MONARCHIE FEODALE ET HEREDITAIRE (XIIIème-XVIème siècles)

[L’Ancien Régime] (…) a eu une durée et une stabilité exceptionnelles. Il s’est maintenu pendant près de dix siècles.
Sans doute, pendant ce millénaire, de nombreuses évolutions se sont-elles produites. (…) Toutefois, les caractères généraux demeurent largement les mêmes, à travers un remarquable effort de continuité (…).

SECTION 1 : LE POUVOIR ROYAL

Le roi de France est un monarque héréditaire et absolu. Mais ces deux caractères n’ont pas été attachés, dès le début, à la couronne. La monarchie a dû lutter longuement pour les conquérir.

1.Le principe d’hérédité

L’hérédité mon archique peut être considérée comme acquise en France dès le début du XIIIe siècle ; mais le principe ne s’en est pas imposé sans difficultés.
Au moment de la conquête de la Gaule par les Francs, l’hérédité joue déjà dans notre pays un rôle important comme mode de nomination des administrateurs et même des gouvernants.
Chez les Francs, l’hérédité existait aussi, mais elle était combinée avec l’élection. Le roi était élu par l’assemblée des guerriers, parmi les membres d’une famille considérée comme divine, celle des Mérovingiens. Après la conquête, ces derniers s’affranchissent assez aisément de l’ingérence de l’assemblée des guerriers et établissent, à la mode gallo-romaine, une succession héréditaire.
Cette réforme, réalisée surtout par Clovis, ne devait cependant pas survivre à la dynastie des Mérovingiens. Pépin le Bref, fondateur de la dynastie des Carolingiens est élu par une assemblée du peuple, convoquée en 751 à Soissons. Il en sera ainsi pour Louis le Bègue, Louis le Gros, Eudes, ; etc.
L’avènement d’Hugues Capet, en 987, il y a plus de mille ans, paraît le triomphe de l’élection, le duc de l’Ile-de-France ayant été, après discussion, désigné par ses pairs. Du reste, le président de l’assemblée des grands, l’archevêque de Reims, déclare, à cette occasion, qu’en France le trône ne s’acquiert pas par droit héréditaire, mais bien à l’élection.
La désignation d’Hugues Capet devait cependant, marquer le point de départ du retour au système héréditaire. Le moyen employé par Hugues et ses successeurs, pour établir le principe héréditaire est classique et efficace : le roi associe de son vivant son fils au trône, après l’avoir fait sacrer.

2.Le caractère absolu du pouvoir

a).Les étapes de l’évolution

La monarchie franque, prenant la suite de l’autorité impériale, cumule rapidement les pouvoirs. Mais cette marche vers l’absolutisme va être interrompue, pour longtemps, par la féodalité.
Au moment où Hugues Capet monte sur le trône, l’autorité royale est réduite à sa plus simple expression. Dans le duché de l’Ile-de-France, le roi peut exercer directement les pouvoirs qu’il détient en qualité de seigneur féodal, mais sur les terres de ses feudataires son autorité est bien lointaine. Les Capétiens vont cependant user avec beaucoup d’habileté et de ténacité du principe féodal pour affermir leur autorité. Dans ce système, très fortement hiérarchisé, le roi est, pour ainsi dire, placé à la pointe de la pyramide ; il est le suzerain du royaume, tous les seigneurs étant médiatement ou immédiatement ses vassaux. A ce titre, le roi va contrôler les justices seigneuriales et établir sa justice propre comme recours suprême ; il superposera ses édits et ses ordonnances aux établissements seigneuriaux ; il ajoutera les services publics royaux aux services seigneuriaux et s’attachera à fondre ces derniers dans les siens : l’armée d’abord, les finances ensuite ; le reste suivra.
La renaissance du droit romain au XIVème siècle, viendra réconforter l’emprise royale. Les légistes du roi, nous dirions à l’heure actuelle, ses juristes, retrouvent, ou croient retrouver, dans les Institutes de Justinien et les autres monuments du droit romain. L’idée de souveraineté, de pouvoir inconditionnel et ils vont s’attacher à la dégager, à la défendre et à la développer au bénéfice du roi et de son autorité. Sous Louis XIV encore, Colbert, pour affermir l’autorité royale du roi car il n’est pas possible d’avoir en la monarchie, pair et compagnon, selon le dicton.
Ainsi, progressivement, le roi absolu prend la place du roi féodal, par une évolution dans laquelle il est fortement aidé par le peuple lui-même, qui demande à être immédiatisé, afin d’échapper à l’autorité seigneuriale, laquelle étant plus proche, paraît plus lourde que celle du roi.

