Emile LOUBET, président de la République française (18.2.1899 au 18.2.1906)
LOUBET ÉMILE (1838-1929)
Homme d'État français, né le 31 décembre 1838 à Marsanne (Drôme), mort le 20 décembre 1929 à Montélimar.
Avocat de formation, élu député en 1876, Émile Loubet défend la cause républicaine et œuvre plus particulièrement pour une école primaire laïque, gratuite et obligatoire. Élu au Sénat en 1885, il est ministre des Travaux publics de décembre 1887 à mars 1888. Nommé président du Conseil et ministre de l'Intérieur en février 1892, son mandat prend fin dès le mois de novembre en raison du scandale de Panamá. Il demeure cependant quelque temps ministre de l'Intérieur dans le cabinet de son successeur.
En 1899, Loubet est élu président de la République. Dreyfusard favorable à la révision du procès, il charge Waldeck-Rousseau de former un gouvernement afin de régler l'affaire Dreyfus et demande à tous les républicains de se rallier derrière lui. Dreyfus, ramené de l'île du Diable où il était emprisonné, est à nouveau condamné par la cour martiale. En lui accordant une grâce présidentielle, Loubet consacre néanmoins la victoire des républicains.
Le septennat de Loubet est également marqué par la séparation définitive des Églises et de l'État. En 1905, au beau milieu d'une violente controverse, toutes les relations entre l'État et les diverses Églises, catholiques, protestantes ou juives, sont ainsi rompues.
Loubet mène également une politique étrangère active. Il rend notamment visite à Nicolas II en Russie, à Édouard VII au Royaume-Uni et à Victor-Emmanuel III en Italie, cette dernière rencontre provoquant la colère du pape Pie X. Loubet apaise par ailleurs les relations avec Londres en réglant le différend colonial par l'Entente cordiale, conclue en avril 1904.
Emile Loubet
Né le 31 décembre 1838 à Marsanne (Drôme),
mort le 20 décembre 1929 à Montélimar (Drôme).
Député de la Drôme de 1876 à 1885.
Sénateur de la Drôme de 1885 à 1899.
Ministre des Travaux publics du 12 décembre 1887 au 3 avril 1888.
Président du Conseil et Ministre de l'Intérieur du 27 février au 6 décembre 1892.
Ministre de l'Intérieur du 6 décembre 1892 au 11 janvier 1893.
Président de la République du 18 février 1899 au 18 février 1906.
Député de 1876 à 1885, membre du Sénat, né à Marsanne (Drôme) le 31 décembre 1838, étudia le droit, se fit recevoir docteur et inscrivit au barreau de Montélimar, dont il devint maire et conseiller général de la Drôme.
Républicain modéré, il se présenta avec succès à la députation, le 20 février 1876, dans son arrondissement, et fut élu par 13 295 voix (14 336 votants, 21 413 inscrits). Il siégea à gauche et fut des 363.
Il obtint sa réélection, à ce titre, le 14 octobre 1877, avec 11 012 voix (18 065 votants, 21 107 inscrits), contre 7 006 à M. de Lacroix-Saint-Pierre, bonapartiste, ancien député et reprit sa place dans la majorité.
Il soutint le ministère Dufaure, et se prononça pour l'article 7, pour l'invalidation de l'élection de Blanqui, contre l'amnistie plénière, pour les lois nouvelles sur la presse et le droit de réunion. Il prit en 1880 une part assez active à la discussion du projet de loi relatif à l'établissement du tarif général des douanes, à celle du projet de réforme judiciaire, et à celle qui eut trait à la gratuité absolue de l'enseignement primaire.
