3 janvier 1322 : Philippe V le Long et le principe de masculinité


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Atteint de dysenterie et de fièvre quarte à partir d'août 1321, Philippe est soigné à l'aide de bois et d'un clou de la Vraie Croix, ainsi que d'un bras de Saint Simon. Après un bref répit, il meurt à l'abbaye de Longchamp, près de Paris, dans la nuit du 2 au 3 janvier 1322, après cinq mois de souffrance. Il est inhumé dans la basilique Saint-Denis, tandis que ses viscères sont déposées au couvent des Jacobins de Paris. Sa sépulture à Saint-Denis, comme celles de tous les autres princes et dignitaires reposant en ce lieu, sera profanée par les révolutionnaires le 25 octobre 1793.

En vertu du précédent qu'il a invoqué en 1316 pour s'emparer du trône, Philippe, mort sans descendant mâle, a pour successeur son frère cadet Charles IV le Bel. Cette fois-ci, il ne tient aucun compte d'éventuels droits de ses nièces, Jeanne de Navarre et les filles de Philippe V. Contrairement à ce qui s'était passé en 1316, cette prise du pouvoir s'effectue sans aucune contestation. Charles IV est sacré à Reims le par l'archevêque Robert de Courtenay. En tant qu'héritier de sa mère Jeanne de Navarre, il ajoute au titre de roi de France celui de roi de Navarre.

Charles mourra également sans descendant mâle en 1328, ce qui conduira finalement à la revendication du trône de France par Édouard III d'Angleterre — petit-fils de Philippe le Bel par sa mère Isabelle — en 1337 et au déclenchement de la guerre de Cent Ans.



Le principe de masculinité :"Le royaume de France est si noble qu'il ne peut aller à femelle" 

De Hugues Capet (987) à Jean 1er, fils posthume de Louis X le Hutin (1316), pendant plus de trois siècles, il y aura toujours un fils pour succéder au père. Le 5 juin 1316, Louis X meurt laissant une fille en bas âge et sa seconde épouse enceinte de quatre mois. Il faut attendre la naissance pour régler la succession, et, en attendant une assemblée d’ecclésiastiques et de seigneurs désigne le frère du roi défunt (Philippe, futur Philippe V le Long) pour assurer la régence.  A la naissance de l’enfant, si c’est un garçon il sera roi, si c’est une fille il y aura un problème dont la solution n’a pas été prévue parce que le cas ne s’est jamais présenté. L’enfant naît…, c’est un garçon, Jean 1er le Posthume. Mais il meurt cinq jours après sa naissance. Il ne reste que sa sœur, Jeanne. Va-t-elle pouvoir régner ?

En général, en droit féodal, une fille pouvait succéder à son père à la tête du fief, moyennant quelques aménagements pour pouvoir remplir les services vassaliques. Quant aux autres monarchies, elles acceptent généralement la succession des filles (Aragon, Navarre, Castille, Portugal, Royaume de Naples, Angleterre, Empire d’Orient…).

Le régent, Philippe, va bénéficier de plusieurs concours de circonstances politiques qui vont, faute d’arguments juridiques, lui permettre de se maintenir au pouvoir. Tout d’abord, il est le régent et à ce titre il bénéficie d’une position dominante. Ensuite, il a le soutien de l’Eglise et des grands féodaux. Enfin, Jeanne est réputée bâtarde à la suite de la conduite de sa mère (scandale des brus de Philippe Le Bel). C’est cet argument qui privera Jeanne de l’héritage paternel. Mais juridiquement, les femmes ne semblent pas exclues de la dévolution de la Couronne de France.

Lorsque Philippe V meurt, il laisse quatre filles, dont la paternité n’est pas remise en cause. Pourtant, la Couronne passe au dernier fils vivant de Philippe le Bel, qui prend le nom de Charles IV. Celui-ci ne laissera qu’une fille. La jurisprudence est faite. Elle ne sera pas reine. Remarquons qu’à ce moment de l’histoire, il n’est nullement fait référence à la fameuse « loi salique » !

C’est le chroniqueur Richard Lescot qui redécouvre en 1358 dans la bibliothèque de Saint-Denis, la célèbre « loi salique », soit plus de trente ans après le règlement de la succession de Charles IV et plus de quarante ans après la mise à l’écart de Jeanne. Elle servira néanmoins à justifier a posteriori l'exclusion des femmes à la succession du trône de France, consacrée en 1316 et 1328 (contrairement à ce qu’affirme Pierre Laurent Buirette de Belloy, cf infra). La loi salique est une réinterprétation d’une loi civile très ancienne des Francs saliens, rafraîchie au VIIIème siècle par les Carolingiens sous le nom de lex salica carolina. Cette loi réglait, entre autres, les successions de droit privé. Juridiquement, l’argument qui va consister à transposer une disposition de droit privé dans le domaine du droit public n’a pas une grande valeur. Néanmoins, les juristes de l’époque tireront l’adage : « Le royaume ne saurait tomber de lances en quenouilles » (la lance étant un attribut masculin et la quenouille un attribut féminin) ou encore « les lys ne filent point ». Ainsi se trouve justifier, sur une base juridique très contestable, que le royaume soit passé aux mains de Philippe V, puis Charles IV et enfin Philippe VI.

Lors des états généraux de 1593, Philippe II d’Espagne cherchera à imposer la candidature de sa fille Isabelle. Celle-ci est repoussée, entre autres, au nom de ce principe permettant à Henri IV de s’imposer.