Les institutions ecclésiastiques de l'Occident médiéval


Texte de Ivan GOBRY, extrait in La Civilisation Médiévale.



Nous connaissons les institutions ecclésiales du Moyen Age et de l’Antiquité chrétienne qui le précède grâce aux travaux patients et rigoureux d’historiens et de canonistes.

Le premier d’entre eux fut le fameux Denys le Petit, moine à Rome vers 500, célèbre pour être l’inventeur de l’ère chrétienne : ce fut lui qui calcula la datation des évènements à partir de la naissance de Jésus-Christ, en assignant à celle-ci l’an 754 de la fondation de Rome (en réalité il naquit en l’an 749 de Rome) ; Denys n’en eut pas moins le mérite de fournir une chronologie universelle. Grâce au codex grec, aux collections hispanique et italique, et sans doute gauloise, constituées avant lui, grâce aussi à ses propres travaux de recherche, il édifia, dans les premières années du VIe siècle, une œuvre canonique sans précédent, en trois temps : d’abord les cinquante premiers canons apostoliques (appelés ainsi parce qu’ils datent du début de l’Eglise) ; puis ceux des conciles orientaux (Nicée, Constantinople, Chalcédoine, Sardique, Ancyre) ; ensuite les 138 canons des conciles de Carthage et de l’Afrique du Nord. Il y ajouta une collection de 78 décrétales, lettres des papes engageant leur autorité doctrinale, de 384 à 514. Le tout fut réuni ultérieurement pour constituer la Collection dionysienne.

Au début du Xe siècle, Réginon, abbé de Prum, établit un recueil de canons intitulé De synodalibus, qui constitua au Xe siècle comme le manuel du droit canonique.

Le grand nom du XIe siècle fut celui de Burchard, évêque de Worms en 1006. Il étudia avec soin la Bible, les écrits de saint Basile le Grand, saint Augustin, saint Ambroise, saint Benoît, saint Isidore de Séville, saint Théodore de Cantorbéry, Bède le Vénérable, les décrets des papes, les canons des conciles, les pénitentiels romains. Il en tira un recueil très informé, en vingt livres, qui fut la référence jusqu’à Gratien.

Gratien, bénédictin de Saint-Félix de Bologne, eut l’avantage de trouver dans sa ville la première école de droit de la chrétienté fondée vers 1100, origine de la première faculté de droit établie un siècle plus tard. Son travail fut connu sous le titre de Décret de Gratien ; cette œuvre constitue la dernière grande collection de référence.

Il convient pourtant de ne pas minimiser le mérite des travaux d’érudition poursuivis après Gratien, tout spécialement la collection des Décrétales du dominicain saint Raymond de Peñafort (1234), confectionnée sur l’ordre de Grégoire IX, et le recueil des décrétales, dites « clémentines », du à Clément V (1305-1314), qui furent publiées non de son vivant, mais par les soins de son successeur Jean XXII.


Le clergé

Le clergé remplit, par vocation, trois fonctions :
-          Magistère : il enseigne la doctrine.
-          Ministère : il confère les sacrements – Baptême, Eucharistie, Pénitence (pouvoir d’absoudre les péchés).
-          Administration : le clergé comporte une hiérarchie – Pape, évêques, prêtres, clercs inférieurs, fidèles.

Dès l’Antiquité chrétienne, l’Eglise se constitue ainsi selon une hiérarchie.

A l’époque mérovingienne, les évêques des Gaules sont à peu près tous des Gallo-romains, d’origine sénatoriale ou consulaire, afin de garder une autorité face au pouvoir civil et militaire. Le pouvoir de évêque, qui couvrait de droit toute la superficie de son diocèse, ne s’exerçait guère alors que dans les limites de sa ville épiscopale, les paroisses rurales ne commençant à se constituer qu’à la fin du IVe siècle, pour se convertir lentement. L’administration du siège épiscopal était organisée sur le modèle laïque, évêque tenant lieu de gouverneur et étant assisté d’un sénat nommé presbyterium, composé de prêtres, de diacres et de clercs inférieurs ; le chef de l’administration était l’archidiacre. Chaque évêque était soumis à Rome.

