MONARCHIE CONSTITUTIONNELLE - 2ème Restauration (8.7.1815 au 2.8.1830)

RESTAURATION


De 1814 à 1830, hors le bref épisode des Cent-Jours, les deux frères de Louis XVI règnent sur la France, sous les noms de Louis XVIII et Charles X. Cette restauration de la maison de Bourbon devait être aussi, dans l'esprit de ceux qui l'ont souhaitée, une restauration de l'Ancien Régime dans l'ordre politique et social. Mais le fossé creusé par la Révolution, dont l'Empire a consolidé les principales conquêtes, ne pouvait être aisément comblé ; en fait, il ne le fut point. Au contraire, la France fit sous la Restauration sa première expérience suivie d'un régime représentatif. La société issue de la Révolution, dernière forme de la société française ancienne, se stabilise provisoirement avant de subir le choc du machinisme et que se fasse sentir le poids d'un prolétariat ouvrier. Enfin, la liberté d'expression recouvrée après le despotisme impérial, la paix maintenue, les contacts multipliés avec l'étranger favorisent le renouveau de la vie intellectuelle. Ces quinze années sont, en quelque sorte, le moment d'une remise en ordre et d'un inventaire des ressources de la France alors que le pays entre dans une ère nouvelle, celle du capitalisme industriel et de la pensée socialiste.

La première Restauration et les Cent-Jours

Le 6 avril 1814, le Sénat impérial appelle au trône Louis XVIII. Une année de réaction affichée, d'hostilité ouverte à la vieille armée, de fiscalité tout aussi exigeante que celle de l'Empire, de politique extérieure alignée sur celle de l'étranger aboutit au retour de l'île d'Elbe (1er mars 1815) ; le 20 mars, Napoléon est à Paris. Trois mois d'hésitations politiques pseudo-libérales et de préparatifs militaires se terminent le 18 juin 1815 à Waterloo. Le 8 juillet 1815, Louis XVIII rentre à Paris : « Sire, il y a cent jours... »

De la première Restauration et des Cent-Jours, lequel faut-il tenir pour simple épisode ? Les deux sans doute. La faiblesse maladroite de cette jeune monarchie qui prétend qu'il ne s'est rien passé depuis vingt ans n'a d'égale que l'absurdité de la tentative de Bonaparte, déclenchant une guerre européenne que la France n'a aucune chance de remporter. Que faut-il retenir alors des quelques mois qui séparent les deux entrées triomphales de Louis XVIII à Paris, en mai 1814 et en juillet 1815 ? Simplement que, si la France ne voulait plus du despotisme impérial, elle ne veut pas plus d'un retour à l'Ancien Régime, et entend défendre, outre les conquêtes juridiques et sociales de la Révolution telles que les a fixées le Code civil, un minimum de libéralisme politique. Louis XVIII, à qui ne manquait pas la finesse, le comprit bien : en ce sens, Napoléon, par les Cent-Jours, lui a peut-être montré la voie de la sagesse.

Philippe SUSSEL : RESTAURATION - Encyclopædia Universalis

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BILAN INSTITUTIONNEL


Compromis entre le rétablissement de l'ancienne monarchie et certains principes révolutionnaires, la Charte constitutionnelle de 1814 garantit l'égalité civile, le libre accès aux emplois publics, la liberté individuelle, la liberté du culte et, sous certaines réserves, la liberté de la presse.


La Charte de 1814 est octroyée aux Français par Louis XVIII qui, par ce terme, marque qu'il concède des droits. Elle tranche logiquement en faveur d'un régime qui tente de nouveau l'expérience d'une monarchie constitutionnelle, avec l'ébauche d'un système parlementaire. L'article 15 de la Charte dispose que « la puissance législative s'exerce collectivement par le roi, la chambre des pairs, et la chambre des députés des départements ».

En 1824, Charles X succède à son frère décédé. Le nouveau roi, représentant des « ultras » de la Monarchie, entreprend de restreindre les libertés, pourtant reconnues dans leur principe. S'ensuit l'insurrection populaire des 27, 28 et 29 juillet 1830 (dites les Trois Glorieuses).
Après ces journées de fièvre, la France semble enfin tenir une solution de compromis, c'est-à-dire le régime de monarchie constitutionnelle et libérale qu'elle cherche depuis près de quarante ans. Louis-Philippe, proclamé « roi des Français » et non plus roi de France, accède au trône par « la grâce de Dieu et la volonté nationale ». « Roi-citoyen », il inaugure une monarchie bourgeoise, soucieuse avant tout de développement économique et de conservatisme social. La monarchie de Juillet commence une longue valse hésitation entre réformisme et conservatisme. Ne parvenant pas à réformer la société, ni les institutions, elle disparaîtra en février 1848.

