Le monachisme dans l'Occident médiéval
Texte de Ivan GOBRY, extrait in La Civilisation Médiévale.
Le monachisme au Moyen Age ancien (VIe-IXe
siècles)
L’idéal monastique
Le monachisme a été le plus grand phénomène
spirituel du Moyen Age, qui a baigné toute sa civilisation. Il plonge ses
racines dans les profondeurs de l’Antiquité chrétienne, a commencé de se
diffuser dès l’époque apostolique, avec une continuité ininterrompue, a couvert
toute l’Europe et s’est sans cesse renouvelé sous les formes les plus diverses.
Il est né en Orient, parce que l’Orient est le berceau du christianisme, et,
répandu dès le Moyen Age ancien en Occident, y a gardé les mêmes inspirations
qu’à ses origines.
La pensée monastique, qui sert de fondement à ce
gigantesque édifice, provient du même idéal de sainteté que dans l’ensemble de
l’Eglise ; elle est inspirée par le même esprit que les formes séculières,
qui sont d’ailleurs toute proche d’elle ; l’érémitisme, notamment, est le
point de départ du cénobitisme, qui se forme tardivement ; et quand, à
partir du Moyen Age ancien, le monachisme est constitué par le seul
cénobitisme, c’est-à-dire par la vie communautaire régie par une règle,
l’érémitisme demeure comme un rameau détaché, vécu par les séculiers qui n’ont,
au contraire des moines, ni règles, ni vœux, ni supérieurs. Durant tout le
Moyen Age, il y aura entre la cité séculière et les petites cités monastiques
une perpétuelle osmose, en même temps que des formes intermédiaires.
Quand aux fondements, la principale différence est
la leçon tirée de l’Evangile. Jésus énonce d’une part des commandements
inconditionnels, qui obligent tous ceux qui se réclament de lui ; ce sont
les préceptes évangéliques, qui visent la fin même de la vie évangélique :
amour de Dieu et du prochain. Il énonce d’autre part l’incitation à des
pratiques facultatives ; ce sont les conseils évangéliques. Parmi ceux-ci
figurent en première place les vertus qui font l’objet des vœux de
religion : la pauvreté, qui consiste à ne rien posséder personnellement,
et à être attaché intérieurement à aucune chose terrestre ; la continence,
qui consiste à n’avoir aucune activité sexuelle, même la plus légitime ;
l’obéissance, qui consiste à renoncer à la libre disposition de son temps, et à
adopter une règle de vie au sein d’une communauté, sous l’autorité d’un
supérieur, qui n’est lui-même que le gardien de la règle, à laquelle il est
assujetti.
Il n’y a aucune opposition entre le précepte et le
conseil : ils tendent à la même fin, bien qu’empruntant des moyens
différents. Leur association affirme dans l’homme une double liberté
spirituelle : une première liberté, toute morale, qui consiste à choisir
entre le bien et le mal ; une seconde, toute surnaturelle, qui consiste à
choisir ce qui n’est pas exigé, à vouloir plus que l’obligatoire.
La différence fondamentale qui existe entre le
moine chrétien et les ascètes d’autres religions, notamment le bouddhisme,
c’est l’idéal visé. Les moines chrétiens, à quelque règle et quelque siècle
qu’ils appartiennent, ont ceci d’essentiel qu’ils ont voulu reproduire en eux
les traits de Jésus-Christ. Et ce qu’il y a de spécifiquement remarquable dans
le projet du moine, c’est son imitation du Christ souffrant.
En cela, le moine est un martyr, martyr de sa
propre main et au long de toute sa vie. Il y a deux façons de donner sa
vie : en un instant, dans l’immolation ; au jour le jour, dans une
offrande permanente. Les martyrs avaient choisi la première forme ; les
moines adoptèrent la seconde.
Après la victoire de Constantin et son édit
tolérance (Milan, 313), les persécutions cessaient soudain. Un certain nombre
d’entre eux décidèrent, ne pouvant plus suivre la Christ dans sa mort, de le
suivre dans sa passion, dans une passion permanente.
Quand les chrétiens ne furent plus humiliés et
menacés, leur nombre s’amplifia, et du même coup leur qualité régressa. Les nouveaux
chrétiens, entourés de mauvais exemples, formèrent des communautés décadentes,
et les plus fervents ne reconnurent plus l’esprit de l’Evangile. De là naquit
l’idéal du désert : c’est là seulement, à l’égard de la foule qui distrait
et des plaisirs factices, que l’âme peut librement s’occuper de Dieu seul.
Aussi vit-on, dès le IVe siècle, les déserts d’Egypte et de Palestine se
peupler d’hommes, et même de femmes, qui, fuyant l’air irrespirable de la
société dégradée, y trouvaient le lieu propice à y exercer les vertus
évangéliques.
Au désert, l’occupation principale du moine est
d’abord ce qu’elle restera dans les communautés cénobitiques, mais
rigoureusement organisée : la prière.