Réélu député, le 21 août 1881, par 11 201 voix (12 681 votants, 20 849 inscrits), il siégea encore dans la majorité opportuniste, soutint les ministères Gambetta et Jules Ferry, et vota contre la séparation de l'Eglise et de l'Etat et pour les crédits des expéditions de Tunisie et du Tonkin. Il fut lui-même (1882) le rapporteur des crédits pour les frais de l’expédition. Il parla aussi sur le budget, en faveur des conventions avec les grandes compagnies de chemins de fer (juillet 1883), et déposa, avec M. Thomson, une proposition relative au cadre des auditeurs au Conseil d'Etat. En 1884, il défendit le budget des colonies et prit part à la discussion du budget général des dépenses et des recettes.
Le 25 janvier 1885, il quitta le Palais-Bourbon, ayant été élu sénateur de la Drôme par 407 voix sur 757 votants. Il s'assit à la gauche modérée de la Chambre haute, soutint les divers ministères de la législature, présenta plusieurs rapports, parla (1886) sur la proposition de loi de M. Labitte relative à la chasse, fut rapporteur (décembre 1880) de la loi sur les douzièmes provisoires, obtint le rejet de l'article incident qui réduisait le taux d'intérêt des caisses d'épargne, et fut élu, le 11 janvier 1887, secrétaire du Sénat. Rapporteur du budget, ainsi que des crédits en faveur des victimes de l'incendie de l'Opéra-comique, il parut plusieurs fois à la tribune, et fut nommé, le 12 décembre 1887, ministre des Travaux publics dans le cabinet Tirard. Comme tel, il prit part à la discussion du projet de loi portant modification des articles 105 et 108 du code de commerce, fit adopter (janvier 1888) le projet autorisant la ville de Paris à déverser ses eaux d'égout dans la plaine d'Achères (Seine-et-Oise) ; combattit (février) le texte modifié de l'article 1780 du code civil sur le louage de services ; exposa (mars) les restrictions apportées, par suite des exigences budgétaires, au programme de construction des chemins de fer, et refusa (avril) d'entrer dans le nouveau cabinet Floquet dont il n'approuvait pas le programme révisionniste. En décembre 1888, M. Loubet exposa à la tribune la nécessité de signer de nouvelles conventions avec les compagnies de chemins de fer, pour alléger la charge croissante qui incombe au Trésor du chef de la garantie d'intérêts : il a voté, dans la dernière session, pour le rétablissement du scrutin d'arrondissement (13 février 1889), pour le projet de loi Lisbonne restrictif de la liberté de la presse, pour la procédure à suivre devant le Sénat contre le général Boulanger.
Biographie extraite du
dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889
(Adolphe Robert et Gaston Cougny)
Après avoir été député pendant dix ans, Emile Loubet était sénateur depuis 1885. Il avait fait ses premières armes ministérielles, en compagnie de ses amis rangés à l'époque sous l'étiquette opportuniste, dans le premier cabinet Tirard comme ministre des Travaux publics, de décembre 1887 à avril 1888. Personnalité de premier plan au Sénat où il cumulait les fonctions de président de la commission des finances et de président de la commission des douanes, membre influent du groupe sénatorial des républicains, c'est tout naturellement que le Président de la République, Sadi Carnot, fit appel à lui pour constituer le gouvernement après la démission de Freycinet, en février 1892. Son cabinet allait rester près d'un an en fonction, malgré les dures épreuves qu'il allait avoir à affronter et au cours desquelles le président Loubet fit preuve tout à la fois d'une attitude ferme et conciliante.
Parmi les difficultés auxquelles ce gouvernement eut à faire face, il convient de citer des élections municipales fort passionnées, les attentats de Ravachol, la célébration du centenaire de la proclamation de la République en 1792 qui mécontentait profondément les monarchistes, l'épidémie cholérique du Havre, la fameuse grève de Carmaux, les troubles dans les mines de Lens et de Liévin et le scandale de Panama qui provoqua d'ailleurs la chute du gouvernement Loubet, le 28 novembre 1892, à l'issue de la discussion de l'interpellation de Jules Delahaye.
