MONARCHIE CONSTITUTIONNELLE dite DE JUILLET (2.8.1830 au 6.5.1848)

JUILLET MONARCHIE DE

La monarchie de Juillet tire son nom de l'émeute qui se transforma en révolution, les 27, 28 et 29 juillet 1830 (les Trois Glorieuses). Cette origine révolutionnaire et le choix du duc d'Orléans, devenu Louis-Philippe, parce que Bourbon pour les uns, quoique Bourbon pour d'autres, expliquent l'ambiguïté du régime qu'une autre révolution devait emporter dix-huit ans plus tard.

La France connut pendant le règne de Louis-Philippe une extension du régime représentatif, qui devint véritablement parlementaire, et des transformations dans la mentalité et dans l'activité économique correspondant au démarrage de la révolution industrielle. Mais l'ensemble de la population ne bénéficie pas également de ces avantages ; les écarts sociaux se creusent entre riches et pauvres, mais aussi entre régions actives et départements moins développés, ce qui provoque des antagonismes et une réflexion en vue d'une organisation de la société en contradiction avec l'idéologie libérale dominante.

L'établissement du nouveau régime

L'installation du nouveau souverain

Le 30 juillet au matin, au moment où les troupes de Charles X se sont définitivement retirées de Paris, est affichée, sur les murs de la capitale, une proclamation rédigée par Thiers, alors rédacteur du journal libéral Le National, qui propose de nommer roi le duc d'Orléans, « prince dévoué à la cause de la Révolution » ; c'était offrir une solution aux députés de l'opposition libérale sous Charles X et à la nouvelle commission municipale (avec les banquiers Jacques Laffitte et Casimir Périer) qui ne voulaient pas d'une république, en raison des souvenirs de la Terreur, et qui se rendaient compte désormais de l'impossibilité de tout accord avec Charles X. Le général La Fayette, promu au commandement de la garde nationale, et populaire parmi les insurgés, se rallia au duc d'Orléans, qu'il présenta à la foule au balcon de l'Hôtel de Ville, le 31 juillet, comme lieutenant général du royaume ; cette adhésion décapitait les projets des jeunes républicains, tel Godefroy Cavaignac, qui avaient espéré placer La Fayette (« nouveau Washington ») à la tête d'une république. Les députés libéraux déclarèrent le trône vacant le 3 août, et après une révision de la Charte, approuvée le 7 août par deux cent dix-neuf députés contre trente-trois (mais en l'absence de plus de deux cents députés) et par un nombre plus réduit encore de pairs de France, le duc d'Orléans est proclamé roi des Français, sous le nom de Louis-Philippe Ier. Il prête serment de fidélité à la Charte révisée le 9 août.

Louis-Philippe était né en 1773 ; sa réputation de libéralisme, qui l'avait fait désigner comme « roi citoyen », était due à la fois à son origine familiale (son père, surnommé Philippe-Égalité, avait été un conventionnel régicide, avant d'être guillotiné avec les Girondins) et à sa présence dans l'armée de Dumouriez à Jemmapes ; émigré après 1793, il avait épousé une fille du roi de Naples. Sous la Restauration, il avait retrouvé sa fortune, mais était resté à l'écart de la politique contre-révolutionnaire. Sa vie familiale (il eut cinq fils, élevés dans des collèges royaux, et trois filles) plaisait à la bourgeoisie qui croyait se reconnaître dans ses allures simples. Toutefois, ce monarque sans grand prestige ne réussit pas à conserver longtemps la popularité réelle des premiers temps ; après avoir montré un sens certain de ce qui correspondait à l'opinion, il prit goût au pouvoir et profita même des rivalités de personnes entre les ministres pour accroître son influence dans le gouvernement. Il resta cependant pour les autres souverains un « roi des barricades ».

Les institutions nouvelles

La Charte de 1814 reste[...]