Ce qui fit la réputation, aux yeux du monde, des
moines d’Orient, ce fut, beaucoup plus que la permanente prière, leur
effrayante ascèse. Et d’abord par le jeune, qu’ils poussèrent jusqu’aux limites
des possibilités humaines. Une autre privation était celle du sommeil.
Enfin,
une pénitence plus variée, assortie aux occupations et aux forces de chacun,
était le travail.
En fait, le monachisme s’est manifesté bien avant
la fin des persécutions. Les premiers moines ont été certainement les ascètes,
dits encore continents, qu’on trouve dès le IIe siècle. C’étaient des
hommes qui se retiraient à l’écart des villes ou des bourgs pour y mener une
vie pauvre, mortifiée, laborieuse et priante, en méditant l’Evangile. Ce sont
eux qui, effectivement, ont été les premiers désignés par le nom de moines (monachoi :
solitaire et sans famille). L’ermite donne donc au mot sa double
signification : solitaire et célibataire, deux façons être seul. Au
IIIe siècle, ce type d’homme consacré à Dieu est répandu dans tout l’Orient. Il
est reconnu officiellement par l’Eglise, porte un habit distinctif, et tient
une place d’honneur dans les cérémonies religieuses. Il suivait d’ailleurs assidûment
les offices dans la cathédrale et dans une basilique, ce qui lui faisait
préférer habituellement la ville.
L’anachorète, lui (du grec anachoréo :
s’écarter, se retirer) était au contraire celui qui vivait loin des lieux
habités.
Les cénobites vivaient en commun, dans les mêmes
bâtiments, obéissant à la même règle et à un même supérieur, célébrant les
offices du chœur. Ce fut chez les hommes la forme la plus tardive de
monachisme.
Les moines du Moyen Age occidental connaissaient
fort bien la vie et les règles de leurs devanciers de l’Orient, grâce à des
sources assez abondantes, presque toutes traduites du grec en latin.
L’époque mérovingienne
La multitude des règles adoptées au début du Moyen
Age traduit la dispersion des initiatives : chaque fondateur est un
législateur. Ou bien, il connaît les règles originelles de l’Egypte et il
innove en adaptant les pratiques au lieu et au climat ; ou bien il ne
cherche aucun modèle antérieur, et se fie, pour fixer des observances, à la
ferveur et à une pratique qui, après quelques tâtonnements, aboutit à une
codification ; c’est le cas surtout des ermites qui, se trouvant à la tête
d’un groupe de disciples, se voient obligés de donner à cette communauté
nouvelle un programme de vie.
Il y eut certes, dans ce sens, un monachisme
spontané, chez les Barbares nouvellement convertis. Mais, pour l’ensemble de la
Gaule, l’institution monastique s’enracine dans la tradition gallo-romaine.
L’Auvergne, avec ses impénétrables forets, offrait aux âmes éprises de solitude
des ressources inépuisables. On y note une présence monastique dès le IIIe
siècle. Ces sortes d’établissements se multiplient ensuite dans ce diocèse à la
fin du IVe siècle. Il est vain, après cela, de nous montrer dans saint Martin
de Tours l’initiateur des Gaules au monachisme.
Quand donc Clovis entre dans l’Eglise, il trouve
sur cette terre gauloise dont il fait son royaume une abondance de modèles pour
inspirer son zèle fondateur, ne serait-ce que celui de Saint-Martin de Tours, bâti
sur la tombe du grand évêque, pour lequel il manifeste une vive dévotion.
Les fils de Clovis, malgré leur vie peu édifiante,
tinrent à imiter leur père.
Plus abondantes encore que les fondations royales fussent
celles qu’on pourrait appeler par génération spontanée.
Au VIIe siècle, on voit les grands seigneurs
mérovingiens se faire eux-mêmes abbés des monastères qu’ils fondent.
En moins de deux siècles, ce furent ainsi
plusieurs centaines de monastères qui s’élèvent dans le Regnum Francorum.
Il sévissait, dans les règlements qui les gouvernaient, la plus grande anarchie.
Les évêques tinrent à imposer quelques éléments unificateurs. Au concile
national des Gaules, convoqué en 511 par Clovis à Orléans, ils adoptèrent
plusieurs canons concernant la vie religieuse.
Un problème important, qui réclamait être résolu
au plus haut niveau, touchait la compatibilité de l’état monastique et de
l’état clérical. Rien n’avait été fixé dans ce domaine en Orient. Le pape
bénédictin Boniface IV fit adopter un canon qui devint définitif : les
moines avaient le droit d'être ordonnés prêtres et évêques.
Le monachisme celtique fut, lui aussi, tributaire
de la tradition romaine. Le premier moine irlandais fut saint Kiaran ; il
se fit ermite et fonda l’abbaye de Saghir ; ce fut là que saint Patrick le
trouva et qu’il l’ordonna évêque Saint Patrick n’était pas irlandais ; il
était né en 389 dans île de Bretagne ; quand il alla évangéliser
l’Irlande, il était à la fois moine et évêque ; peut-être avait-il acquis
cet état de moine, comme plusieurs l’ont imaginé, à l’abbaye de Lérins ;
de toute façon, il demeura de nombreuses années à Auxerre dans l’ombre de saint
Germain, et ce fut avec une véritable formation théologique et disciplinaire
qu’il établit en Irlande, à Armagh en 443, sur les terres du roi Oriel, son
premier monastère.
