MONARCHIE CONSTITUTIONNELLE dite DE JUILLET (2.8.1830 au 6.5.1848)


Après les journées d’insurrection populaire des 27, 28 et 29 juillet 1830 (dites les Trois Glorieuses)., la France semble enfin tenir une solution de compromis, c'est-à-dire le régime de monarchie constitutionnelle et libérale qu'elle cherche depuis près de quarante ans. Le duc d’Orléans succède à son cousin Charles X pour un règne de 18 ans.

Le 3 août est décidée une révision de la Charte de 1814, qui sera votée par les deux Chambres le 7. Le 9, le "roi-citoyen" prête serment à ce texte. La nouvelle Charte renforce le caractère parlementaire du régime. Louis-Philippe "prince dévoué à la cause de la révolution" devient "roi des Français" et non plus roi de France, rompant ainsi, par ce titre, avec les 68 "rois de France" qui l'ont précédé. Il accède au trône par « la grâce de Dieu et la volonté nationale ». Il inaugure une monarchie bourgeoise, soucieuse avant tout de développement économique et de conservatisme social.

Dans l'ensemble de l'Europe, les rois sont de nouveau solidement installés sur leur trône (le Congrès de Vienne, en 1815, en bridant l'émergence de l'esprit national, a aussi isolé la France, cette « grande fabrique des révolutions » dont parlait Metternich). Dans ce contexte, en France, la République est mise entre parenthèses. La monarchie absolue ne peut être rétablie, mais le régime républicain ne parvient pas à s'imposer. Une fracture socio-économique et culturelle se crée entre les partisans d'un régime d'ordre, qu'incarnent tour à tour Napoléon Ier, Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe, et les revendications d'une petite et moyenne bourgeoisie en développement et d'une classe ouvrière naissante. La monarchie de Juillet ne parvenant pas à réformer la société, ni les institutions, elle disparaîtra en février 1848.

1.Des débuts incertains...

Par bien des côtés, le nouveau régime est très proche du précédent. La nouvelle monarchie est fondée sur un contrat, la Charte de 1814 révisée, promulguée le 14 août 1830 :
  • Le roi conserve le pouvoir exécutif mais partage désormais le pouvoir législatif avec la Chambre des pairs et la Chambre des députés, dont les séances sont désormais publiques,. La paierie héréditaire est supprimée en décembre 1831. Désormais, les députés peuvent choisir leur président. Le roi perd le droit attribué par l'article 14 de la Charte de prendre des ordonnances nécessaires pour la sûreté de l'État.
  • La responsabilité politique des ministres devant le Parlement n'est plus contestée. Mais le ministère doit avoir simultanément la confiance des chambres et du roi. Celui-ci dispose d'ailleurs de moyens de pression très forts sur les chambres, en particulier par l'intermédiaire des députés fonctionnaires. En l'absence d'incompatibilités entre le mandat parlementaire et l'exercice d'une fonction publique, le pouvoir exécutif peut ainsi favoriser ou, au contraire, bloquer l'avancement des fonctionnaires, en fonction de leurs votes. On comptera jusqu'à 150 députés fonctionnaires.
  • Le drapeau bleu, blanc, rouge, datant officiellement du 20 mai 1794, redevient l'emblème national.
  • Les libertés publiques (liberté religieuse, liberté de la presse) sont confortées. . Le catholicisme cesse d'être religion d'État.
  • Le cens électoral est abaissé. Il suffit désormais d'avoir 30 ans et de payer 500 francs d'impôt direct, au lieu de 40 ans et de 1000 francs, pour être élu. Mais on compte à peine 70 000 éligibles. Il suffit d'avoir 25 ans et de payer 200 francs d'impôt, au lieu de 300 francs, pour être électeur. Pourtant, si le nombre d'électeurs passe de 100 000 à 166 000, il reste infime par rapport à l'ensemble de la population française. En 1846, grâce à l'enrichissement du pays, le nombre d'électeurs s'élèvera à 240 000. Au même moment, la Grande-Bretagne compte plus de 800 000 électeurs, pour une population nettement plus faible.
La nature du régime politique instauré en 1814 n'a pas changé. Elle reste très éloignée des idéaux révolutionnaires et des principes démocratiques : moins d'un pour cent de la population participe au fonctionnement des institutions. Le refus de tout élargissement supplémentaire du corps électoral, par abaissement du cens, sera la cause directe de la chute du régime, en février 1848.