L’organisation hiérarchique de l’Eglise prévoyait que les évêchés formaient une même province ecclésiastique, dont les limites étaient celles de la province civile. Pendant tout le Moyen Age, évêque métropolitain restait le supérieur des évêques de l’ancienne province romaine (le titre d’archevêque, équivaut à celui de Métropolitain, ne commença à être employé qu’au début de l’époque carolingienne, et non pas uniformément).

La désignation des évêques devint rapidement un acte politique, au sens large d’abord, puis au sens étroit du terme. A l’époque gallo-romaine et sous les premiers Mérovingiens, évêque est « élu par le clergé et le peuple ». En fait, le clergé électeur est réduit au presbyterium, et la fonction du peuple est d’acclamer l’élu. En outre, l’élection devait être ratifiée par le métropolitain s’il s’agissait d’un suffragant, ou par les suffragants s’il s’agissait d’un métropolitain. A partir du VIIe siècle, ce sera le chapitre cathédral qui désignera évêque ; mais il ne le fera pas sans pression de la part du souverain ou de son vassal. Puis, le souverain se substituera purement et simplement au chapitre.

Mais déjà, chez les Mérovingiens, nous voyons à mainte reprise les rois disposer des sièges importants.

En Espagne, c’était au roi et à archevêque de Tolède de choisir conjointement les évêques
Charlemagne s’arrogea le droit de nommer à tous les évêchés vacants, et ses descendants l’imitèrent. Avec l’anarchie qui suivit le partage de l’Empire, les grands vassaux voulurent tous exercer ce pouvoir. La richesse de certains évêchés les firent convoiter par des familles nobles. Dès le début de l’époque carolingienne, on voit d’ailleurs les empereurs donner ces propriétés ecclésiales à leurs meilleurs vassaux ; on en arrive à voir, avant la commende, des abbés laïques qui se contentent de percevoir les revenus du monastère sans gouverner sa communauté.

Ce fut surtout en Allemagne que les princes-évêques prirent une grande importance politique. Numériquement, les prélats qui avaient droit au titre et aux privilèges des princes devinrent plus nombreux que leurs homologues laïques.

En France, la féodalité ecclésiastique fut beaucoup moins puissante qu’en Allemagne, le roi et les seigneurs laïques gardant un pouvoir supérieur au sien. Les plus puissants princes ecclésiastiques n’avaient qu’une importance fort médiocre.

Les revenus des gens d’Eglise étaient fort différents quantitativement. Au début de l’époque mérovingienne, les évêques étaient pauvres.

Si le sort du bas clergé s’améliora au cours des siècles, surtout à la campagne, celui du haut clergé se transforma notablement à partir de la fin du VIe siècle, grâce à ses ressources : les donations, faites par des seigneurs et des nobles dames ; un impôt appelé la dîme, sorte de denier du culte obligatoire. Ce fut alors que Pépin le Bref en 765, Charlemagne en 779 édictèrent des lois qui contraignaient les chrétiens à verser la dîme, sous la responsabilité des fonctionnaires royaux.

Pour le seconder dans son administration, l’évêque s’adjoignait un archidiacre. A partir du XIIe siècle, on voit apparaître un autre auxiliaire d’évêque, le vicaire général, appelé parfois procureur. Les diocèses étendus étaient divisés en circonscriptions, qui furent dotées chacune d’un archidiacre, en contact avec les curés ; au contraire, le vicaire général fut chargé d’une fonction administrative couvrant, comme son nom l’indique, l’ensemble du diocèse. L’archiprêtre, comme aujourd’hui, était le curé de la cathédrale.

Le chapitre est à l’origine un groupe de chanoines qui chantent au chœur l’office liturgique aux différentes heures canoniales. Séculiers, ils ne sont pas astreints à des vœux, comme le sont les chanoines réguliers, dont le statut est proche de celui des moines. Ils sont astreints à vivre dans un même bâtiment, proche de la cathédrale ; ils entourent évêque à sa table. Ils sont, comme tous les clercs, écartés de tout commerce et de toute fonction laïque. Mais ils gardent la propriété privée.

Dès l’époque mérovingienne, ces communautés de clercs sont affectées à d’autres églises que les cathédrales : ce sont les basiliques, qui prendront à l’époque capétienne le nom de collégiales. La plupart du temps, les basiliques ont pour origine un oratoire bâti sur le tombeau d’un martyr. Avec l’affluence des pèlerins, le clergé s’amplifie et l’oratoire est remplacé par une grande église.