Dès le VIe siècle, l’Irlande était couverte de
monastères de l’un et l’autre sexe. Comme ces initiatives étaient, à l’origine,
éparses et sans lien mutuel, le nombre des règles fut d’abord abondant.
Il n’est pas possible de connaître l’origine du
monachisme dans île de Bretagne, car les invasions saxonnes, puis angles, en
détruisirent à la fois les bâtiments et les sources manuscrites de leur
histoire. Dès la fin du Ve siècle, cette histoire se condense en Cambrie, où se
sont réfugiés les moines qui n’ont pas été massacrés par l’envahisseur. Le
premier nom important que nous trouvons dans les annales de cette province est
celui de Tathai, qui établit à la fin du Ve siècle l’abbaye de Gwent, au
sud-est de la Cambrie. Parmi la noblesse du pays se distinguait Cadoc (mort en
512), fils du roi Gundlee ; il édifia non loin de là l’abbaye de Llan
Carvan, qui à son tour ouvrit une école, de laquelle sortit une pléiade de
saints et de fondateurs.
Le plus important de ceux-ci fut saint Iltut
(410-510), créateur du monastère et de l’école de Llan-Iltut. Entre autres
disciples merveilleux en sortit saint David.
A son tour, un disciple de David, saint Kentigern
(mort en 601), lui vint de Glasgow, où subsistait, à l’écart des Angles, la vie
monastique implantée par saint Servan au début du VIe siècle.
Le monachisme armoricain, lui, fut importé de
Cambrie, car, au Ve siècle, la Gaule chrétienne n’exerça aucune influence sur
la presqu’île, qui demeura païenne jusqu’à ce que les Bretons y émigrassent et
lui donnassent leur nom. Ceux-ci eurent deux raisons successives de s’implanter
en Armorique ; la première, dans la seconde moitié du IVe siècle et au
début du Ve, fut les ravages incessants qu’exerçaient sur leur sol les bandes
pillardes venues par mer d’Irlande et de Calédonie ; la seconde, à la fin
du Ve siècle et durant le VIe, fut l’invasion anglo-saxonne.
De la première émigration bretonne date, dès le
début du Ve siècle, la colonie anachorète établie dans île des Lauriers,
voisine de celle de Bréhat.
Dans la deuxième vague des émigrants gallois,
l’école de Lan-Iltut fut la pépinière d’où sortirent les autres fondateurs du
monachisme armoricain.
On possède peu d’éléments sur l’origine du
monachisme espagnol. Un premier monastère, Asane, au cœur des Pyrénées, eut
pour fondateur au début du VIe siècle saint Victorien, dont on ne sait s’il
venait de Provence ou d’Aragon.
Le premier législateur de la vie monastique fut
saint Donat, originaire d’Afrique du Nord, où il fut d’abord ermite puis abbé.
Chassé par l’invasion arabe, il se réfugia dans la région de Valence, et éleva
vers 550 un monastère à Servit, sur la Turia.
La règle de saint Léandre (mort en 601), évêque
métropolitain de Séville, est une des rares règles qui, à l’instar de celle de
saint Césaire, soit destinée aux femmes.
Le successeur de Léandre sur le siège de Séville
fut son propre frère, l’une des gloires de l’Espagne médiévale, saint Isidore
(mort en 636). Il écrivit à son tour une règle monastique destinée aux hommes.
Il commence par la construction du monastère, avec la place de chaque élément.
On passe à l’élection de l’abbé. L’admission des moines fait l’objet de
multiples précisions. Le travail et les heures canoniales sont réglés avec
minutie, ainsi que les repas, l’habit, les funérailles.
De nouvelles règles furent rédigées par saint
Fructueux (mort en 665). Il commença par faire édifier un monastère nommé
Complute, pour lequel il écrivit une règle. La règle de Complue est inspirée en
grande partie de celle de saint Benoît.
En Angleterre prévalut le monachisme romain, qui
se signale non pas, comme sur le continent, par des origines érémitiques, mais
par fondation immédiate, habituellement initiative royale. Une autre
caractéristique est l’importance, dès le départ, des monastères féminins, dus
eux aussi à des décisions royales.
L’assemblée de Whitby, en 664, convoquée par le
roi Oswy de Bernicie, décida que tous les monastères d’Angleterre adopteraient
les usages romains et la règle de saint Benoît.
Ce fut par le monachisme anglais que la règle de
saint Benoît passa en Germanie. Le monachisme germanique sera désormais
bénédictin.
