L’Eglise en proie aux laïcs (840-980)
L’Eglise,
alliée des rois, fut la victime de l’élévation des princes, qui se rendirent maîtres
de tout l’état ecclésiastique de leur principauté, nommant les évêques et les
abbés, mettant la main sur les biens de l’Eglise. Dans les monastères, la
discipline se relâcha L’Eglise a rarement connu un abaissement aussi profond.
Les ecclésiastiques, d’ailleurs, n’étaient pas les seuls à pâtir de l’anarchie
grandissante ; la situation des laïcs pauvres était pire.
Sous
prétexte de guerre privée, de vengeance familiale, on tuait, on détroussait
paysans, voyageurs, pèlerins, marchands. Il n’existait pas de recours réel pour
ces malheureux, qui en vinrent tout naturellement à appeler à grands cris l’intervention
des seules puissances encore susceptibles de répondre aux prières : Dieu,
les saints, les reliques…
C’est,
en effet, le temps où la dévotion aux reliques se manifeste par de nombreux
récits de miracles. Devant l’effondrement de la puissance séculière, qui cesse
d’assurer à l’individu une sécurité relative, on en vient à concevoir une
société fondée sur Dieu. Le temps de la paix de Dieu se prépare.
Les
moines réformés
Un
mouvement pour la réforme monastique se dessine.
Comme
les gens du commun, bien que pour des raisons un peu différentes, les grands
sentaient le besoin d’intercesseurs valables auprès du souverain juge, et comme
ils étaient riches, comme ils avaient davantage de notions d’organisation, ils
conçurent une solution permanente à leur problème : faire prier à leur
intention une communauté de moines menant une sainte existence. Cela explique
l’attachement de beaucoup de grands à la réforme, lequel peut s’exprimer
symboliquement dans la fondation de l’abbaye de Cluny, en 910, par le duc
d’Aquitaine, Guillaume le Pieux. Cluny, en effet, sous ses grands abbés, Odon
(926-942) et Maieul (948-994), fut le départ d’un vaste mouvement de réforme.
Un facteur particulier de ce succès, c’est que les abbayes réformées restaient
subordonnées à l’abbaye mère.
Mais
son importance historique fut surtout d’avoir témoigné pour la sainteté à une
époque où l’Eglise, humiliée, était dépouillée de son auréole dans une société
qui cherchait désespérément à se raccrocher aux valeurs surnaturelles. A la
société dominée par des seigneurs aux mœurs sauvages, elle opposa l’image d’une
société de seigneurs vivant dans la prière et l’obéissance.