Aux temps mérovingiens, les chanoines ont à leur tête, comme représentant de l’évêque, un clerc qui veille à l’observance des règlements : c’est l’abbas. Quand les chapitres de cathédrales auront acquis une certaine indépendance à l’égard de l’évêque, ils éliront eux-mêmes leur supérieur.

A l’époque carolingienne, évêque constitue pour cette communauté un ensemble de domaines qui rapporte un revenu annuel fixe, et dont il distribue à chacun sa quote-part : c’est la mense canoniale. Petit à petit, certains chanoines, venus de riches familles, estimèrent cette pension insuffisante à leur train de vie ; ils se firent attribuer soit par leurs parents, soit par l’évêché si celui-ci avait de vastes domaines, un revenu supplémentaire substantiel, la prébende.

Les premiers Carolingiens, épris d’unité sur l’ensemble de leur empire, veillent à uniformiser l’ordre canonique. C’est surtout saint Chrodegang, évêque de Metz, qui promulgue un règlement mémorable pour ses clercs formés en communauté au sens strict du terme (c’est-à-dire dortoir et réfectoire communs) ; ce ne sont pourtant pas des réguliers, comme certains auteurs l’ont cru, car ce règlement leur reconnaît le droit de propriété privée sans y apporter de limitation.

A la demande des évêques de l’Empire, Louis le Pieux réunit en 816 un concile à Aix-la-Chapelle pour statuer sur les affaires ecclésiastiques. Les Pères y instituent, à l’usage des chanoines, une regula. Il ne faut pas entendre par ce terme une règle monastique, puisque ces clercs restent séculiers, mais un règlement obligatoire. Ils rappellent que le clerc est voué à la perfection évangélique ; ils écartent pourtant de sa condition les observances monastiques : les chanoines peuvent manger de la viande, porter du linge, jouir de revenus personnels.

C’est à partir de l’époque carolingienne encore que le chapitre cathédral va recevoir un rôle très différent de l’office au chœur : celui d’élire évêque et d’administrer le diocèse en cas de vacance. Rien de plus légitime que cette attribution : le chapitre était devenu le conseil de l’évêque En outre, comme il était composé d’hommes habituellement droits et vertueux, peu accessibles à la corruption, on pouvait espérer d’eux un choix judicieux. Le chapitre acquiert alors une importance et un prestige considérables, mais aussi devient le sujet de tracas et d’oppositions ; car bien souvent il reçoit des pressions très fortes du souverain ou du duc.

A partir du Xe siècle, certains chapitres deviennent purement aristocratiques.


Les sacrements et la liturgie

Les sacrements sont les signes sensibles institués par Jésus-Christ, et par lesquels il opère dans l’âme fidèle la grâce méritée par son sacrifice. Pierre Lombard (mort en 1160) définit la doctrine des sacrements, qui fut adoptée par les théologiens de l’époque scolastique et reprise par le concile de Trente au XVIe siècle. Ce fut lui aussi qui donna la liste définitive des sacrements, au nombre de sept : le baptême, la confirmation, l’eucharistie, la pénitence, l’extrême-onction, l’ordre et le mariage.

Jusqu’à l’époque carolingienne, le baptême avait été pratiqué par immersion. Cette pratique fut abandonnée en Occident à partir de la fin du VIIIe siècle. Pendant l’Antiquité chrétienne, le baptême n’était conféré qu’aux adultes. Sous l’influence des Pères de l’Eglise des Ve et VIe siècles, il fut d’usage de l’administrer aux nouveau-nés.

A l’age apostolique, les évêques étaient seuls les ministres du sacrement de confirmation. Dans l’Eglise grecque, ils déléguèrent ce pouvoir aux prêtres à partir du Ve siècle. Dans l’Eglise latine, le principe ancien fut gardé.

Dans l’Antiquité chrétienne, c’était évêque qui se réservait le sacrement de l’eucharistie. La multiplication des paroisses amena, en Occident, à partir du Ve siècle, les prêtres à célébrer le sacrifice eucharistique dans l’église dont ils étaient le curé ou le desservant, et l’abbé dans son monastère.