Saint Colomban (543-615) et sa règle
Il revenait pourtant à un prince irlandais,
Colomban, de répandre le monachisme celtique sur le continent. Moine à Cluain
Inis (« le Cloître de l’Ile »), il obtint de son abbé l’autorisation
de partir avec douze compagnons pour entreprendre la conversion des Barbares du
continent. Ils abordèrent l’Armorique mais ce n’était pas une terre à
évangéliser. Ils gagnèrent donc l’Austrasie, où le roi Sigebert II leur
abandonna un quartier de la grande forêt au sud des Vosges où ils érigèrent
trois monastères : Anegray, Luxeuil et Fontaine. Cette région ayant passé
au royaume de Bourgogne, Colomban fut chassé par Brunehaut avec ses moines
irlandais. Echappant à Nantes à leurs gardiens au moment d’être embarqués pour
l’Angleterre, les proscrits traversèrent la Neustrie, arrivèrent à Metz, où le
jeune roi Thibert mit un vaisseau à leur disposition. Ils descendirent la
Moselle jusqu’à Coblence, puis remontèrent le Rhin jusqu’au confluent de l’Aar
et de la Limmat, et continuèrent leur chemin par voie terrestre. Longeant le
lac de Constance, ils élevèrent un monastère à Brégenz, où ils convertirent les
païens. Mais, s’estimant menacés à nouveau par Brunehaut, sur les terres de
laquelle ils se trouvaient, ils le quittèrent, laissant seul leur frère Gall,
autour de l’ermitage duquel s’élevèrent l’abbaye et la ville de Saint-Gall. Ils
prirent le chemin de l’Italie ; parvenus à Milan, Colomban fut accueilli
par le roi lombard Agilulf, converti de l’arianisme au catholicisme, et qui
leur abandonna le domaine de Bobbio, où il édifia un nouveau monastère, et mourut
un an après, en 615.
Pendant son séjour à Luxeuil, Colomban avait écrit
dès 593 une règle, inspirée par celle de Bangor qu’il venait de quitter. Elle
est courte. Un premier chapitre est consacré à l’obéissance, première vertu
monastique ; un deuxième au silence ; un troisième à la nourriture,
où l’on apprend que l’on fait un seul repas, le soir, fait de légumes et de
pain ; un quatrième à la pauvreté du corps et de l’esprit ; un
sixième à la chasteté. Après cette partie qui traite de la spiritualité du
moine, vient celle des observances liturgiques. Il faut en retenir la longueur
des offices nocturnes, qui occupent toute la nuit.
Un dernier chapitre disserte de la discrétion,
c’est-à-dire du discernement et de la modération qu’il faut apporter dans
l’application rigoureuse de la règle, afin de ne pas tomber dans le
découragement et la maladie. A cela s’ajoute un Pénitentiel, recueil de
sanctions à appliquer à chaque faute commise contre la règle.
La règle de Colomban n’était destinée qu’à Luxeuil
et à Bobbio. Ce furent les disciples qui établirent des monastères sous la
règle de leur maître, et d’ailleurs sans sa délégation ni son assentiment.
A partir de 616, un an après la mort de son
auteur, la règle commença être transformée ; trente ans après, cette règle
bâtarde, corrigée par celle de saint Benoît, deviendra majoritaire ; un
siècle plus tard, la règle de saint Colomban aura disparu et sera remplacée par
celle de saint Benoît Reste à explique ce phénomène.
La prédominance du monachisme bénédictin
Saint Benoît de Nursie a mérité être appelé
« le patriarche des moines d’Occident ». Et pourtant, rien, pendant
le siècle qui suivit sa mort, ne semblait présager ce titre. Fils d’une grande
famille d’Italie centrale, il se consacra dès l’adolescence à la vie solitaire
dans le Latium. Des disciples l’ayant rejoint, ils bâtirent ensemble un
monastère, ou plutôt douze petits ermitages dont il était le supérieur. Un prêtre
hargneux se mit à persécuter les pénitents, qui quittèrent les lieux et
allèrent se fixer sur le mont Cassin, dans les ruines d’un temple naguère
consacré à Apollon. Quand ils eurent élevé là un grand monastère, Benoît
écrivit pour lui une règle, qu’il faut dater de 535, c’est-à-dire soixante ans
à peu près avant celle de Colomban. Mais de même que, à l’origine, la règle de
Colomban ne fut destinée qu’à Luxeuil, celle de Benoît ne le fut qu’au
Mont-Cassin et à ses quelques succursales.
Ainsi, la règle de saint Benoît, écrite pour
quelques monastères italiens, n’avait aucune ambition de se répandre dans l’Europe
entière. Et d’ailleurs, en 589, soixante ans après sa fondation, les Lombards
détruisirent le Mont-Cassin ; ses moines eurent le temps de s’enfuir et se
réfugièrent à Rome, où le pape Pélage II, prédécesseur de saint Grégoire le
Grand, leur abandonna un bâtiment près de son palais. La règle du Mont-Cassin
devint celle de Saint-Jean de Latran. Grégoire, devenu abbé de Saint-André de
Rome adopta aussitôt la règle de saint Benoît pour son monastère (539). Il est
fort possible qu’à ce moment deux monastères dans toute l’Italie fussent soumis
à la règle bénédictine. Mais Grégoire envoya son ancien prieur Augustin avec
quarante moines évangéliser l’Angleterre et, en 664, tous les monastères de l’île
de Bretagne étaient bénédictins.
