22 juin 1815 : La France, pays des girouettes
« Français ! En
commençant la guerre pour soutenir l’indépendance nationale, je comptais sur la
réunion de tous les efforts, de toutes les volontés, et le concours de toutes
les autorités nationales. J’étais fondé à en espérer le succès, et j’avais
bravé toutes les déclarations des puissances contre moi. Les circonstances
paraissent changées. Je m’offre en sacrifice à la haine des ennemis de la
France ; puissent-ils être sincères dans leurs déclarations, et n’en avoir
jamais voulu qu’à ma personne ! Ma vie politique est terminée, et je proclame
mon fils sous le titre de Napoléon II, empereur des Français. Les ministres
actuels formeront provisoirement le conseil de gouvernement. L’intérêt que je
porte à mon fils, m’engage à inviter les Chambres à organiser sans délai la
Régence par une loi. Unissez-vous tous pour le salut public, et pour rester une
nation indépendante. »
Rocambolesque
et extravagant que l’épisode des Cent-Jours qui, le 26 février 1815, voit Napoléon s’enfuir de l'île d'Elbe (cliquez) ; débarquer le 1er mars à Golfe-Juan (cliquez) ;
entrer aux Tuileries le 20 mars, que Louis XVIII a quitté la veille pour l'exil ;
et reconquiert son trône sans tirer un coup de fusil. Le 18 juin c’est Waterloo (cliquez) , la deuxième abdication de Napoléon le 22 juin 1815 (après celle des 3-6 avril 1814), son exil à Sainte-Hélène et la mort.
On ne compte plus les
personnalités qui, ayant juré fidélité à Louis XVIII, retournent leur veste le
lendemain pour se rallier à Napoléon. Souvent après l'avoir trahi une première fois ou pour mieux le trahir après: le premier c'est Bernadotte, puis Murat, suivi de Ney, Oudinot, Berthier,
Macdonald et Lefebvre, ensuite Marmont, le duc de Raguse et Augereau. Voilà uniquement pour les maréchaux. Et tous les autres… comme le spécialise en trahison : Talleyrand.
Le 7 mars, le maréchal Ney
déclare au roi :
« Je promets à Votre
Majesté de ramener le monstre à Paris dans une cage de fer. »
Le 14 mars, il adresse à ses soldats ce message :
« La cause des Bourbons
est à jamais perdue ! »
Dans le Journal des
Débats, le penseur libéral Benjamin Constant conclut ainsi son article :
« Je n'irai pas, misérable
transfuge, me traîner d'un pouvoir à l'autre, couvrir l'infamie par le sophisme
et balbutier des mots profanés pour racheter une vie honteuse. »
Trois semaines plus tard, le même Benjamin Constant est promu conseiller d'État par l’Empereur.
« Cette époque, où la
franchise manque à tous, serre le cœur, écrit Chateaubriand dans ses Mémoires
d'outre-tombe. Chacun jetait en avant une profession de foi, comme une
passerelle pour traverser la difficulté du jour ; quitte à changer de direction
la difficulté franchie (…) A cette impossibilité de vérité dans les sentiments,
à ce désaccord entre les paroles et les actions, on se sent saisi de dégoût
pour l'espèce humaine. »
« Personne ne tient à
personne, écrit Prosper de Barante, monarchiste libéral, en avril 1815. Il
n'y a ni affections ni opinions. »
Les révolutions de 1830,
1848, 1870 et la multiplication des régimes politiques au XIXe siècle (un
consulat, deux empires, deux monarchies constitutionnelles, deux républiques,
une tentative de dictature prolétarienne en 70 ans) ont poussé les Français au
scepticisme, à la passivité et à l'attentisme envers le pouvoir. Des traits de
caractères toujours présents dans les gênes de nos contemporains qui les poussent
à dénigrer celle ou celui qu’ils ont conduit au pouvoir la veille.