LOUIS XIV LE GRAND, roi de France et de Navarre (14.5.1643 au 1er.9.1715)

Louis XIII meurt alors que le jeune prince n’a que 5 ans. Les gouvernantes abandonnent l’enfant à leurs femmes de chambre, et son éducation passe donc pour être négligée. Mazarin confie alors Louis au maréchal de Villeroi qui passe tous les caprices du royal enfant. Avec le futur archevêque de Paris, l’abbé Péréfixe de Beaumont, on commence a trouver quelques marques d’autorité. Mais c’est l’un des valets de chambre, Pierre de La Porte, qui lui apportera la meilleure éducation.

Rien, ni personne, à ce moment-là ne semble discerner dans les traits du fils de Louis XIII, le futur Roi-Soleil. Pourtant, les évènements de la Fronde le marqueront profondément et il se méfiera toujours d’un pouvoir qu’il considère corrompu.

En 1651, l’adolescent de 13 ans est déclaré majeur. Le cardinal Mazarin, son premier ministre, se montre alors comme le meilleur des serviteurs. Il dira de son protégé : « Il se mettra en chemin un peu plus tard, mais il ira plus loin qu’un autre : il y a en lui de quoi faire quatre rois et un galant homme. »

Lorsque le cardinal meurt dix ans plus tard, la paix des Pyrénées a agrandi le royaume de l’Artois et du Roussillon. En 1660, il a épousé la fille du roi d’Espagne, Marie-Thérèse. Le 10 mars 1661, le roi, âgé seulement de 23 ans, déclare se passer de principal ministre (mettant fin ainsi à 40 ans de pratiques politiques). Louis XIV conclue ainsi l’évolution naturelle d’une monarchie dont Louis XI, François 1er et Henri IV a montré les bienfaits du centralisme. La France au milieu du XVIIème siècle est le pays le plus peuplé et son unité est restée intact malgré les multiples tentatives des princes, des villes, des occupations anglaise ou espagnole, des manigances parlementaires régionales, du sectarisme universitaire, et des intransigeances religieuses.

Pour Louis XIV, il ne doit exister d’autre pouvoir que le sien et remet en vigueur l’adage médiéval selon lequel « souveraineté et propriété ne font qu’un ». La notion de pouvoir absolu est née.

Les ministres tiennent leur pouvoir du roi. Ils sont les commis de l’Etat. Si l’un d’eux fait preuve d’insubordination, il est brisé ! Fouquet en fera les frais, pour avoir sous-estimé la volonté, la détermination et l’orgueil du jeune monarque.

Ainsi, la France devient la première puissance économique et militaire du continent. Les arts connaissent aussi une création sans égale, si bien que le terme de Grand Siècle convient à ce règne exceptionnel.

Lorsque Louis XIV fait de Versailles sa capitale, il marque sa méfiance du peuple de Paris. Les nobles sont invités à s’y installer afin de mieux les contrôler. L’installation en 1682 dans son nouveau domaine marque le visage véritable de l’absolutisme. Absolutisme que le roi veut dans tous les domaines et en priorité vis-à-vis des autres souverains ! La gloire sur le terrain militaire suivra.

Malgré les succès, Louis XIV garde une rancœur à l’égard des Hollandais, à l’origine de la constitution d’une triple alliance avec la Suède et l’Angleterre, qui devait apporter sa médiation entre la France et l’Espagne (traité d’Aix-la-Chapelle de 1668). De plus, Colbert et le souverain voient l’occasion d’affaiblir économiquement les Provinces-Unies.

Ayant renversé les alliances, les hostilités contre les Hollandais commencent au printemps 1672. Cette haine royale et son intransigeance créent en Europe un mouvement de sympathie. L’électeur de Brandebourg, puis l’empereur d’Allemagne et la reine d’Espagne, enfin la défection anglaise, obligent la France à évacuer la partie continentale des Provinces-Unies en 1674. Mais les invasions sont déjouées par le talent militaire de Condé et Turenne. La guerre traine en longueur et, en 1678, le traité de Nimègue marque l’échec de la ligue européenne contre Louis XIV. Mais le souverain français subit un réel revers dans sa campagne des Pays-Bas.

