DEUXIEME REPUBLIQUE (4.11.1848 au 2.12.1852)
Après cinquante ans de régime autoritaire, la monarchie constitutionnelle s'écroule au printemps 1848. Les grands principes de la Révolution française - Liberté, Égalité, Fraternité - enflamment l'Europe entière. Pendant trois ans, la Deuxième République permet le rétablissement de la démocratie en France. Mais les adversaires de la République ne tardent pas à prendre le pas sur ses partisans, eux-mêmes divisés. L'essai d'un régime présidentiel, démuni de contrepoids et de solutions d'arbitrages, et l'élection à la présidence de la République de l'héritier des Bonaparte aboutissent au coup d'État du 2 décembre 1851.
1.Le gouvernement provisoire (février-mai 1848)
Un gouvernement provisoire est installé grâce à un compromis des catégories dirigeantes, ralliées à la République. Il compte onze membres d’opinions politiques différentes. Le poète romantique Lamartine et des républicains modérés y côtoient quelques socialistes.
Le nouveau gouvernement proclame la République à l’Hôtel de Ville de Paris et rejette le drapeau rouge au profit du drapeau tricolore.
Le suffrage universel masculin est instauré par un décret du 5 mars 1848 (tous les hommes français âgés de 21 ans peuvent participer aux élections des 900 députés chargés d’élaborer la Constitution). La peine de mort en matière politique est abolie, la loi de censure de 1835 est abrogée.
Dans le contexte d'une grave crise économique, les élections à l'Assemblée nationale constituante d'avril 1848 marquent le retour des notables de province.
Une série de douze décrets du 27 avril 1848 abolit l’esclavage dans les colonies, à l’initiative du ministre des colonies Victor Schoelcher, et organise la vie dans ces territoires.
Le gouvernement provisoire prend également des mesures sociales telles que la création d’ateliers nationaux pour procurer aux chômeurs un petit revenu en échange d’un travail symbolique. Il proclame le "droit au travail", tandis qu’un décret du 2 mars limite la journée de travail des adultes à dix heures à Paris et à onze en province (une mesure éphémère, puisqu'un décret du 9 septembre annule le précédent et fixe la durée journalière de travail maximum à 12 heures).
2.L’Assemblée nationale constituante (4 mai 1848-26 mai 1849)
Les 23 et 24 avril 1848, 84% des inscrits (soit environ 9 millions d’électeurs) participent à la désignation des députés. Sont élus environ 500 républicains libéraux proches du gouvernement provisoire, dont Alphonse de Lamartine, 150 républicains radicaux et socialistes, dont Louis Blanc, et 250 monarchistes.
La décision de l’Assemblée de supprimer les ateliers nationaux entraîne des émeutes à Paris. Durant ces "journées de juin", un millier de soldats périssent tandis que, du côté des insurgés, les pertes se comptent en milliers. En trois jours, l’insurrection est matée par le général de Cavaignac. "Je ne crois pas à l'avenir d'une République qui commence par faire tirer sur ses prolétaires !", s'indignera alors George Sand.
Le bilan répressif est particulièrement lourd : 1 500 fusillés et 15 000 prisonniers, jugés par des conseils de guerre (5 000 seront déportés en Algérie).
3.Adoption de la Constitution et élection du premier président de la République (novembre-décembre 1848)
La constitution du 4 novembre 1848 institue l'élection du président de la République au suffrage universel pour un mandat de quatre ans. Il dispose du pouvoir exécutif,l nomme et révoque les ministres.
Le 10 décembre 1848, Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, est élu président de la République avec 75% des suffrages exprimés contre Louis-Eugène Cavaignac (20%) et Alexandre Ledru-Rollin (5%).
Aux élections législatives de 13 mai 1849, un "parti de l’ordre" largement dominée par les partisans du conservatisme social et de l'ordre - légitimistes, orléanistes, républicains modérés et bonapartistes -, qui recueillent ensemble plus de 53% des voix et obtiennent un peu moins de 500 élus sur 750.
Le Président constitue un gouvernement de conservateurs, composé des deux familles issues du monarchisme, légitimistes et orléanistes.
4.Louis-Napoléon Bonaparte, du Président au coup d'État
Louis-Napoléon Bonaparte adopte des lois restreignant la liberté de la presse. Le 31 mai 1850, les députés limitent le droit de vote (le corps électoral passe de près de 10 millions à moins de 7 millions de votants). Pour voter, il faut désormais justifier de trois années de résidence au même endroit : cela exclut une bonne partie des ouvriers, pour la plupart contraints de changer régulièrement d’emploi et de domicile.
En mars 1850, la loi Falloux sur l’instruction publique, au nom de la liberté de l’enseignement, renforce l’influence de l’Église catholique dans le primaire et le secondaire.
Ne parvenant pas à obtenir de l'Assemblée la révision de la disposition constitutionnelle interdisant la rééligibilité immédiate du Président de la République, Louis Napoléon Bonaparte décide de procéder au coup d'État, le 2 décembre 1851. L'Assemblée est dissoute et le futur Napoléon III déclare dans un Appel au peuple « fermer l'ère des révolutions ».
5.1.Bilan législatif
Les fondateurs de la Deuxième République considèrent que les droits de l'Homme ne sont pas réductibles au seul droit à l'expression politique. Ils entendent aller plus loin et favoriser l'épanouissement de l'être humain. Deux textes importants illustrent cette vaste ambition :
- la déclaration du gouvernement provisoire du 25 février 1848 proclame le droit au travail : « Le gouvernement provisoire de la République française s'engage à garantir l'existence de l'ouvrier par le travail. Il s'engage à garantir du travail à tous les citoyens. Il reconnaît que les ouvriers doivent s'associer entre eux pour jouir de leur travail ».
- le décret relatif à l'abolition de l'esclavage dans les colonies et possessions françaises du 27 avril 1848, préparé par Victor Schoelcher, membre du gouvernement provisoire, proclame que " l'esclavage est un attentat contre la dignité humaine ; [...] qu'il est une violation flagrante du dogme républicain : « Liberté, Égalité, Fraternité ».
5.2.Bilan institutionnel
Empruntant à la tradition révolutionnaire des aînés de 1789 pour ses références morales et philosophiques et au modèle constitutionnel américain, la Constitution de 1848 prévoit une stricte séparation des pouvoirs. L'exécutif appartient au président de la République, à la fois chef de l'État et du gouvernement, et directement élu par le peuple. L'Assemblée nationale ne peut renverser le président et celui-ci ne peut dissoudre l'Assemblée. Il n'existe pas de procédures d'arbitrage en cas de conflit.
Sources :
Les
régimes politiques de la Révolution française à 1958 | vie-publique.fr
Histoire
de l'Assemblée nationale - Histoire - Assemblée nationale
(assemblee-nationale.fr)
L’Histoire
du Sénat | Sénat (senat.fr)
Droit constitutionnel et institutions politiques de Jean GICQUEL et Jean-Eric
GICQUEL (LGDJ-Précis DOMAT)
Droit constitutionnel et institutions politiques de Philippe ARDANT et Bertrand
MATHIEU (LGDJ-Manuels Droit Public)
Droit constitutionnel de Pierre PACTET et Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN (SIREY)
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