fonctionnaires nommés par le Président de la République. Le Président nomme également à vie les sénateurs, chargés de vérifier la constitutionnalité des lois votées. Le Corps législatif, qui ne possède pas le droit d'initiative est certes composé de députés élus pour six ans au suffrage universel direct, par tous les Français âgés de plus de 21 ans. Mais le déroulement des élections, en particulier dans la première phase dictatoriale du régime (1852-1860), est encadré par le Gouvernement qui désigne et soutient ouvertement, au travers des préfets, des candidats officiels. Le Corps législatif est assimilé à une chambre d'enregistrement dont la publicité des comptes rendus des débats est interdite. Ne tenant session que pendant trois mois, son rôle se résume à voter les projets de loi préparés par le Conseil d'État, entièrement soumis au Président.

Ce régime est transformé en Second Empire par le sénatus-consulte du 7 novembre 1852 approuvé par plébiscite. Napoléon III espère ainsi, au-delà du coup d'État fondateur, tirer sa légitimité de la souveraineté populaire.

Le recours fréquent au plébiscite permet à l'Empereur d'établir un lien direct avec le peuple, par dessus les assemblées et sans tenir compte des objections formulées par l'opposition ou, parfois, par ses propres partisans. Il est également censé réaffirmer la légitimité populaire d'un régime fondé sur une illégalité.

A partir de 1860, la majorité qui soutenait l'Empire se désagrège peu à peu, sous le triple effet de l'unification italienne et de la guerre contre l'Autriche, de la libéralisation des échanges et des mesures prises de façon très progressive en faveur des classes populaires. Parallèlement, l'opposition républicaine se reconstitue.

De sa propre initiative, Napoléon III libéralise progressivement le régime. Le décret du 24 novembre 1860 accorde au Corps législatif le droit d'adopter une Adresse en réponse au discours de trône . Les débats font désormais l'objet d'un compte rendu sténographique intégral. Des ministres sans portefeuille sont chargés des rapports avec les assemblées et participent aux débats. En décembre 1861, il est décidé que le Corps législatif devra désormais donner son accord pour l'octroi de tout crédit budgétaire complémentaire ou exceptionnel. Le droit d'amendement est progressivement élargi. En 1867, le droit d'adresse des députés est transformé en droit d'interpellation. En 1868, l'autorisation préalable et le régime des avertissements pour la presse sont supprimés, le droit de réunion assoupli, notamment lorsqu'il s'agit de réunions électorales. Le sénatus-consulte du 8 septembre 1869 prévoit que le Corps législatif partage avec l'Empereur l'initiative des lois et qu'il vote le budget par chapitre. Puis, le sénatus-consulte du 28 avril 1870, approuvé par un plébiscite du 8 mai 1870 (par 7 350 000 oui, contre 1 500 000 non), instaure la responsabilité des ministres devant le Corps législatif. Pour autant, on ne peut parler de régime parlementaire, l'empereur conservant de très larges prérogatives.

Le régime fondé par le coup d'État de 1851 est fondamentalement anti-démocratique. Cependant, à certains égards, le régime parlementaire qui s'établira sous la IIIe République trouve quelques unes de ses origines dans la seconde phase libérale du Second Empire, au fil de l'affirmation progressive de ses droits et de ses prérogatives par le Corps législatif. Parallèlement, l'exercice du suffrage universel direct par l'ensemble des Français s'affirme progressivement.

Cependant, Napoléon III ne parvient pas à empêcher la montée de l'opposition républicaine qui se renforce à chaque élection du Corps législatif. Les républicains y engagent des débats de plus en plus vifs autour de la nature du régime, contre l'Empire et pour le rétablissement de la République. En 1869, les candidats du Gouvernement obtiennent 4,5 millions de voix, contre 5,3 millions en 1863 ; ceux de l'opposition en recueillent 3 millions, au lieu d'un peu moins de 2 millions (665 000 voix en 1857) [Elections législatives de mai-juin 1869]

En dépit des résultats favorables du plébiscite du 8 mai 1870, la rapidité de la chute du régime, après la défaite de Sedan, a montré la faiblesse de son enracinement et de ses soutiens.