En Gaule, la progression de la règle bénédictine
alla beaucoup plus lentement ; car la rivalité entre les règles était
nettement plus forte, le territoire étant peuplé de centaines de monastères, et
la règle de saint Colomban venait d’y acquérir une notoriété exceptionnelle. Le
premier monastère fondé sous la règle de saint Benoît restera longtemps seul de
son espèce. Il avait pour auteur un disciple de saint Benoît, saint Maur, son
prieur au Mont-Cassin, qui pénétra dans le royaume franc en 540. Le comte
Florus, compagnon de Thibert 1er d’Austrasie, lui octroya la terre
de Glanfeuil en Anjou, et Maur donna à son petit monastère la règle de son père
Benoît.
Mais le déclin de la règle de Colomban va
constituer un appel à celle de saint Benoît En 628, le pape Honorius avait
adressé à saint Bertufle, abbé de Bobbio, un bref qui ordonnait à sa communauté
de « vivre sous la double règle de Benoît et de Colomban ». Dès ce
moment, les évêques francs, fils soumis du Saint-Siège, ordonnèrent aux abbés
colombaniens de transformer en ce sens la discipline de leurs communautés.
Jusque-là, la règle de saint Benoît avait servi
d’élément correcteur pour celle de saint Colomban, bien que plusieurs
monastères l’eussent adoptée. En 659, au concile d’Autun, les évêques francs la
reconnurent comme règle à part entière, capable de servir seule de loi au
gouvernement d’un monastère. Aussitôt, elle fut adoptée par les plus célèbres
abbayes du royaume franc. De telle sorte que la règle de saint Colomban
disparut en douceur. En 745, le concile de Soissons, constatant cette
disparition, loin de laisser le choix d’une règle aux monastères, leur imposa
celle de saint Benoît.
Comment expliquer cette rapide disparition des
multiples règles monastiques de l’Occident, et leur remplacement par une
seule ? Celle-ci à la fois la plus simple et la plus équilibrée : la
plus humaine. La règle de saint Colomban, comme les règles celtiques dont elle
est issue, comme les règles lériniennes inspirées par celles de l’Orient, sont
destinées à des natures d’élite, à des géants spirituels qui doivent être bien
souvent des organismes exceptionnels ; quand elles réclament l’obéissance
du commun du hommes, il faut trop souvent leur apporter des adoucissements. En
outre, ces règles, ou bien noient la vie quotidienne dans une surabondance de
petits préceptes, ou bien au contraire elles laissent dans l’ombre des détails
importants. De même pour l’équilibre entre les prescriptions et les
explications, entre la lettre et l’esprit. Saint Benoît a connu toutes ces
règles antérieures ; il les a méditées ; il leur a pris ce qu’elles
avaient de meilleur, pour constituer un ensemble simple et harmonieux,
rigoureux, mais adapté aux forces humaines, pleine de sévérité en même temps
que pleine de miséricorde.
La réforme de saint Benoît d’Aniane (750-821)
Celui que nous connaissons sous le nom de Benoît
d’Aniane était un noble d’origine wisigothique. Il fut envoyé à la Cour du roi
Pépin, où il remplit l’office d’échanson, et il resta en fonction sous
Charlemagne. En 773, il demanda son admission à l’abbaye de Saint-Seine. Sept
ans après, il fut élu pour remplacer l’abbé défunt ; mais ne parvenant pas
à rétablir la discipline dans sa communauté, il la quitta bientôt, et alla
vivre en ermite sur une des ses terres septimaniennes, Aniane ; son exemple
suscita quelques disciples, puis un grand nombre. Il fallut construire un
monastère, où l’abbé imposa des observances effrayantes (782), bien que plaçant
sa communauté sous la règle de saint Benoît.
Entre cette date et 814, Benoît fit encore passer
onze monastères sous son obédience. La plus retentissante de ces fondations fut
Gellone.
La réforme que Benoît d’Aniane venait d’opérer
dans les différents monastères qui lui étaient soumis fut connue de Louis le
Pieux, alors roi d’Aquitaine, qui le nomma supérieur de tous les monastères de
son royaume. Prenant sa tache au sérieux, Benoît fit la visite de tous les
monastères d’Aquitaine, et força, au nom du roi, ceux qui n’avaient pas adopté
la règle de saint Benoît à la faire aussitôt ; quant à ceux qui la
suivaient déjà, il les invita à l’appliquer d’une façon rigoureuse Quand Louis
succéda à Charlemagne, il fit de Benoît un inspecteur de tous les monastères de
l’Empire. Sous son inspiration, Louis promulgua le capitulaire
d’Aix-le-Chapelle, qui établit les devoirs des abbés et le régime des abbayes.