Ce fut aussi à l’époque carolingienne que fut réglementé le nombre des messes à dire quotidiennement par chaque prêtre.

Jusqu’au XIe siècle, la communion est donnée sous les deux espèces. L’usage en fut alors abandonné pour deux raisons : le danger qu’une goutte du précieux sang ne tombât au dehors de la bouche, et le manque d’hygiène qu’il y avait à boire tour à tour au même calice. Contrairement à l’Orient, l’Occident employait pour espèce eucharistique un pain azyme. Cet usage du pain azyme s’explique par deux motifs ; l’un, historique : c’est sous cette forme que le Christ avait distribué son corps lors de la Cène ; l’autre, par crainte que les miettes d’un pain fermenté ne se répandent, provoquant ainsi une profanation.

Dans l’Antiquité, les fidèles communiaient fréquemment ; on voit des ascètes communier quotidiennement. A partir des temps barbares, cette pratique tombe. Le concile d’Agde de 506 décrète que les fidèles doivent communier au minimum aux fêtes de Noël, de Pâques et de la Pentecôte, sous peine de ne plus être considérés comme catholiques. Le 4e concile du Latran (1215) établit la règle qui restera celle de l’Eglise latine : au moins une fois par an pour la fête de Pâques.

La pénitence est sacrement dans la mesure où le prêtre donne, au nom du Christ, l’absolution des péchés.

La pénitence publique, en vigueur pendant toute l’Antiquité chrétienne. A l’époque mérovingienne, la confession publique disparaît ; mais la pratique des peines reste spectaculaire.

La pénitence publique s’aggrava à l’époque carolingienne. Au lieu être réclamée spontanément par le pécheur contrit, elle fut exigée impitoyablement par le clergé. D’autre part, le nombre des péchés officiels entraînant la pénitence publique s’accrut. Cependant, la confession des péchés privés condamnables restait secrète. On admit des peines de substitution. On s’orienta de plus en plus vers la compensation pécuniaire (le Wehrgeld). Le pénitent pouvait alors soit distribuer aux pauvres une partie de ses biens, soit faire construire une église ou fonder un monastère.

A partir du XIe siècle, les papes accordaient la remise des peines encourues pour des péchés graves par les indulgences. Celles-ci étaient accordées en échange d’un acte de piété exceptionnel.

Cet adoucissement de la pénitence publique était compensé par un développement de la pénitence privée. 

L’extrême-onction, ou sacrement des malades, consiste dans une onction avec l’huile des infirmes, accompagnée de prières rituelles.

La discipline du mariage est peu rigoureuse dans l’Eglise grecque. On y pratique déjà l’union civile, et le divorce, pourvu qu’il ait des motifs légitimes. L’Eglise latine, par tous ses docteurs et par sa législation, proclame l’indissolubilité du mariage. Les époux n’ont le droit de se séparer que dans deux cas : l’adultère et la consécration à Dieu.

Les empêchements au mariage entraînent l’interdiction s’ils sont connus avant, la nullité s’ils sont connus après. Dans l’Eglise latin, les empêchements sont : le rapt, l’impuissance, la disparité des religions, le vœu préalable de continence, la parenté spirituelle (le parrain et sa filleule). Quant à la parenté charnelle, ou consanguinité, elle fut comptée, avant le XIIIe siècle, jusqu’au septième degré. Mais le concile de Latran de 1215 réduisit la consanguinité aux quatre premiers degrés.

A partir de l’époque carolingienne, le consentement des deux époux est décrété nécessaire à la validité du mariage.

En ce qui concerne le sacrement de l’ordre, la théorie et l’usage sont fixés depuis l’Antiquité : il est le sacrement par lequel est reçu un pouvoir. Le mot ordre (latin ordo, grec taxis), signifie les degrés de la hiérarchie sacrée : les ordres, ce sont les différents états successifs dans lesquels on gravit les degrés du sacerdoce. Les ordres mineurs ne sont pas des ordres sacrés, mais une simple qualification pour remplir des offices ecclésiastiques ; ils n’appartiennent donc pas au sacrement. Les ordres majeurs, au contraire, dits encore ordres sacrés, sont sacramentels.