La haine du roi se tourne alors vers l’Allemagne. Des tensions diplomatiques parcourent l’Europe qui conduit à la guerre de la ligue d’Augsbourg (1688-1697). L’Europe est à nouveau liguée contre le roi de France, incitée par les 200.000 protestants français chassés du royaume à la suite de la révocation de l’Edit de Nantes en 1685. La paix est signée à Ryswick en 1697. Mais en 1700, s’ouvre la succession d’Espagne.

Le duc d’Anjou, petit-fils du roi de France, est choisi pour succéder au défunt Charles II d’Espagne. L’orgueil de Louis XIV va à nouveau l’entrainer dans des conflits inutiles. Il souhaite régler ses comptes avec ses ennemis d’hier et multiplie les provocations.

En 1701, une nouvelle coalition se constitue dont seules l’Espagne et l Bavière ne font pas parties. En France, la misère, la famine touchent les campagnes. Le départ des protestants a affaibli le commerce. Les notables sont écrasés par les impôts. L’hivers rigoureux de 1709 accentue encore les difficultés. Le roi lui-même parait vieilli, malade, austère dans un Versailles dirigé par Madame de Maintenon.

Louis XIV sollicite la paix de la part de ses ennemis de toujours, les Hollandais. Mais les exigences exorbitantes de ceux-ci poussent le vieux roi à une réaction d’orgueil suivi par un pays animé d’un sursaut national. En 1713, à Utrecht, les français obtiennent la reconnaissance des frontières de Flandre et d’Alsace, ce qui entérine les conquêtes passées. Les successions de France et d’Espagne sont dissociées. Louis XIV abandonne à l’Angleterre : Terre-Neuve, l’Acadie, et la baie d’Hudson. C’est le début de la perte de la Nouvelle-France et de la prépondérance britannique dans le continent nord-américain.

Mais le trésor royal est vide. Le pays est épuisé. Le peuple las. Les famines se multiplient. Le Grand Dauphin meurt en 1711, suivi en 1712 de celle du duc de Bourgogne. Les bâtards du roi sont légitimés. Le divorce entre le trône, la noblesse et le peuple est entériné. La noblesse de naissance laisse la place à une noblesse de finance ou de roturiers qui dominent l’administration et le commerce. Le clergé est bridé et tenté par la doctrine janséniste. Les parlements provinciaux paraissent comme autant de groupes d’opposition. Que reste-t-il du Grand Siècle ?

La gangrène progresse dans toute la jambe du roi. Par deux fois le roi fait ses adieux à la Cour. L’interminable agonie s’achève enfin le dimanche 1er septembre 1715. Le testament du roi est cassé dès le lendemain. L’arrière-petit-fils du roi devient alors à 5 ans Louis XV. Philippe d’Orléans occupe la régence. En France, les prémices de 1789 sont en place.

Louis XIV


Ce livre est autre chose qu'une biographie classique. C'est tout le règne qu'il embrasse dans une vision générale de la société du Grand Siècle, renouvelant le sujet, mettant à mal bien des clichés et des vieilles lunes grâce à une documentation considérable, dont de nombreuses études étrangères peu accessibles, grâce tout autant à une analyse remarquable, originale, juste, du pouvoir, de ses serviteurs, de ses moyens d'action et de propagande, de sa grandeur, mais aussi de ses limites et de ses contradictions. Alliant la recherche, la vie, l'intelligence de la réflexion, la clarté, la qualité de l'expression et du style, Jean-Christian Petitfils a écrit un riche et grand Louis XIV, que l'Académie française a couronné de son Grand Prix de la biographie (histoire).