b)La théorie de l‘absolutisme royal

Elle peut se résumer en deux formules : le roi possède tous les pouvoirs ; dans l’exercice de chacun d’eux, le roi ne connait point de limites, en théorie.

Au roi seul appartient la puissance souveraine, déclare le chancelier Lamoignon, en 1787. Il retient entre ses mains les attributs de l’Etat. Princeps legibus salutus est : le prince est par suite affranchi de l’observation des lois, selon la maxime d’Ulpien, reçue sous la monarchie.

(…)

Devant le parlement de Paris en 1766, Louis XV affirme : C’est en ma personne que réside l’autorité souveraine, dont le caractère propre est l’esprit de conseil, de justice et de raison. C’est à moi seul qu’appartient le pouvoir législatif sans dépendance et sans partage. L’ordre public tout entier émane de moi. Le roi est, tout d’abord, libre de toute sujétion extérieur. (…) A l’intérieur et au regard de ses sujets, le roi ne souffre aucune limite dans l’exercice de son autorité. (…) Ce caractère illimité du pouvoir royal, sous l’Ancien Régime, est, dans une certaine mesure la conséquence du sacre. (…)

c)Les conditions d’exercice du pouvoir royal

La confusion des pouvoirs, se révèle cependant quelque peu limitée, en pratique. Me pouvoir judiciaire, tout d’abord était en fait, séparé du roi et largement indépendant de son autorité pour la raison que l’on sait.
La confusion du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif était, certes, beaucoup plus grande.

d)Les limitations au pouvoir royal

(…) Absolu en son principe, le pouvoir royal était tempéré, en pratique. Il était préservé de l’arbitraire par les Lois fondamentales du royaume et un certain nombre de limitations de fait. (…)

[Les lois fondamentales du royaume étaient des coutumes] relatives à la dévolution du pouvoir, à l’inaliénabilité du domaine de la couronne, aux franchises gallicanes et à la nécessité pour le roi d’être catholique. La plus importante était la loi salique (…).

Les corps intermédiaires, au premier rang desquels figurent la noblesse et le clergé, venaient limiter et amortir l’exercice du pouvoir du roi. Au surplus, de nombreuses provinces et de villes étaient dotées de franchises ; les marchands, les artisans, disposaient de privilèges.

SECTION 2 : LES INSTITUTIONS PSEUDO REPRESENTATIVES

Il n’y a pas de régime politique qui puisse subsister s’il est isolé de la Nation. Or, ses droits et devoirs sont nécessairement unis avec les miens et ne reposent qu’en mes mains, affirme Louis XV, en 1766. La monarchie française n’a pas échangé à cette loi politique. Malheureusement pour elle, le contact entre le gouvernement et la Nation était mal organisé, discontinu, ce qui lui a enlevé des possibilités d’évolution.

1.Les Etats généraux

Les Etats généraux (…) trouvent leur origine dans la Curia regis. Leur première réunion remonte à 1302, sous Philippe le Bel.

(…)

[Les Etats généraux] n’ont en général, que des pouvoirs consultatifs. (…) On admet que les Etats ont pouvoir de décision : en cas de vacance du trône, pour désigner un nouveau roi ; dans le as d’un modifications des Lois fondamentales ; enfin, en matière financières [(impôts)].

(...)

2.Les parlements judiciaires.

Les parlements étaient essentiellement des tribunaux, (…) qui avaient hérité les attributions judiciaires du roi, prétendirent bénéficier (…) de prérogatives politiques. Il leur était , en effet reconnu le droit d’enregistrer les ordonnances et édits royaux [(droit de promulgation)].