Ce scandale avait commencé à percer à l'instigation de conservateurs et d'anciens boulangistes qui avaient révélé publiquement dans quelles conditions, quatre ans plus tôt, certains hommes politiques avaient accepté de se laisser corrompre par la compagnie de Panama s'ils votaient la loi autorisant l'émission d'un emprunt à lots. L'instruction judiciaire consécutive à la faillite de la Compagnie avait prouvé qu'il y avait eu effectivement corruption, mais le président du Conseil Loubet entendait étouffer l'affaire. Cependant, le député de droite Delahaye, particulièrement bien renseigné, avec quelques-uns de ses collègues, par les anciens administrateurs de la Compagnie de Panama, obtint la nomination d'une commission d'enquête. Peu de temps après, le baron Jacques de Reinach, qui avait été l'agent financier de la compagnie, mourut dans des conditions subites qui parurent mystérieuses aux yeux d'un grand nombre de personnes. La commission d'enquête sollicita l'autopsie du corps et voulut se faire communiquer le dossier de l'instruction ouverte contre les dirigeants de la compagnie en faillite. Le président Loubet s'y opposa pour des motifs juridiques. L'affaire vint devant la Chambre des députés qui renversa le gouvernement Loubet, le 28 novembre 1892, par 304 voix contre 219.
Emile Loubet resta au gouvernement comme ministre de l'Intérieur du cabinet que son ministre des Affaires étrangères de la veille, Ribot, était chargé de former, cabinet éphémère qui ne devait durer que cinq semaines, ébranlé, peu de jours après sa naissance, par la démission de Rouvier, son ministre des Finances, pour une raison liée, elle aussi, au scandale de Panama.
Emile Loubet quitta alors les sphères gouvernementales et se consacra de nouveau à son mandat sénatorial.
Il fut réélu sénateur aux élections du 7 janvier 1894, dès le premier tour, avec 588 voix sur 749 votants en compagnie de M. Laurens, 527 voix, et de M. Fayard, 410 voix, sans concurrents sérieux.
En 1894, Emile Loubet avait retrouvé ses fonctions de président de la commission des finances et de président de la commission des douanes qu'il avait abandonnées lors de sa désignation comme président du Conseil, en 1892. Emile Loubet fut élu président du Sénat à la mort du président Challemel-Lacourt, le 16 janvier 1896, avec 186 voix sur 243 votants et 222 suffrages exprimés, contre 18 à Béranger et 12 à Constans. Ce fut Wallon, président d'âge, qui lui transmit le fauteuil présidentiel. Le 20 janvier, Emile Loubet, nouveau président du Sénat, prononçait son allocution de prise de fonctions. Le 14 janvier 1897, il fut réélu président avec 205 voix sur 214 votants et 205 suffrages exprimés. Le 13 janvier 1898, il fut de nouveau réélu avec 213 voix sur 222 votants et 213 suffrages exprimés. Il fut encore réélu le 12 janvier 1899 avec 209 voix sur 217 votants et 209 suffrages exprimés.
Comme président du Sénat, il fut appelé à présider la séance du Parlement, réuni le 18 février 1899 pour élire à la présidence de la République un successeur au Président Félix Faure décédé quarante-huit heures auparavant. Sur 812 suffrages exprimés, Emile Loubet en recueillit 483 dès le premier tour, contre 279 à Méline, 23 à Cavaignac et 10 à Deschanel, et il devint ainsi le septième président de la IIIe République. Emile Loubet n'eut pas une présidence de la République plus calme que sa présidence du Conseil des ministres. Son élection intervint en effet alors que l'affaire Dreyfus battait encore son plein. Félix Faure, tout en restant impartial comme chef de l'Etat, avait néanmoins laissé percer sa sympathie pour le camp antidreyfusard. Loubet passait pour plus à gauche que Félix Faure ; il avait l'appui des républicains. La veille de son élection, Clemenceau n'avait pas hésité à déclarer : « Je vote pour Loubet ».