André Jean TUDESQ : MONARCHIE DE JUILLET - Encyclopædia Universalis

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Compromis entre le rétablissement de l'ancienne monarchie et certains principes révolutionnaires, la Charte constitutionnelle de 1814 garantit l'égalité civile, le libre accès aux emplois publics, la liberté individuelle, la liberté du culte et, sous certaines réserves, la liberté de la presse.

En 1824, Charles X succède à son frère décédé. Le nouveau roi, représentant des « ultras » de la Monarchie, entreprend de restreindre les libertés, pourtant reconnues dans leur principe. S'ensuit l'insurrection populaire des 27, 28 et 29 juillet 1830 (dites les Trois Glorieuses).
Après ces journées de fièvre, la France semble enfin tenir une solution de compromis, c'est-à-dire le régime de monarchie constitutionnelle et libérale qu'elle cherche depuis près de quarante ans. Louis-Philippe, proclamé « roi des Français » et non plus roi de France, accède au trône par « la grâce de Dieu et la volonté nationale ». « Roi-citoyen », il inaugure une monarchie bourgeoise, soucieuse avant tout de développement économique et de conservatisme social. La monarchie de Juillet commence une longue valse hésitation entre réformisme et conservatisme. Ne parvenant pas à réformer la société, ni les institutions, elle disparaîtra en février 1848.

Cette première moitié du XIXe siècle est marquée par l'affrontement entre les conceptions politiques anciennes, héritées de l'Ancien Régime, et les idées nouvelles diffusées par la Révolution.

Dans l'ensemble de l'Europe, les rois sont de nouveau solidement installés sur leur trône (le Congrès de Vienne, en 1815, en bridant l'émergence de l'esprit national, a aussi isolé la France, cette « grande fabrique des révolutions » dont parlait Metternich). Dans ce contexte, en France, la République est mise entre parenthèses. La monarchie absolue ne peut être rétablie, mais le régime républicain ne parvient pas à s'imposer. Une fracture socio-économique et culturelle se crée entre les partisans d'un régime d'ordre, qu'incarnent tour à tour Napoléon Ier, Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe, et les revendications d'une petite et moyenne bourgeoisie en développement et d'une classe ouvrière naissante. Les conditions de la révolution de 1848 et partant, du rétablissement de la République sont ainsi réunies. Car pendant cette période, la citoyenneté est un combat quotidien ; d'abord politique, pour la conquête pleine et entière du droit de vote, mais aussi social, pour l'accès de la population à de meilleures conditions de vie. Tolérées, puis définitivement écrasées par plusieurs mesures limitant les libertés d'association en 1834 et de la presse en 1835, les aspirations républicaines sont en butte à l'immobilisme du régime, qu'incarne si bien François Guizot, représentant attitré des conservateurs, principal ministre, puis président du conseil des ministres de Louis-Philippe.

Le mécontentement de la petite et moyenne bourgeoisie, qui réclame un abaissement du cens électoral, est accentué par la crise économique de 1846. Un climat révolutionnaire se développe, entretenu par l'organisation dans toute la France de banquets où sont prononcés des discours en faveur de la réforme de la loi électorale. L'interdiction d'un banquet prévu à Paris le 22 février 1848 provoque une insurrection qui aboutit au renvoi de Guizot le 23 février, à l'abdication de Louis-Philippe puis à la proclamation de la République le 24 février.

Bilan institutionnel

La monarchie de Juillet

Par bien des côtés, le nouveau régime est très proche du précédent. Cependant, les chambres partagent désormais l'initiative des lois avec le roi. La paierie héréditaire est supprimée en décembre 1831. Désormais, les députés peuvent choisir leur président. Le roi perd le droit attribué par l'article 14 de la Charte de prendre des ordonnances nécessaires pour la sûreté de l'État. Le catholicisme cesse d'être religion d'État. A partir de 1831, se développe la pratique de l'interpellation, c'est-à-dire la question d'un député donnant lieu à un débat, après la réponse du ministre. Le drapeau bleu, blanc, rouge, datant officiellement du 20 mai 1794, redevient l'emblème national.