SECTION 3 : LA STRUCTURE SOCIALE DE L’ANCIEN REGIME

(…) Jusqu’en 1789, la société française est, en effet, hiérarchisée en trois ordres ayant chacun un statut juridique particulier : le clergé, la noblesse et le tiers état.

Extraits pages 513 à 523 : « Droit constitutionnel et institutions politiques » de Jean GICQUEL et Jean-Eric GICQUEL (LGDJ-Précis DOMAT ; 36e édition 2022-2023)

La monarchie féodale

La défaillance de l'institution monarchique avait permis la floraison de la féodalité. Tout en étouffant la puissance royale, celle-ci n'avait cependant pas supprimé la royauté. Image terrestre de l'autorité divine, elle lui paraissait indispensable à l'ordre du monde. Or, peu à peu, au cours du xiie siècle, le développement économique de l'Europe, l'essor de la production et des échanges, des communications moins difficiles, le rétablissement progressif de la circulation monétaire, effacèrent les conditions matérielles qui avaient favorisé la pulvérisation du pouvoir. Il devint plus aisé de commander à distance ; l'octroi d'une terre cessa d'être le seul moyen de récompenser un serviteur ; on put rétribuer les fonctionnaires par des gages en argent et lever des troupes de combattants salariés, les « soldats ». Des principautés régionales se reconstituèrent ; mais, dans un premier temps, la restauration de l'État s'opéra dans le cadre des institutions féodales.

La centralisation monarchique

Les souverains, d'une part, s'employèrent à organiser le réseau des relations féodo-vassaliques sous une forme pyramidale qui convergeât vers leur personne. Ils proclamèrent le principe que le roi ne pouvait prêter hommage à autrui. Ils s'efforcèrent de faire entrer strictement dans leur vassalité toutes les puissances régionales de leur royaume, qui durent reconnaître tenir d'eux en fief tous les pouvoirs de commandement qu'elles détenaient. Ils parvinrent peu à peu à faire admettre leur seigneurie éminente, leur suzeraineté, sur les propres feudataires de leurs vassaux directs, de leurs « barons », de leurs « tenants en chef ». Ainsi se constitua une chaîne d'hommages, cette fois hiérarchisés, qui tendit à rattacher au roi par relais successifs tous les feudataires du royaume. Les services féodaux se disposèrent par étages le long de cette chaîne, et la coutume finit par s'établir que, d'une décision de leur seigneur, les arrière-vassaux pouvaient faire appel, de proche en proche, jusqu'à la justice royale. En outre, profitant des difficultés financières des nobles, les rois et les maîtres des principautés régionales, qui disposaient d'importants moyens monétaires, purent au xiiie siècle acheter l'hommage d'un grand nombre de chevaliers, qui reçurent d'eux en fief les terres libres, les « alleux », qu'ils avaient hérités de leurs ancêtres. Ainsi se comblèrent les vides du système féodal, qui progressivement s'ordonna autour d'un point central, la couronne.

Les rois, d'autre part, exploitèrent à leur profit le droit féodal. Dans les diverses coutumes régionales, les services du fief perdirent de leur imprécision. En France, par exemple, la règle s'institua que les feudataires devaient combattre gratuitement pour leur seigneur quarante jours par an. Tandis que s'accroissait leur puissance, les souverains requirent plus strictement ces services ; ils exigèrent de ceux qui ne voulaient ou ne pouvaient s'en acquitter de payer en contrepartie une taxe en argent. Ils attirèrent devant leur propre cour, ou devant les assises que tenaient localement leurs agents, toutes les causes relatives au fief ou aux obligations vassaliques ; en cas de défaut, ils avaient désormais le moyen de brandir efficacement la menace de la confiscation. La commise, décidée par la cour de ses feudataires, fut le moyen que choisit Philippe Auguste pour réunir au domaine royal une partie des fiefs de son principal et plus dangereux vassal, Jean sans Terre, duc de Normandie, comte d'Anjou et duc d'Aquitaine. Tandis que se répandait l'usage de la monnaie, des charges financières s'introduisirent dans les services du fief : avant de recevoir l'investiture des tenures féodales dont ils avaient recueilli[...]

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