LOUIS-PHILIPPE 1er, roi des Français (9.8.1830 au 24.2.1848)

LOUIS-PHILIPPE Ier (1773-1850) roi des Français (1830-1848)


Né à Paris, Louis-Philippe était le fils aîné du duc d'Orléans (dit plus tard Philippe-Égalité), qui avait confié l'éducation de ses enfants à sa maîtresse, la comtesse de Genlis ; elle eut le mérite de leur donner une formation à la vie pratique en même temps qu'une culture plus poussée que celle des princes de ce temps. Le jeune duc de Chartres — c'était son titre — embrassa comme son père le parti de la Révolution et fut membre du club des Jacobins. Heureusement pour lui, il s'en alla servir aux armées et participa aux batailles de Valmy et de Jemmapes dans l'état-major de Dumouriez. Lorsque ce dernier tenta en vain de mener son armée contre la Convention et lorsqu'il passa dans les rangs des Autrichiens, le prince suivit son sort (avril 1793). Il connut alors des jours difficiles, proscrit par la France républicaine et objet de haine pour les royalistes émigrés ; il vécut d'abord caché en Suisse sous un faux nom, donnant des leçons de mathématiques ; puis il passa en Suède et aux États-Unis, où il demeura trois ans. En 1800, il revint en Angleterre et se réconcilia avec ses cousins de la branche aînée. Il épousa en 1809 Marie-Amélie, fille du roi de Naples, alors réfugié en Sicile où il vécut jusqu'à la Restauration sous la protection des Anglais. Rentré en France avec Louis XVIII, il passa les quinze années de la Restauration à rassembler, avec un sens très avisé des affaires, les débris de l'immense fortune de la famille d'Orléans. En même temps, il courtisait discrètement l'opposition libérale, marquant ses distances d'avec le régime. Cette politique se révéla payante lorsqu'en juillet 1830 Charles X fut chassé par l'opposition du pays légal soutenue par l'insurrection parisienne. Le duc d'Orléans apparut alors comme la solution idéale à ceux qui craignaient de voir instaurer une république qui entrerait en conflit avec le reste de l'Europe. Le prince accepta d'abord le titre de lieutenant-général puis celui de roi des Français, consacrant ainsi le principe de la souveraineté nationale. Avec quelques modifications de détail, le système gouvernemental de la Charte de 1814 fut maintenu. Louis-Philippe s'en servit pour établir son pouvoir personnel en jouant des ambitions des hommes politiques et en s'appuyant sur le désir d'ordre et de paix des classes possédantes, auxquelles le nouveau système électoral censitaire réservait le droit de vote. Les souverains d'Europe avaient accepté à contre-cœur la monarchie de Juillet, mais la France resta pratiquement isolée, malgré la bienveillance intermittente de l'Angleterre. Louis-Philippe réussit à maintenir la paix mais ce succès même contribua à le rendre impopulaire auprès d'un peuple qui ne parvenait pas à oublier l'éclat des victoires de Napoléon. Alexis de Tocqueville, qui eut plusieurs fois l'occasion de s'entretenir avec lui, a tracé du roi, dans ses Souvenirs un portrait célèbre : « Quoique le prince fût issu de la race la plus noble de l'Europe, qu'au fond de son âme il en cachât tout l'orgueil héréditaire [...] il possédait cependant la plupart des qualités et des défauts qui appartiennent plus particulièrement aux rangs subalternes de la société [...]. Il était rangé dans sa conduite, simple dans ses habitudes, mesuré dans ses goûts ; [...] humain sans être sensible, cupide et doux ; point de passions bruyantes ; point de faiblesses ruineuses ; point de vices éclatants ; une seule vertu de roi, le courage [...]. Éclairé, fin, souple et tenace, tourné seulement vers l'utile et rempli d'un mépris si profond pour la vérité et d'une si grande incrédulité dans la vertu que ses lumières en étaient obscurcies [...].

Guillaume de BERTHIER DE SAUVIGNY : LOUIS-PHILIPPE Ier (1773-1850) roi des Français (1830-1848) - Encyclopædia Universalis

Louis-Philippe

de Guy Antonetti (Auteur)

Humilié, comme tous ceux de sa lignée, par les Bourbons, critiqué, puis menacé durant la Révolution, éternel candidat au moindre trône vacant d’Europe, opportuniste ou passant pour tel (il fut quasi jacobin dans sa jeunesse et finit sa vie en monarque autoritaire chassé par une émeute), moqué par ses adversaires politiques des deux bords au cours de son règne, Louis-Philippe a laissé dans la mémoire des Français une image ambiguë et contradictoire. Par surcroît, ce n’est que depuis peu de temps que sont accessibles aux historiens les archives permettant d’éclairer sa figure de façon définitive. Guy Antonetti est le premier d’entre eux.
Qui était donc le dernier roi sous lequel les Français ont accepté de vivre ? Faudrait-il, comme on le fait souvent des personnages mal connus, le statufier, le créditer d’avoir fait avancer la démocratie libéra-le et d’avoir donné au pays près de vingt ans de stabilité ? Certes non. Si son règne ne fut pas le désastre que l’on a dit et si nombre de ré-formes positives portent son empreinte propre, il est clair que Louis-Philippe a échoué. La monarchie issue des Trois Glorieuses était à ses yeux d’une perfection indépassable. Il était convaincu que le choix fait alors – le « juste milieu » entre l’absolutisme de l’Ancien Régime et l’anarchie jacobine , garanti par la charte 1814 révisée, était le seul possible. Il se prenait pour un homme de son temps, alors qu’il n’était au fond qu’une figure éminente de cette aristocratie éclairée du xviiie siècle qui se rallia au tiers état en juin 89 en rêvant de transformer la monarchie en une royauté constitutionnelle on connaît la suite. Rejetant la leçon, Louis-Philippe ne sut pas évoluer, en depit d’une in-telligence et d’un courage évidents. La même insurrection qui l’avait mis sur le trône en juillet 1830 le balaya en quelques jours en février 1848.
Né en 1773, il prolonge, au siècle de la vapeur, l’époque des Lumières. N’a-t-il pas, enfant, croisé Voltaire, lequel avait vingt ans en 1715 et n’a-t-il pas dîné avec Robespierre et avec Washington, mais son père n’a-t-il pas été l’homme le plus riche du royaume, et n’était-il pas lui-même quatre fois l’arrière-petit-fils de Louis XIV ?

Louis-Philippe a voulu être roi, un vrai roi, un grand roi. Il a seulement oublié que la France ne voulait plus de roi du tout, ni petit ni grand.