Le cens électoral est abaissé. Il suffit désormais d'avoir 30 ans et de payer 500 francs d'impôt direct, au lieu de 40 ans et de 1000 francs, pour être élu. Mais on compte à peine 70 000 éligibles. Il suffit d'avoir 25 ans et de payer 200 francs d'impôt, au lieu de 300 francs, pour être électeur. Pourtant, si le nombre d'électeurs passe de 100 000 à 166 000, il reste infime par rapport à l'ensemble de la population française. En 1846, grâce à l'enrichissement du pays, le nombre d'électeurs s'élèvera à 240 000. Au même moment, la Grande-Bretagne compte plus de 800 000 électeurs, pour une population nettement plus faible. La nature du régime politique instauré en 1814 n'a pas changé. Elle reste très éloignée des idéaux révolutionnaires et des principes démocratiques : moins d'un pour cent de la population participe au fonctionnement des institutions.

La monarchie de Juillet va cependant renforcer la pratique du parlementarisme. La responsabilité politique des ministres devant le Parlement n'est plus contestée. Mais le ministère doit avoir simultanément la confiance des chambres et du roi. Celui-ci dispose d'ailleurs de moyens de pression très forts sur les chambres, en particulier par l'intermédiaire des députés fonctionnaires. En l'absence d'incompatibilités entre le mandat parlementaire et l'exercice d'une fonction publique, le pouvoir exécutif peut ainsi favoriser ou, au contraire, bloquer l'avancement des fonctionnaires, en fonction de leurs votes. On comptera jusqu'à 150 députés fonctionnaires.

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1830-1848 : La Chambre des Pairs de la Monarchie de Juillet

Une Charte parlementaire

Les "Trois Glorieuses" de juillet 1830 mettent fin au régime de Charles X et portent sur le trône Louis-Philippe, duc d'Orléans. Le 3 août est décidée une révision de la Charte de 1814, qui sera votée par les deux Chambres le 7. Le 9, le "roi-citoyen" prête serment à ce texte. La nouvelle Charte renforce le caractère parlementaire du régime.

Pour les deux Chambres, dont les séances sont désormais publiques, le droit d'initiative en matière législative est confirmé. La pairie n'est plus héréditaire, mais les pairs de France sont toujours nommés, en nombre illimité, par le roi. Toutefois, aucun traitement, aucune dotation ne sont plus attachés à cette dignité.

Toutes les nominations faites sous le règne de Charles X sont annulées. Et ce sont désormais des magistrats, des conseillers d'Etat ou des ambassadeurs qui occupent les sièges de la nouvelle Chambre.

Une Chambre en perte d'influence

Ainsi transformée, amputée des cent soixante-quinze membres de l'ancienne Chambre qui avaient refusé le serment à un roi qu'ils considéraient comme un "usurpateur", la Chambre des Pairs, qui siège toujours au Luxembourg, devient plus "bourgeoise". Elle perd aussi une partie de son indépendance et de son influence face au gouvernement et à la Chambre des députés. Même si de nombreux pairs de France sont appelés à faire partie des multiples ministères qui se succèdent entre 1832 et 1837, la nouvelle génération, celle qui n'a pas connu directement la Révolution, et qui mène le jeu politique, siège au Palais Bourbon, et non au Luxembourg. A la Chambre des députés élue en 1839, 58% des élus sont nés après 1789. A la même date, 12% seulement des pairs sont dans ce cas.

L'éclat des grands procès

La Chambre des Pairs, qui a hérité des attributions judiciaires de la Chambre de la Restauration, ne retrouve vraiment son éclat que lors des procès en Haute Cour, particulièrement nombreux pendant la Monarchie de Juillet. En 1830, elle a ainsi à juger les anciens ministres de Charles X, dont Polignac et Peyronnet, et, en 1840, après l'expédition de Boulogne, Louis-Napoléon Bonaparte. C'est d'ailleurs à l'occasion d'un procès, celui de Fieschi (auteur d'un attentat en juillet 1835 contre Louis-Philippe) que l'exiguïté des locaux devient évidente. La salle des Séances construite par Chalgrin pour les quatre-vingts sénateurs de l'Empire ne suffit plus, d'autant que le public y est désormais admis. L'architecte du Palais, Alphonse de Gisors, se voit donc chargé de procéder aux agrandissements nécessaires.