Non seulement une règle unique doit régir tous les monastères, mais cette règle
doit y être appliquée uniformément, « dans tous les détails ».
Ce règlement, qui comprend quatre-vingts articles,
interprète et précise la règle bénédictine sur de nombreux points qui étaient
laissés jusque-là à la discrétion de l’abbé.
Les monastères grecs
Chez les moines grecs d’Orient, deux événements
importants sont à signaler du VIIIe au XIe siècles : la persécution
iconoclaste et les fondations du mont Athos.
Durant la persécution déchaînée de 716 à 842, les
moines grecs se firent les héroïques défenseurs du culte des images.
Le mont Athos, dont les héritiers subsistent
aujourd’hui, est une presqu’île de Chalcidique, dans la mer Egée, qui mesure
cinquante kilomètres de long sur six de large. Et s’il est établi, à partir du
IXe siècle, une confédération monastique, qui compte vingt établissements.
Chacun d’entre eux forme un ensemble, dont l’élément le plus important est le
grand monastère.
Il y eut des moines grecs d’Occident. En effet,
l’Italie méridionale et la Sicile avaient été occupées du VIe au XIe siècles
par Byzance.
On trouvait aussi des monastères byzantins dans
les évêchés latins.
Le monachisme au Moyen Age récent (Xe-XIVe
siècles)
L’ordre de Cluny
La réforme clunisienne est née de la désolation de
l’Europe au siècle de Fer. Sous Pépin, Charlemagne et Louis le Pieux, le
monachisme avait bénéficié de deux puissants avantages : la concentration
du pouvoir politique et la paix intérieure. Ces deux avantages s’effritèrent avec
l’anarchie carolingienne. En outre, l’appropriation des monastères par les laïcs,
préfigurant la commende, introduisit le relâchement dans la discipline.
A ces maux, qui n’étaient pas catastrophiques,
s’ajoutèrent bientôt les désastres militaires. Les hordes sarrasines, en
Aquitaine et dans la vallée du Rhône, se firent un devoir d’anéantir tous les
monastères qui se trouvaient sur leur passage, et les moines donnèrent leurs
noms à un long martyrologe.
Après les Sarrasins ce sont les Normands. Ces
dévastations continuèrent jusqu’au début du Xe siècle. La paix revint avec le
traité de Saint-Clair, mais il fallait tout reconstruire, recruter et
réinstaurer la discipline.
Il fallait aussi trouver de nouveaux abbés pour
faire renaître la ferveur. Ce fut l’œuvre de Cluny, qui apporta à l’institution
monastique un souffle sans précédent ; deux siècles après son apparition,
le nouvel ordre comptera près de mille deux cents monastères, dont neuf cents
en France.
En 909, Guillaume 1er le Pieux, duc
d’Aquitaine, comte d’Auvergne et de Toulouse et marquis de Gothie, fit dont de
la terre de Cluny, sise dans le comté de Macon, dont il était aussi l’héritier,
à Bernon, abbé de Gigny. Par la suite, le duc Guillaume joignit à ce don les
terres de Mainsac et de Sauxillanges en Auvergne, et de Massay en Berry ;
Ebbes, seigneur de Déols en ce même Berry, abandonna son château ; Aymard,
seigneur de Bourbon et comte d’Autun, offrit le domaine de Souvigny. Sur toutes
ces terres, Bernon édifia des monastères, et mourut dix fois abbé (927). Par
testament, il en divisa l’obédience, laissant le gouvernement de Cluny, Massay
et Déols à Odon.
Odon (927-942) ne se contenta pas d’ajouter à ces
monastères seize autres, par fondation et par réforme ; il rédigea les
constitutions de la nouvelle congrégation, mélange des statuts imposés par
saint Benoît d’Aniane, d’observances propres à ses divers monastères et
d’articles ajoutés de sa propre inspiration. Le nouvel abbé donna un soin tout
spécial au chant liturgique. Le silence était absolu. L’amour des pauvres était
la règle.
Avant de mourir, Odon désigna pour lui succéder
Aymard (942-965). Six ans après son entrée en fonction, il était aveugle ;
mais, abbé à vie, il se refusa à abdiquer. Les capitulaires choisirent le jeune
Mayeul, bibliothécaire de Cluny ; ce fut lui qui administra l’ordre. Quant
Aymard mourut, Mayeul exerça son autorité avec succès pendant près de trente
ans (965-994). Grâce à Otton le Grand, qui l’honora de son amitié, il fit
pénétrer son ordre en Italie. Les Clunisiens relevèrent les abbayes de Lérins,
détruite par les Sarrasins, de Marmoutier, désolée par les Normands ; mais
surtout, ils écartèrent les seigneurs, laïques ou ecclésiastiques, qui
s’étaient emparés des monastères. Partout, celui-ci installa des moines de
Cluny et restaura la discipline.