Dans l’Eglise grecque, les ordres mineurs sont le lectorat qui consiste dans les actions liturgiques, et l’hypodiaconat. Dans l’Eglise latine, ce sont les ordres de portier, lecteur, exorciste et acolyte ; les ordres majeurs sont le sous-diaconat, le diaconat et le sacerdoce, lequel se divise en deux : presbytérat et épiscopat. Seul l’évêque et le prêtre, revêtus en cela du même sacerdoce, peuvent célébrer les saints mystères, c’est-à-dire offrir le sacrifice du Christ dans la messe ; seul évêque peut perpétuer le sacrement en conférant les ordinations.

A l’époque mérovingienne, la liturgie se fixe. En Orient, les patriarcats d’Antioche et de Jérusalem adoptent la liturgie de saint Jacques, celui d’Alexandrie la liturgie de saint Marc, celui de Constantinople la liturgie de saint Jean Chrysostome, qui plus tard absorba les autres. En Occident, la liturgie romaine s’impose progressivement.

La liturgie romaine (c’est-à-dire l’une des liturgies latines), notamment dans les rites de la messe et des sacrements, n’était guère utilisée que dans l’Italie centrale. En 747 elle devint obligatoire en Angleterre. En 754, Pépin le Bref ordonna aux évêques francs d’adopter la liturgie romaine ; en 789, Charlemagne rappelle que cette décision est obligatoire.

Au cours de l’Antiquité chrétienne, l’Orient avait fixé son calendrier liturgique. Celui-ci comprenait deux éléments qui s’interpénétraient : la célébration des mystères du salut, avec les fêtes de Noël, de Pâques, de l’Ascension et de la Pentecôte, et les dimanches et fériés (jours de semaine) qui suivaient chacune d’entre elles ; les fêtes des saints, dont les plus importantes étaient celles de la Vierge Marie.

Avec l’écoulement du temps, de nombreux saints s’ajoutèrent à ceux de l’Eglise primitive (les Apôtres, les martyrs, saint Michel, saint Jean-Baptiste). Depuis saint Martin (mort en 397), on ne célébra plus seulement les martyrs, mais aussi les confesseurs. A Rome, le pape Boniface IV (mort en 615) institua la Toussaint. La Commémoration des fidèles défunts est établie à Cluny en 998 par l’abbé saint Odilon, et s’étend à l’ensemble de l’Eglise.

Chaque diocèse et chaque paroisse eurent bientôt leurs saints, parmi lesquels certains furent choisis comme patrons. A partir du IXe siècle, la canonisation devint le privilège exclusif de l’évêque. A partir d’Alexandre III (mort en 1181) le droit de canonisation fut réservé au Saint-Siège.

A l’époque carolingienne se constituèrent des martyrologes. Les principaux martyrologes médiévaux furent ceux de Bède (mort en 735) ; Florus, diacre de Lyon ; Wandelbert de Prum, Raban Maur, Adon de Vienne, Usuard, Nokter le Bègue, moine de Saint-Gall.

Les pèlerinages aux tombeaux des saints commencèrent dès les premiers siècles de l’Eglise. A l’époque mérovingienne, le premier grand pèlerinage est celui de saint Martin de Tours ; s’y ajoutent bientôt ceux de saint Félix de Nole en Italie et de saint Cyprien à Carthage. A l’époque carolingienne, le plus fréquenté est celui de Saint-Jacques de Compostelle, et dans les Gaules la Vierge noire de Rocamadour, Sainte-Madeleine à Vézelay, le Mont-Saint-Michel, consacré à l’archange ; à l’époque capétienne se développe celui de Notre-Dame du Puy.

L’usage de la cloche pour appeler à l’office liturgique date probablement de saint Paulin de Nole (mort en 431) ; c’est pourquoi elle s’appela d’abord, en italien, campana (de la province de Campanie), ou nola, et l’édifice qui la contenait le campanile. A partir du XIe siècle, le campanile fut concurrencé par le clocher. L’orgue apparaît au début de l’époque carolingienne.

