MONARCHIE CONSTITUTIONNELLE - 2ème Restauration (8.7.1815 au 2.8.1830)


La Restauration voit le retour au pouvoir de la maison des Bourbons : Louis XVIII puis Charles X, frères cadets de Louis XVI se succèdent sur le trône.

Après l’abdication de Napoléon Ier, le 6 avril 1814, la monarchie est rétablie une première fois, mais cette première Restauration est interrompue par l’épisode des Cent-Jours (20 mars-8 juillet 1815). Si l’empereur déchu reprend brièvement le pouvoir, la monarchie est rétablie après la défaite de Waterloo (18 juin 1815) : c'est la "seconde Restauration".

Proposée par le Sénat, une première Constitution s'inspirant des Constitutions de 1791 et de l'an III, vise à empêcher ce retour en arrière et suscite un débat serré entre les ultras, partisans de l'absolutisme, et les libéraux, défenseurs de la souveraineté du peuple. Elle est d’abord refusée par le roi. Mais un retour à la monarchie absolue n’apparaît guère possible, étant donné l’ampleur des changements intervenus depuis déjà un quart de siècle. Louis XVIII fait promulguer la déclaration de Saint-Ouen (2 mai 1814). La Charte constitutionnelle, élaborée par le roi lui-même, avec le concours de neuf sénateurs, de neuf députés et de trois commissaires représentant le roi, est "octroyée" par le roi le 4 juin 1814, compromis entre acquis de la Révolution et principe monarchique.

La Charte perpétue les grands principes de liberté et d’égalité contenus dans la Déclaration des droits du 26 août 1789 (égalité devant la loi, devant l’impôt et dans l’accès aux emplois). Elle confirme les libertés individuelles, la liberté religieuse et la liberté de la presse (mais il est prévu que des lois peuvent en réprimer les abus), ainsi que l’indépendance des tribunaux. Elle proclame l’inviolabilité des propriétés, y compris celles des biens nationaux, l’amnistie politique pour les actes antérieurs à 1814 et l’abolition de la conscription.

Dès son préambule, la Charte précise que "La divine Providence, en nous rappelant dans nos États après une longue absence, nous a imposé de grandes obligations. La religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l’État. Sur le plan institutionnel, il s’agit d’établir un équilibre ténu, lié aux circonstances de l’heure : "En même temps que nous reconnaissions qu’une Constitution libre et monarchique devait remplir l’attente de l’Europe éclairée, nous avons dû nous souvenir aussi que notre premier devoir envers nos peuples était de conserver, pour leur propre intérêt, les droits et les prérogatives de notre couronne."

Ainsi, s’agissant des pouvoirs publics, il n’y a pas de séparation des pouvoirs.

  • Le roi dispose seul du pouvoir exécutif, avec des prérogatives très étendues : il déclare la guerre, commande les forces armées, fait les traités de paix, d’alliance et de commerce, nomme les ministres ainsi qu’à tous les emplois civils et militaires. Il a la possibilité de faire "des règlements et ordonnances nécessaires pour l’exécution des lois et la sûreté de l’État"
  • Le roi est le chef du pouvoir exécutif. Il a l'initiative des lois et si les deux chambres les votent, c'est encore le roi qui seul les sanctionne et les promulgue. Toutefois, les chambres peuvent demander au roi de proposer une loi.
  • La Charte de 1814 est octroyée aux Français par Louis XVIII qui, par ce terme, marque qu'il concède des droits. Elle tranche logiquement en faveur d'un régime qui tente de nouveau l'expérience d'une monarchie constitutionnelle, avec l'ébauche d'un système parlementaire. L'article 15 de la Charte dispose que « la puissance législative s'exerce collectivement par le roi, la chambre des pairs, et la chambre des députés des départements (bicamérisme) » :
    •  La Chambre des Pairs, qui se substitue au Sénat impérial, est composée de membres nommés par le roi, soit à vie, soit héréditaires, leur nombre n’est pas limité ce qui permet au roi d’en changer la majorité en nommant une "fournée de pairs". Les princes du sang sont pairs par le droit attaché à leur naissance. Le préambule de la Charte fait de la pairie le trait d'union entre l'Ancien Régime et les idées nouvelles. Signe fort de cette continuité, on retrouve à la Chambre des Pairs bon nombre de "rescapés" de l'Empire : sur cent quarante-neuf pairs, cent trois sont des sénateurs ou des maréchaux d'Empire. Les vingt-neuf parlementaires qui avaient accepté de siéger dans la Chambre des Pairs des Cent Jours sont exclus.
    • La Chambre des députés des départements, quant à elle, est élue pour cinq ans, avec renouvellement par cinquième tous les ans Pour être élus, dans le cadre du département, les députés doivent payer un impôt direct de plus de 1 000 francs et être âgés de plus de 40 ans. Ils sont élus par une petite fraction de la population, à savoir les seuls sujets âgés de plus de 30 ans et payant au moins 300 francs d'impôt direct. Le nombre d'électeurs est d'à peine cent mille, alors que la population compte plus de trente millions de Français. En 1820, est adoptée la loi dite du « double vote » : les électeurs les plus fortunés votent deux fois, une première fois avec les autres électeurs, pour élire les 3/5 des députés (258), puis une seconde fois, entre eux, pour choisir les autres députés (172). Les impôts des électeurs suspects de libéralisme sont diminués afin de les exclure des listes électorales. Ces manipulations des lois électorales permettent aux élites de monopoliser le pouvoir.
    • Le seul pouvoir autonome des chambres est le vote de l’impôt qui ne peut être établi sans leur consentement.
Le roi doit s’adresser régulièrement aux chambres pour leur communiquer la politique qu’il compte suivre. À l’issue de ces discours, elles peuvent approuver ou non cette politique. Si un ministre déplaît au souverain, il peut le révoquer ; si l’un d’eux se rend coupable de trahison ou de concussion (enrichissement illégal), il est passible de poursuites. La Chambre des députés porte l’accusation et c’est la Chambre des pairs qui juge.