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1851-1870 : Le Sénat du Second Empire

Renaissance d'un Sénat conservateur

La Constitution de 1848 avait rétabli la République et était revenue au monocamérisme. Mais elle est rapidement mise à mal par le coup d'Etat du 2 décembre 1851 qui renoue avec la tradition napoléonienne. Dans sa proclama-tion au peuple français du 14 janvier 1852, Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République, revendique haut et fort cet héritage : "J'ai pris comme modèle les institutions qui, au lieu de disparaître au premier souffle des agitations populaires, n'ont été renversées que par l'Europe entière coalisée contre nous.

En un mot, je me suis dit : puisque la France ne marche depuis cinquante ans qu'en vertu de l'organisation administrative, militaire, judiciaire, religieuse, financière, du Consulat et de l'Empire, pourquoi n'adopterions-nous pas aussi les institutions politiques de cette époque ?" Celui qui allait devenir quelques mois plus tard l'empereur Napoléon III réintroduit donc dans les institutions du pays une seconde chambre conservatrice, à nouveau baptisée Sénat et composée "des éléments qui, dans tout pays, créent les influences légitimes : le nom illustre, la fortune, le talent, les services rendus". Il s'explique longuement sur ses attributions. "Le Sénat n'est plus, comme la Chambre des Pairs, le pâle reflet de la Chambre des députés, répétant, à quelques jours d'intervalle, les mêmes discussions sur un autre ton.

Il est le dépositaire du pacte fondamental et des libertés compatibles avec la Constitution. (...) Le Sénat ne sera pas, comme la Chambre des Pairs, transformé en cour de justice. (...) Le Sénat peut, de concert avec le gouvernement, modifier tout ce qui n'est pas fondamental dans la Constitution ; mais quant aux modifications à apporter aux bases premières, sanctionnées par vos suffrages, elles ne peuvent devenir définitives qu'après avoir reçu votre ratification."

Retour au faste...et au contrôle impérial

Comme sous le Premier Empire, la composition et l'activité du Sénat sont étroitement contrôlées par le nouveau régime autoritaire. Les cent cinquante sénateurs sont tantôt nommés directement, tantôt membres de droit (c'est le cas des cardinaux, des amiraux, des maréchaux). Ils exercent leur fonction à vie et en principe gratuitement, mais le chef de l'Etat peut leur accorder une dotation de trente mille francs. L'empereur peut nommer à sa guise de nouveaux sénateurs (leur effectif total ne devant pas dépasser cent cinquante membres). Il désigne le président et le vice-président du Sénat et peut d'ailleurs présider lui-même la Chambre, dont il convoque les sessions. Les séances de la Chambre Haute ne sont pas publiques.

Les sénatus-consultes qu'elle édicte sont sanctionnés et promulgués par le chef de l'Etat. Le décret du 6 avril 1852 affecte le Palais du Luxembourg au Sénat et Louis-Napoléon, qui avait visité le Palais peu de temps auparavant, manifeste le désir que l'ancienne salle des séances et les deux salles contiguës soient réunies en une seule galerie (l'actuelle Salle des Conférences) destinée aux solennités. Les travaux, commencés le 1er novembre 1852, sont définitivement achevés en novembre 1854 et Leurs Majestés Impériales sont fréquemment reçues dans la galerie dite alors salle du Trône et décorée au goût du jour.