La Chambre des Députés est composée de 430 députés élus pour cinq ans au suffrage censitaire et renouvelés par cinquième tous les ans. Les membres de la Chambre des Pairs sont en nombre illimité, nommés par le roi, à vie ou héréditaires. Pour être élus, dans le cadre du département, les députés doivent payer un impôt direct de plus de 1 000 francs et être âgés de plus de 40 ans. Ils sont élus par une petite fraction de la population, à savoir les seuls sujets âgés de plus de 30 ans et payant au moins 300 francs d'impôt direct. Le nombre d'électeurs est d'à peine cent mille, alors que la population compte plus de trente millions de Français. En 1820, est adoptée la loi dite du « double vote » : les électeurs les plus fortunés votent deux fois, une première fois avec les autres électeurs, pour élire les 3/5 des députés (258), puis une seconde fois, entre eux, pour choisir les autres députés (172). Les impôts des électeurs suspects de libéralisme sont diminués afin de les exclure des listes électorales. Ces manipulations des lois électorales permettent aux élites de monopoliser le pouvoir.

Le roi est le chef du pouvoir exécutif. Il a l'initiative des lois et si les deux chambres les votent, c'est encore le roi qui seul les sanctionne et les promulgue. Toutefois, les chambres peuvent demander au roi de proposer une loi. Les ministres ne sont pas responsables devant les chambres, au-delà d'une simple responsabilité pénale, éventuellement mise en jeu par le biais d'une mise en accusation par la Chambre des Députés, devant la Chambre des Pairs. Mais ils sont choisis par le roi dans les deux assemblées. Les ministres y ont droit d'entrée et de parole. Le vote d'une Adresse, en réponse au discours du trône, l'élaboration de rapports sur les pétitions des simples particuliers, la mise en oeuvre, à partir de 1817, d'une procédure de discussion budgétaire permettant un examen détaillé des crédits sont autant de moyens à la disposition des chambres pour tenter de peser sur l'action du pouvoir exécutif.

En 1830, Charles X - anciennement chef des « ultras », partisans de la monarchie absolue sous le règne de son frère Louis XVIII - veut définitivement en finir avec les revendications des libéraux.

Le 16 mai il décide de dissoudre la Chambre des députés, après l'adoption d'une Adresse de défiance dirigée contre le ministère du prince de Polignac qu'il avait choisi. Une nouvelle Chambre est élue, encore plus hostile au gouvernement. Le roi signe alors, en utilisant l'article 14 de la Charte, quatre ordonnances : la première dissout la chambre des députés à peine élue, la deuxième décide arbitrairement de la date des prochaines élections, la troisième modifie la loi électorale en faveur des riches propriétaires et la quatrième censure la presse. Ces ordonnances vont déclencher la Révolution de juillet 1830. Après l'abdication de Charles X, la Chambre des députés adopte un certain nombre de modifications de la Charte de 1814.

Louis-Philippe, « roi-citoyen » prête serment à cette charte promulguée le 14 août 1830.

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1814-1830 : La Chambre des Pairs de la Restauration

Les Pairs d'une monarchie restaurée

Après la déchéance de Napoléon, proclamée le 3 avril 1814 par le Sénat et le Corps législatif, et son abdication à Fontainebleau, Louis XVIII s'apprête à monter sur le trône de France. Va-t-il revenir à la monarchie absolue d'avant 1789 ? Un premier projet constitutionnel, d'origine sénatoriale, s'inspirant des Constitutions de 1791 et de l'an III, vise à empêcher ce retour en arrière et suscite un débat serré entre les ultras, partisans de l'absolutisme, et les libéraux, défenseurs de la souveraineté du peuple. Finalement, un nouveau texte, baptisé "Charte constitutionnelle", sera élaboré par le roi lui-même, avec le concours de neuf sénateurs, de neuf députés et de trois commissaires représentant le roi, et octroyé le 4 juin 1814.

Cette Charte substitue au Sénat impérial une Chambre des Pairs, composée de membres nommés par le roi, en nombre illimité, soit à vie, soit avec transmission héréditaire. Les princes du sang sont pairs par le droit attaché à leur naissance. Le préambule de la Charte fait de la pairie le trait d'union entre l'Ancien Régime et les idées nouvelles.