Ces lieux rénovés voient évoluer nombre de personnalités : Montalembert, d'Andigné, Bourgoing, mais aussi Victor Cousin ou Villemain, sans oublier le duc Decazes, devenu "grand référendaire" et chargé, à ce titre, d'administrer le Palais du Luxembourg. Le 13 avril 1845, la Chambre des Pairs accueille l'un de ses membres les plus éminents : Victor Hugo.

La France des notables

Le régime de Louis-Philippe consacre l'installation aux affaires d'une élite de notables qui détiennent, dans leur région comme à Paris, la clé du pouvoir économique, administratif, politique. Les pairs de France font bien sûr partie de cet "establishment" qui en vient à confondre trop souvent affaires publiques et intérêt privé. Vers la fin de la Monarchie de Juillet, en effet, les "affaires" se multiplient, et plusieurs vont impliquer des pairs de France. En 1847, le général Cubières, pair de France et ancien ministre, est accusé d'avoir acheté la complicité d'un autre pair, Teste, ministre des Travaux publics, pour faciliter une affaire de compagnie minière. La même année, un autre membre de la pairie, le duc de Choiseul-Praslin assassine sa femme et se suicide en prison. C'est sur fond de crise morale et politique que s'effondrera le régime du vieux roi Louis-Philippe.

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Histoire de la monarchie de Juillet (1830-1848)

de Sébastien Charléty (Auteur), Arnaud Teyssier (Préface)

La monarchie moderne. Aux origines du macronisme ?

La Monarchie de Juillet, publiée en 1921 par Sébastien Charléty, reste l'ouvrage de référence sur le régime de Louis-Philippe Ier, devenu avec le temps le symbole même du capitalisme triomphant et du pouvoir de l'argent.
Charléty dresse un portrait de l'époque plus proche de la réalité, comme le démontre Arnaud Teyssier dans sa belle préface. Une réalité qui n'est pas sans éveiller des échos en nous : un monarque intelligent, cultivé et volontaire, soucieux de réconcilier deux France séparées par l'Histoire, mais aussi un politique manipulateur, toujours porté à tirer les institutions vers un pouvoir personnel. Un pays d'apparence prospère, mais où le mouvement du monde creuse un fossé chaque jour plus profond entre les plus riches et les plus modestes. Une société en pleine mutation sur fond de bouleversement économique. Un régime qui se croit assez fort pour maintenir l'ordre en France et l'harmonie en Europe, mais qui a trop peur du peuple pour croire dans les vertus du suffrage universel et saisir la force des passions souterraines qui agitent le pays.
Louis-Philippe fut à bien des égards un roi courageux et tenace, qui avait longtemps vécu et appris avant d'accéder au pouvoir, et régna tout de même près de dix-huit ans sur une France qui ne savait plus vraiment ce qu'elle espérait de la politique.
L'exemple de la monarchie de Juillet, telle que la fait revivre cet ouvrage si vivant, nous rappelle enfin qu'un régime qui se veut porteur d'optimisme et de prospérité peut s'effondrer subitement s'il oublie non seulement la " charpente sociale " et son tissu nécessaire de solidarités, mais aussi la part de rêve et de passion qui, pour un peuple, fait la " véritable nourriture de son âme ".

Éditeur ‏ : ‎ Perrin (25 janvier 2018)
Langue ‏ : ‎ Français
Broché ‏ : ‎ 576 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 226207481X
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2262074814
Poids de l'article ‏ : ‎ 720 g
Dimensions ‏ : ‎ 15.4 x 3.8 x 24.2 cm