En dehors de la messe, l’office liturgique comprenait la suite des heures héritée de l’Orient. Il se partageait en sept offices : les vigiles, au milieu de la nuit, qui sont devenues les matines ; les matines, qui sont devenues les laudes ; prime (première heure) à l’aurore ; tierce à neuf heures ; sexte à midi ; none à quinze heures ; lucernaire à la tombée de la nuit. Au Ve siècle, le lucernaire se sépara en deux : les vêpres en fin d’après-midi, les complies avant le sommeil de la nuit ; pour conserver le nombre de sept, on réunit matines et laudes en un seul office.

Au XIIIe siècle, les clercs séculiers et les ordres mendiants adoptèrent ne formule abrégée et portative de l’office divin, le bréviaire (brevarium).

La papauté

Avant le schisme d’Orient, la primauté romaine était reconnue par l’ensemble de la chrétienté.

En matière politique, la papauté prend soudain à la fin du VIIIe siècle une importance capitale : en cessant de demander ratification de l’élection pontificale à l’empereur byzantin ; et en couronnant le plus puissant roi d’Occident, Pépin le Bref. La papauté, à partir de Charlemagne, légitimait l’imperium et l’empereur protégeait le pape.

Quant l’Empire s’effondra, l’anarchie qui s’ensuivit ne permit plus à l’empereur, personnage affaibli et contesté, de jouer ce rôle, et le siège pontifical devint le jouet des factions.

Avec le XIIIe siècle, la papauté atteint le sommet de son autorité. Ce siècle est inauguré par Innocent III qui, au cours d’un pontificat de dix-huit ans et demi, arbitre entre les candidats à l’Empire, envoie les rois à la croisade et oblige ceux d’Angleterre et de Sicile à se déclarer ses vassaux. Avec Boniface VIII (1294-1303), c’est la chute ; non plus morale mais politique ; et elle ne lui est pas imputable ; mais les temps ont changés ; le roi de France, surtout qui, entouré de juristes laïques, rejette le pouvoir temporel du pape. L’excommunication, qui avait fait trembler les plus hardis des Capétiens, n’a plus maintenant d’efficacité.

C’est alors, avec le Français Clément V, la fixation du Saint-Siège à Avignon (1309), qui marque plus la méfiance des insupportables Romains que la soumission au roi de France ; puis, avec Urbain VI, le grand schisme d’Occident qui va diviser l’Eglise en deux obédiences, nouveau coup cruel pour l’autorité pontificale, et qui suscite la doctrine conciliariste. Enfin, quand ce drame trouve son dénouement, la papauté entre dans une nouvelle ère ; tandis que le reste de l’Europe vit encore au rythme du Moyen Age, l’Italie entre dans la Renaissance. A partir d’Eugène IV (1431), c’est-à-dire au lendemain du grand schisme, les papes, sans se désintéresser des affaires ecclésiastiques, sont surtout des humanistes, des artistes et des mécènes, qui font de Rome le centre esthétique de la chrétienté.

Le mode d’élection du souverain pontife a beaucoup varié pendant le Moyen Age.

En 1059, le concile du Latran, convoqué par Nicolas II, rappelle que l’élection pontificale ne peut être le fait que des seuls cardinaux. On ne dit plus qu’un évêque n’est pas éligible.

En 1179, un nouveau concile du Latran, indiqué par Alexandre III, fixa la majorité des voix aux deux tiers. Pour l’élection de Célestin IV (1241), les cardinaux pratiquèrent pour la première fois le conclave : leur collège se réunit à huis-clos. Au concile de Lyon de 1224, Grégoire X parvint à faire voter  de nouvelles mesures, cette fois draconiennes, pour l’élection de ses successeurs :

-          la salle du conclave ne doit avoir aucune communication avec l’extérieur
-          les cardinaux ne peuvent entrer en relation avec personne
-          si au bout de trois jours, aucun pape n’est élu, la nourriture est réduite à un plat quotidien ;au bout de cinq autres jours, les électeurs ne reçoivent plus que du pain, du vin et de l’eau
-          les cardinaux sont privés de traitement pendant toute la vacance du Saint-Siège
-          quiconque trahit le secret des délibérations sera excommunié
Après son élection, le pape devait être sacré et couronné.

Les cardinaux, électeurs du pape, étaient ses plus proches collaborateurs, chargés du gouvernement de l’Eglise et des missions diplomatiques. 

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