L’essor de Cluny résulta en grande partie non
seulement de la ferveur de ses abbés, mais de la longueur de leurs abbatiats,
qui leur permettait d’affermir leur autorité et de mener une œuvre de longue
haleine. Saint Mayeul, si nous comptons la période où il fut coadjuteur, exerça
le pouvoir pendant quarante-six ans. Ses successeurs firent mieux : saint
Odilon (994-1049) le garda durant cinquante-cinq ans et saint Hugues
(1049-1109) durant soixante. Ainsi, fait unique dans les annales de l’histoire
monastique, Cluny eut à sa tête, en un espace de cent soixante et un ans, trois
abbés successifs, tous trois pénétrés de leurs devoirs et remplis d’un zèle
ardent pour la réforme religieuse. Ces abbés avaient aussi le don de choisir
des successeurs dignes d’eux dès leur jeunesse.
Quand l’ordre de Cluny fut devenu un empire, avec
des monastères, des domaines, des villages entiers, des églises, des fermes,
des granges, des ateliers répandus sur l’Europe entière, le chapitre général ne
devait pas désigner seulement pour abbé un saint et un bon
administrateur ; il lui fallait aussi poser devant les seigneurs, les
rois, l’empereur, un homme sorti de la haute noblesse et capable ainsi de
déployer un prestige qui lui permettait de défendre les droits de l’ordre. Là
encore la féodalité intervenait. Odilon était le fils d’un puissant seigneur
d’Auvergne. Hugues appartenait à une famille apparentée aux ducs de Bourgogne.
Cette continuité de l’abbatiat avait été la
première cause de la ferveur et de l’influence de Cluny au XIe siècle ; au
XIIe, sa décadence fut en grande partie provoquée par la situation
contraire : il connut successivement douze abbés, dont neuf en
quarante-deux ans (1157-1199). Dans Pons de Melgueil (1109-1122), successeur de
saint Hugues, les capitulaires virent l’importance politique, en oubliant la
sainteté personnelle.
Ce qui devait être un instrument de la réforme et
de la sanctification de son ordre fut pour Pons la cause de sa chute.
Son orgueil lui aliéna l’estime de ses
subordonnés, ses prétentions provoquèrent l’inimitié des grands, sa cupidité,
qui lui faisait confisquer des revenus évêchés, lui valut le désaveu du
Saint-Siège. Calixte II le destitua et demanda aux Clunisiens de procéder à
l’élection d’un nouvel abbé.
Les capitulaires choisirent d’abord un vieillard,
Hugues, abbé de Marcigny, qui mourut au bout de trois mois ; puis Pierre
de Montboissier (1122-1157), qui allait renouer avec la tradition clunisienne,
et devait être appelé, de son vivant, Pierre le Vénérable.
Le gouvernement de Pierre le Vénérable, qui dura
trente-cinq ans, fut pour Cluny une période de redressement. Mais après sa
mort, le désordre s’y introduisit à cause de la fugacité des abbatiats.
Néanmoins, l’abbaye mère continua à vivre avec régularité. Mais dès le XIe
siècle, des ordres réformateurs étaient venus accaparer la ferveur des âmes
avides d’absolu.
Les ordres réformateurs des XIe et XIIe siècles
Différents ordres réformateurs :
-
l’ordre
camaldule, institué en Italie par saint Romuald (né vers 950 à Ravenne) au
début du XIe siècle
-
l’ordre
de Vallombreuse, établi par un disciple de saint Romuald, saint Jean
Gualbert (né vers 995 à Florence), au milieu du XIe
-
l’ordre
de Monte Vergine, fondé par saint Guillaume de Verceil (né vers 1085) dans
la première moitié du XIIe siècle
-
l’ordre
de Pulsano, qui eut pour instituteur saint Jean de Matera (première moitié
du XIIe siècle)
-
l’ordre
des Humiliés, institué par Jean de Méda dans le second XIIe siècle
-
les
Guillelmites établis en Italie par un saint français, Guillaume de
Maleval (XIIe-XIIIe siècles)
-
l’ordre
de Flore, fondé par Joachim (né vers 1133 en Calabre) fin XIIe siècle
-
l’ordre
cartusien, fondé par saint Bruno
-
l’ordre
de Grandmont, initié par saint Etienne de Muret (né à Thiers en 1046)
-
l’ordre
de Fontevrault, établi par le bienheureux Robert d’Arbrissel (né vers 1046)
-
l’ordre
de Savigny, par le bienheureux Vital de Mortain (1050-1122)
-
l’ordre
de Tiron, par Bernard de Tiron (né à Abbeville en 1046)
L’ordre de Cîteaux
L’ordre de Cîteaux n’est pas né, comme on l’a trop
dit, de la décadence de celui de Cluny. Il n’était pas besoin de ce
contre-exemple pour entraîner ces fondateurs à renouveler la vie monastique. Ni
saint Robert, le merveilleux fondateur de Cîteaux, ni ses successeurs immédiats
n’avaient eu l’occasion, semble-t-il, de se choquer des mœurs des
Clunisiens ; leur idéal de perfection n’avait pas à être excité par le
scandale de moines indignes ; et si Robert a abandonné Molesmes (qui
n’était pas clunisienne) pour édifier Cîteaux, ce ne fut pas comme une
réplique, mais parce que, cherchant toujours un lieu plus parfait, il fuyait
tout ce qui n’était pas à sa convenance. Si Cluny n’avait pas existé, Robert
aurait tout de même fondé Cîteaux.