Pourtant, celui-ci, bien que fervent républicain, était en réalité un traditionaliste, un modéré, un adversaire de tout sectarisme. Il voulait que la lumière fût faite sur « l'Agaire » mais il déclarait sagement, comprenant combien cette question divisait dangereusement le pays : « Personne n'a le droit de dire que je suis dreyfusard ou antidreyfusard. Je suis avec la majorité de la Nation pour la vérité. » Or, à l'époque, il était dangereux d'être neutre car l'on mécontentait ainsi chaque camp.
Néanmoins, l'élection de Loubet fut assurée par les voix de gauche qui voulaient faire barrage à Méline, soutenu par la droite, malgré le retrait de sa candidature.
Le soir même de l'élection, la Ligue des patriotes, Déroulède et Drumont en tête, organisa une manifestation contre le nouveau Président. C'était la première, mais non la dernière manifestation d'hostilité qu'allait connaître le Président Loubet. Peu de temps après, il fut en effet injurié et frappé au pesage d'Auteuil, puis il fut victime d'une manifestation organisée par les socialistes lors du Grand Prix, dont le retentissement fut tel qu'il provoqua la chute du ministère Dupuy, le cinquième du nom, le 22 juin 1899.
Cependant, le septennat de Loubet fut, sur le plan gouvernemental, un des plus stables. Le Président de la République n'eut en effet à nommer que quatre présidents du conseil, Dupuy le 18 février 1899, Waldeck-Rousseau, le 22 juin 1899, Combes, le 7 juin 1902 et Rouvier, le 25 janvier 1905.
Ce septennat fut néanmoins marqué par de graves problèmes, comme l'affaire de la Haute Cour, la révision du procès de Dreyfus, la rupture avec le Saint-Siège et la loi de séparation, l'agitation entretenue par Déroulède, notamment le jour des funérailles de Félix Faure, les rodomontades de Guillaume II qui voulait obtenir le départ de Delcassé du quai d'Orsay.
Mais ce septennat fut aussi marqué par des manifestations témoignant de la grandeur française, comme l'inauguration de l'Exposition de 1900 par le Président Loubet, comme ses voyages en Angleterre, en Russie, en Italie, comme les visites que lui rendirent à Paris le Tsar, les souverains italiens, espagnols, portugais, comme les rencontres qui commencèrent à édifier la fameuse « Entente cordiale », comme l'essor que le Président voulut donner à l'Algérie.
A l'issue de son septennat, Emile Loubet repartit pour sa Drôme natale, s'installa à Montélimar où il possédait une propriété rurale. Il se consacra alors aux questions agricoles sans pour autant se désintéresser des grandes affaires de la politique française et mondiale, mais sans plus jamais prendre publiquement parti.
Il devait vivre jusqu'à 91 ans, avant de s'éteindre au sein de cette vallée du Rhône qui l'avait vu naître et dont il aimait tant le charme, le 20 décembre 1929.
Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1889 à 1940 (Jean Jolly)
Émile Loubet président de la République
Le 18 février 1899, deux jours après la mort soudaine de Félix Faure, les parlementaires élisent à la présidence de la République Émile Loubet (71 ans). Son adversaire malheureux est Jules Méline, connu pour ses convictions protectionnistes et antidreyfusardes.
Lui-même est accusé par ses adversaires d'être le candidat des « dreyfusards et des panamistes ».
Fils d'un paysan de la Drôme, affable, conciliant et modeste, le nouveau président va gérer avec tact l'Affaire Dreyfus ainsi que la première crise du Maroc et la séparation des Églises et de l'État.
De façon plus plaisante, il va aussi présider à l'Entente cordiale avec les Britanniques et aux festivités exceptionnelles du passage au XXe siècle. Il invite à cette occasion les maires de France à un banquet géant dans le jardin des Tuileries.
Homme heureux, Émile Loubet est le 8e président de la République française mais le premier à terminer normalement son mandat de sept ans (Jules Grévy, avant lui, avait dû démissionner avant la fin de son 2e mandat) !