Éditeur ‏ : ‎ Tempus Perrin (1 mars 2018)
Langue ‏ : ‎ Français
Poche ‏ : ‎ 640 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 2262075042
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2262075040
Poids de l'article ‏ : ‎ 660 g
Dimensions ‏ : ‎ 13.3 x 4.3 x 18.7 cm

LOUIS XIV (1638-1715) roi de France (1643-1715)

Louis XIV est un des personnages historiques sur lesquels l'attention demeure portée, sans que nul historien puisse prétendre donner de lui une image certaine et définitive. Qu'il ait influencé directement les destinées françaises et qu'à ce titre on ne puisse imaginer l'histoire de la France sans lui, nul doute. Mais, parce que son règne a curieusement associé une incontestable gloire à de très lourds malheurs pour la nation, il a été extrêmement loué ou critiqué et ses historiens se sont souvent partagés entre apologistes et détracteurs. On doit observer qu'il est beaucoup plus malaisé à comprendre pour des hommes de la fin du XXe siècle que pour ceux du début, parce que les profondes mutations de la société française au cours de cette période ont fait disparaître des aspects de la mentalité collective qui demeuraient, il y a soixante-dix ans encore, relativement proches du XVIIe siècle. En revanche, les renouvellements de la méthode historique, surtout des études érudites sur les conditions de vie en France au temps de Louis XIV, autorisent une meilleure intelligence du pays sur lequel son action s'est exercée.

La période du règne personnel s'étend de 1661 à 1715, soit pendant cinquante-quatre ans, période du gouvernement effectif du souverain. C'est par le travail que l'on règne, disait Louis XIV ; il a mis ce principe en pratique, jour après jour, par son assiduité aux affaires. Au Conseil d'en haut, véritable moteur de la monarchie, il a pris, avec un très petit nombre de ministres, les résolutions les plus importantes. Obtenir l'obéissance à l'intérieur, assurer la réputation de la France au-dehors étaient les règles essentielles de sa politique. Ses décisions avaient force de loi, elles étaient la loi même, en vertu de l'absolutisme royal, élaboré à la fois par la tradition féodale qui tenait le roi pour suprême suzerain et suprême juge et par les légistes imbus de droit romain, concevant l'autorité royale comme aussi indivisible que le point en géométrie et le roi comme arbitre, au nom de l'intérêt public, entre les divers ordres et les groupes de privilégiés (chaque groupe, même dans le tiers état, ayant ses privilèges et libertés). L'obéissance à l'intérieur signifiait donc la fidélité de la noblesse, la soumission de tous à la décision royale, la nécessité de la présence d'agents du pouvoir central (officiers et intendants).

La monarchie a ainsi reçu un caractère administratif plus marqué. Le prestige au-dehors impliquait une force militaire redoutable, afin d'appuyer les revendications vis-à-vis de l'étranger, la guerre, qui procure la gloire au vainqueur, devenant le recours normal, lorsque l'honneur est en question. À la tentation de la guerre, Louis XIV a peu résisté, mais les guerres, perdant leur caractère chevaleresque, sont devenues de plus en plus affaire de nombre, de discipline et de tactique. Elles réclamaient des sommes de plus en plus élevées au trésor royal, en fait à l'impôt. Les ressources le permettaient-elles ? Pouvait-on rendre le pays plus riche et en recueillir un impôt augmenté sans cesse, mais qui parût à la fois supportable et équitable ?

À cela s'ajoutait ce qu'on appelle aujourd'hui les réactions de mentalité collective. La fonction royale jouissait d'un rayonnement quasi religieux. Représentant de Dieu selon une conception hiérarchisée du monde, ayant reçu au sacre des charismes particuliers, le roi bénéficiait dans sa personne d'un prestige indiscutable. À une société patriarcale, il apparaissait comme le père par excellence, ses peuples étaient ses enfants. Or « les peuples se plaisent au spectacle, disait Louis XIV. Par là, nous tenons leur esprit et leur cœur. » D'où, ceci venant à la fois de la Renaissance[...]

Victor-Lucien TAPIÉ : LOUIS XIV (1638-1715) roi de France (1643-1715) - Encyclopædia Universalis