2.À l'installation du régime

La Monarchie de Juillet connaît des débuts difficiles. Le peuple de Paris souffre de la faim et du chômage jusqu'en 1832. En 1831, une épidémie de choléra fait 20 000 victimes à Paris. Émeutes et complots se succèdent. L’attentat de Fieschi, faisant 18 victimes dans l’entourage du roi le 28 juillet 1835, est exploité par le gouvernement qui, sous l’impulsion d’Adolphe Thiers, fait voter la loi de septembre 1835 réprimant les délits de presse et la propagande anticonstitutionnelle.

Le nouveau régime se heurte à une quadruple opposition, celle des courants :

  • légitimistes, qui souhaitent le rétablissement des Bourbon ;
  • bonapartistes, autour de Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, exilé en Suisse et héritier putatif de la maison impériale à partir de 1832 ;
  • républicains, qui recrutent dans la petite bourgeoisie, parmi les étudiants et les ouvriers, s’organisent en sociétés secrètes et appuient notamment, en 1831 et en 1834, les insurrections des ouvriers lyonnais de la soie, les canuts ;
  • socialistes, très divisés. Point commun des diverses doctrines socialistes (saint-simoniens, utopistes proches de Charles Fourier, blanquistes…) qui se développent dans les années 1830 : le constat que la Révolution industrielle alors en plein essor – début de la construction des chemins de fer, progrès de la métallurgie – profite avant tout à la bourgeoisie.

L’orléanisme lui-même, soutien du régime, se divise en deux tendances:

  • pour le "parti du mouvement" (Thiers ou Alexis de Tocqueville), le régime doit évoluer, avancer dans le sens du libéralisme. Soutenant l’élargissement du corps électoral, ce courant sera à l’origine de la loi de 1833 sur les écoles primaires et sa gratuité pour les enfants pauvres, et de celle de mars 1841 sur l’interdiction du travail des enfants moins de 8 ans ;
  • à l'opposé, selon le "parti de la résistance" – représenté par Casimir Périer (président du Conseil de 1831 à 1832) et François Guizot (de facto, chef du gouvernement de 1840 à 1848, et président du Conseil en 1847-1848) – la Charte de 1830 est un point d’arrivée.
Voulant maintenir l’ordre et la stabilité à tout prix, les "conservateurs" tenants de ce "parti" (avec la pratique parlementaire, le mot commence à s'imposer) estiment qu'il faut maintenir à tout prix le régime. Ils seront à l’origine de la forte répression tant de la révolte des canuts de Lyon que des manifestations parisiennes.

3.Une période de stabilité, au prix de mécontentements grandissants

Entre 1840 et 1848, Guizot se refuse à réformer. Son programme est simple :
  • paix à l’extérieur, par le rapprochement avec l’Angleterre ;
  • à l’intérieur, priorité absolue au progrès économique, au souci de la prospérité, dans une société solidement encadrée par les notables (c'est le sens du fameux "enrichissez-vous" : par cette formule, Guizot invite les mécontents à rejoindre les rangs de la bourgeoisie, et donc des électeurs).
Logiquement, c'est le refus de la réforme du régime électoral qui cristallise les mécontentements. Certains réclament l’abaissement du cens. Quant aux républicains, ils veulent le suffrage universel.

Le mécontentement de la petite et moyenne bourgeoisie est accentué par la crise économique de 1846. Un climat révolutionnaire se développe, à la fin de l’année 1847, entretenu par l'organisation dans toute la France de banquets (faute d’un véritable droit de réunion) où sont prononcés des discours en faveur de la réforme de la loi électorale. Un dernier banquet doit se tenir à Paris le 22 février 1848, mais Guizot l’interdit. Les Parisiens manifestent alors contre l’interdiction, et la Garde nationale répond violemment, faisant 52 morts. Paris se couvre de barricades. Le 24 février, Louis-Philippe doit abdiquer et s’enfuit en Angleterre. La République est proclamée.

Sources :
Les régimes politiques de la Révolution française à 1958 | vie-publique.fr
Histoire de l'Assemblée nationale - Histoire - Assemblée nationale (assemblee-nationale.fr)
L’Histoire du Sénat | Sénat (senat.fr)
Droit constitutionnel et institutions politiques de Jean GICQUEL et Jean-Eric GICQUEL (LGDJ-Précis DOMAT)
Droit constitutionnel et institutions politiques de Philippe ARDANT et Bertrand MATHIEU (LGDJ-Manuels Droit Public)
Droit constitutionnel de Pierre PACTET et Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN (SIREY)

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