Une assemblée effacée

Considérée comme le plus sûr soutien du régime, l'armée occupe une bonne partie des sièges du nouveau Sénat. Ministres, hauts fonctionnaires et magistrats, membres de l'Institut sont également bien représentés. Phénomène plus nouveau, la finance et l'industrie ont acquis leurs lettres de noblesse parlementaire : le banquier Achille Fould, le comte d'Argout, gouverneur de la Banque de France, Mimerel, un industriel du Nord, siègent au Luxembourg. Nombre de sénateurs sont aussi des vétérans des régimes précédents. Douze pairs de la Monarchie de Juillet font partie du Sénat de 1852, ainsi qu'une vingtaine d'anciens députés.

Cette prestigieuse assemblée va se révéler curieusement inactive. Ne votant que peu de sénatus-consultes, elle n'exerce pas réellement les pouvoirs que lui confère la Constitution. Elle en aurait cependant la possibilité, d'autant que le régime de Napoléon III est peu à peu amené à "lâcher du lest" et à infléchir son fonctionnement vers une formule plus parlementaire. En 1860, un décret dispose qu'en réponse au traditionnel discours prononcé par l'empereur lors de l'ouverture de la session des Chambres, celles-là ont désormais le droit de discuter et de voter une "adresse". Autre nouveauté, des ministres "sans portefeuille" sont spécialement chargés de défendre et de commenter la politique du gouvernement devant les Chambres. Enfin, préfiguration du Journal Officiel, les débats sont désormais reproduits in extenso dans Le Moniteur.

Vers un régime parlementaire

Ce n'est que vers le milieu du Second Empire que le débat parlementaire prend un tour plus indépendant. Ainsi, en 1861, lors du débat sur la politique "romaine" (il s'agit de se porter au secours du Pape assiégé par les troupes piémontaises) : une courte majorité de soixante-dix-neuf sénateurs vote en faveur de la position gouvernementale, soixante-et-un votent contre.

En 1867, l'empereur fait donc de nouvelles concessions : un droit d'interpellation remplace le droit d'adresse. Ce ne sont plus des ministres sans portefeuille mais les ministres concernés qui viendront défendre leur projet devant les Chambres. Enfin, un sénatus-consulte accorde au Sénat le pouvoir de renvoyer une loi pour examen devant les députés. Les élections de 1869, qui voient reculer les candidats gouvernementaux et triompher l'opposition républicaine dans toutes les grandes villes de France, donnent un nouveau coup d'accélérateur au processus. En avril 1870, le Sénat redevient une seconde chambre législative et les ministres sont désormais "responsables", c'est-à-dire responsables devant les Chambres. Mais l'Empire libéral ainsi institué ne survit pas plus que son glorieux ancêtre à la défaite militaire.

Le second Empire

de Pierre Miquel (Auteur)

Les enjeux de l'aventure politique, industrielle et intellectuelle du second Empire, qui va bouleverser le paysage des villes, forger la classe ouvrière et préparer l'avènement d'une société de consommation.

Le second Empire, après avoir eu mauvaise presse, est aujourd'hui réhabilité car on reconnaît, sous les cendres de la défaite de Sedan, la France d'aujourd'hui.
Avec Napoléon III, travaillent les équipes qui tracent les lignes de chemin de fer, agrandissent les ports, façonnent les grandes villes actuelles, qu'il s'agisse de Paris, Bordeaux, Marseille, Lyon, Le Havre. Le prix de cette modernisation : l'abandon, qu'on croit définitif, d'un régime libéral, le mépris envers un Parlement ramené au niveau d'un conseil général, la toute-puissance de l'administration, le gonflement des effectifs de la police et de l'armée qui doivent mouler la nouvelle société dans un corset d'acier, les classes populaires rassemblées en lisière des villes et la corruption installée au cœur de l'Etat !
La plume de Pierre Miquel donne à ce bilan contrasté le souffle d'une aventure.

Éditeur ‏ : ‎ Tempus Perrin (3 avril 2008)
Langue ‏ : ‎ Français
Broché ‏ : ‎ 576 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 2262028494
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2262028497
Poids de l'article ‏ : ‎ 391 g
Dimensions ‏ : ‎ 11 x 2.3 x 17.8 cm