Maintenu jusqu’en 1820, l’équilibre précaire des débuts de la Restauration cède la place à la domination des royalistes les plus conservateurs jusqu’en 1827, puis à l’affrontement avec les libéraux et, enfin, à la Révolution de 1830.

Le débat politique concerne une petite frange de la population, celle des électeurs, qui se recrutent pour l’essentiel parmi la classe dirigeante et possédante. Il met aux prises trois factions principales (on ne saurait à l’époque parler de parti politique) :
  • Les doctrinaires – également appelés "constitutionnels", parce qu’ils acceptent la Charte – sont associés au pouvoir entre 1816 et 1820. Sont alors votées, notamment, la loi Gouvion Saint-Cyr, imposant aux futurs officiers l’entrée par concours dans une école militaire ou le passage par les fonctions de sous-officier, et plusieurs lois sur la presse abolissant censure et autorisation préalable.
  • Les ultraroyalistes (ou "ultras"), qui souhaitent un retour à l’Ancien Régime et refusent l’idée même de la Charte. Ils disposent d’une majorité écrasante dans la Chambre élue en 1815 ("Chambre introuvable"). Avant d’être dissoute en 1816, cette Chambre prône l’exécution ou l’exil des "traîtres" des Cent-Jours, crée des tribunaux spéciaux (les cours prévôtales), instruments de la Terreur Blanche (répression des opposants à la monarchie) et procède à une forte épuration de l’administration.
  • Les libéraux ou indépendants de gauche constituent la troisième force politique (dont Benjamin Constant ou La Fayette, héros de l’indépendance américaine de 1776, sont les représentants les plus connus). Ils défendent les acquis juridiques de la Révolution : sûreté des personnes, égalité civile, liberté de conscience et de culte, liberté de la presse… Favorables à une évolution du droit de vote, ils se considèrent comme les représentants d’une bourgeoisie d’affaires s’appuyant sur la propriété industrielle.
  • Les ultras reviennent au pouvoir en 1821. À partir de 1824, l’accession au trône de Charles X - anciennement chef des « ultras », partisans de la monarchie absolue sous le règne de son frère Louis XVIII - leur permet de gagner à nouveau en influence et de revenir sur les libertés garanties par la Charte : lois répressives sur les libertés individuelles, presse en partie muselée, nouvelle loi électorale qui favorise les plus riches, tentative de rétablissement du droit d’aînesse, loi sur le sacrilège (non appliquée) et, enfin, indemnisation des anciens possesseurs des biens nationaux vendus pendant la Révolution ("milliard" des émigrés).
Ainsi, paradoxalement, c'est le parti ultra-royaliste qui contribue à infléchir le régime issu de la Charte vers un régime parlementaire. Ministre de Charles X (qui, à la mort de son frère Louis XVIII, en septembre 1824, hérite du trône), Villèle en fera l'amère expérience. En 1827, il tente de réduire au silence l'opposition parlementaire en prononçant la dissolution de la Chambre des députés et en faisant nommer soixante-seize nouveaux pairs. Sa tentative échoue et il est renversé.

Le 16 mai 1830 il décide de dissoudre la Chambre des députés, après l'adoption d'une Adresse de défiance dirigée contre le ministère du prince de Polignac qu'il avait choisi. Une nouvelle Chambre est élue, encore plus hostile au gouvernement. Le 25 juillet 1830, en utilisant l'article 14 de la Charte, le roi signe quatre ordonnances : la première dissout la chambre des députés à peine élue, la deuxième décide arbitrairement de la date des prochaines élections, la troisième modifie la loi électorale en faveur des riches propriétaires et la quatrième censure la presse.

Mais les 27, 28 et 29 juillet, Paris se soulève et renverse les Bourbons. Après l'abdication de Charles X, la Chambre des députés adopte un certain nombre de modifications de la Charte de 1814.


Sources :
Les régimes politiques de la Révolution française à 1958 | vie-publique.fr
Histoire de l'Assemblée nationale - Histoire - Assemblée nationale (assemblee-nationale.fr)
L’Histoire du Sénat | Sénat (senat.fr)
Droit constitutionnel et institutions politiques de Jean GICQUEL et Jean-Eric GICQUEL (LGDJ-Précis DOMAT)
Droit constitutionnel et institutions politiques de Philippe ARDANT et Bertrand MATHIEU (LGDJ-Manuels Droit Public)
Droit constitutionnel de Pierre PACTET et Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN (SIREY)

PRECEDENT
SUIVANT