"Nous avons enfin cherché les principes de la Charte constitutionnelle dans le caractère français, et dans les monuments vénérables des siècles passés. Ainsi nous avons vu dans le renouvellement de la pairie une institution vraiment nationale, et qui doit lier tous les souvenirs à toutes les espérances, en réunissant les temps anciens et les temps modernes." Signe fort de cette continuité, on retrouve à la Chambre des Pairs bon nombre de "rescapés" de l'Empire : sur cent quarante-neuf pairs, cent trois sont des sénateurs ou des maréchaux d'Empire. Nouveaux ou anciens, les pairs font sans réserve allégeance au nouveau monarque, lors de la séance d'installation de la Chambre, le 4 juin 1814.

Quand les royalistes côtoient les conventionnels

Après le bref entracte des Cent Jours, la Chambre des Pairs est rétablie par Louis XVIII. Les vingt-neuf parlementaires qui avaient accepté de siéger dans la Chambre des Pairs des Cent Jours sont exclus. Ils sont remplacés, par une ordonnance du 17 août 1815, par quatre-vingt-quatorze nouveaux pairs, ce qui porte à plus de deux cents leur effectif, alors qu'en 1814 ils n'étaient que cent cinquante. Parmi les nouveaux venus, de fervents monarchistes comme Jules de Polignac et Chateaubriand siègent aux côtés d'anciens conventionnels comme Boissy d'Anglas et Lanjuinais.

On trouve à la Chambre des Pairs tous les grands noms de l'histoire de France : Montmorency, Richelieu, Broglie, La Rochefoucauld, Talleyrand, ... mais aussi des royalistes modérés et des constitutionnels d'origine plus modeste, Lainé, Decazes, ainsi que plusieurs maréchaux de l'Empire.

Entre docilité et mesure, les prémices d'un régime parlementaire

Rendus sceptiques par les événements, les pairs s'opposent aux mesures extrêmes d'épuration visant les "complices" des Cent Jours, proposées par des députés plus jeunes et moins expérimentés. Mais la Chambre Haute dispose, face au roi et à ses ministres, d'une faible marge de manœuvre, puisque Louis XVIII peut nommer des "fournées de pairs". C'est notamment le cas lors d'une offensive des pairs contre le ministère Dessolles en décembre 1818. Seule la nomination de soixante pairs viendra à bout de cette opposition. La Chambre des Pairs parvient toutefois à se faire entendre et devient même l'une des tribunes privilégiées des défenseurs des libertés publiques, au premier rang desquels on trouve Chateaubriand.

Ainsi, paradoxalement, c'est le parti ultra-royaliste qui contribue à infléchir le régime issu de la Charte vers un régime parlementaire. Ministre de Charles X (qui, à la mort de son frère Louis XVIII, en septembre 1824, hérite du trône), Villèle en fera l'amère expérience. En 1827, il tente de réduire au silence l'opposition parlementaire en prononçant la dissolution de la Chambre des députés et en faisant nommer soixante-seize nouveaux pairs. Sa tentative échoue et il est renversé.

Les grands procès

Les circonstances transformèrent également les pairs en juges. L'article 33 de la Charte prévoyait en effet que "la Chambre des Pairs connaît des crimes de haute trahison et des attentats à la sûreté de l'Etat ...". Or les procès ne manquent pas pendant les règnes de Louis XVIII et de Charles X. En 1815, le maréchal Ney choisit lui-même de comparaître devant la Chambre des Pairs, à laquelle il appartenait. Le procès de l'ouvrier sellier Louvel, qui assassine le 13 février 1820 devant l'Opéra le duc de Berry, et celui des conspirateurs bonapartistes, en 1821, ont également lieu au Palais du Luxembourg.

Histoire de la Restauration (1814-1830)

de Emmanuel de Waresquiel (Auteur), Benoît Yvert (Auteur)

Une approche renouvelée d'une des périodes les plus mouvementées de notre histoire, qui eut le mérite de jeter les bases de la France contemporaine.

La Restauration, c'est d'abord la fin d'une épopée militaire, impériale et révolutionnaire. Les événements s'y bousculent : la campagne de France, les deux abdications de Napoléon, la France occupée à deux reprises par les troupes russes, autrichiennes et anglaises, le retour de la paix et, ultérieurement, le dernier sacre d'un roi à Reims. La Restauration, c'est aussi une entreprise de reconstruction, économique et diplomatique avec la première révolution industrielle ou les interventions en Espagne, en Grèce et à Alger. La Restauration marque enfin les débuts de la France contemporaine : égalité des droits, libertés fondamentales, naissance de la représentation et du parlementarisme, des partis, dans une effervescence illustrée par la révolution de 1830.

Éditeur ‏ : ‎ Perrin (7 novembre 2002)
Langue ‏ : ‎ Français
Poche ‏ : ‎ 512 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 2262019010
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2262019013
Poids de l'article ‏ : ‎ 300 g
Dimensions ‏ : ‎ 11.2 x 2 x 18 cm