Né en 1017, il entra dès l’age de quinze ans à
l’abbaye de Montier-sur-Celle, dont il fut bientôt prieur, fut élu abbé de
Saint-Michel de Tonnerre, qu’il abandonna parce que les moines étaient rétifs à
une réforme, puis appelé, pour être leur supérieur, par les sept ermites de
Collan, solitude dans une foret de Tonnerre ; avec eux, et de nouvelles
recrues, il édifia en 1075 au bord de la Laigne, grâce à une donation du comte
Simon de Crépy, le monastère de Molesmes, sous la règle de saint Benoît Sa
réputation de sainteté était grande ; du même coup affluèrent les
dons ; les pauvres moines devinrent riches, et se relâchèrent. Robert, ne
parvenant pas à leur faire retrouver leur ferveur primitive, les abandonna pour
vivre avec quatre disciples dans la solitude. Les religieux de Molesmes se
plaignirent à l’évêque de Langres Robert de Bourgogne, qui ordonna aux fugitifs
de réintégrer leur monastère.
A nouveau, l’abbé tenta d’amener ses moines à
l’austérité qu’il pratiquait lui-même. A nouveau, les moines refusèrent.
Il s’instaura ainsi à Molesmes non seulement deux
conceptions de la vie monastique, mais encore deux régimes : tandis que
l’abbé Robert, avec le prieur Aubry, le sous-prieur Etienne et quelques autres
religieux s’astreignaient à des observances très dures, qui ne figuraient pas
dans la règle, le reste de la communauté, n’obéissait qu’à une partie, la plus
commode, de la règle. La tension devint extrême ; l’abbé était
insupportable à ses moines, et les moines se rendirent insupportables à leur
abbé. Cette situation conflictuelle dura jusqu’en 1098. A ce moment, les trois
supérieurs et quatre autres moines, tenant cette fois à recevoir l’autorisation
du Saint-Siège, se rendirent à Lyon, dont l’archevêque Hugues était légat du
pape, lui exprimèrent leur projet, et obtinrent son approbation. Ils
demandèrent alors au duc Eudes de Bourgogne l’octroi d’une terre aride, sise
dans le diocèse de Chalon et la vicomté de Beaune, nommée Cistercium,
c’est-à-dire, en dialecte local, lieu marécageux. Et le 21 mars 1098, en la fête
de saint Benoît, Robert, avec vingt de ses moines, prit possession de ce
domaine monastique. Alors, ces religieux fervents, après tant d’entraves,
réalisèrent pleinement le dessein qu’ils s’étaient fixés.
Cependant, les moines de Molesmes connaissaient de
sérieuses difficultés financières. La nouvelle que leur abbé avait secouée sur
eux la poussière de ses sandales changeait en mépris l’admiration des seigneurs
champenois et bourguignons. Les dons se faisaient rares, et la communauté
installée dans l’aisance, eut peur de retourner à la pauvreté primitive. Le
nouvel abbé, Geoffroy, alla réclamer à Rome. Urbain II, attendri par le chagrin
du plaignant, émit simplement, auprès de son légat, le vœu du retour de l’abbé
Robert à Molesmes. Mais le légat prit le désir du pape pour un ordre, et
enjoignit à Robert de quitter sa nouvelle abbaye pour retourner à la première.
Robert avait trop le sens de l’obéissance monastique, immédiate et sans
contestation ; il retourna à Molesmes.
Robert vécut encore onze ans à Molesmes, dans une
pratique de la règle différente de celle de la communauté, ce qui n’était pas
le signe d’une réussite du légat Hugues. Il s’éteignit en 1110, à l’age de
quatre-vingt-treize ans.
Pendant ce temps, Cîteaux se souciait de ses
institutions. Par une bulle du 19 octobre 1100, Pascal II approuvait la
nouvelle fondation et lui accordait sa protection. Il restait à lui donner ses
statuts. Les moines choisirent la règle de saint Benoît ; il n’y en avait
plus d’autres en Occident, mais elle était interprétée et vécue de manières
fort diverses. Il convenait donc de lui ajouter des précisions obligatoires. Ce
furent les Instituta monachorum cisterciensium de Molismo venientium,
rédigés en 1120 par saint Aubry, deuxième abbé de Cîteaux (1099-1109). Ce
document se contente de ratifier les usages introduits à Cîteaux par saint
Robert, qui consistaient surtout dans l’abandon de tous les adoucissements
apportés à la règle par les moines de Molesmes. C’est à ce moment qu’on note
une innovation originale, celle des convers. Ce ne sont ni des moines,
puisqu’ils ne sont pas astreints à l’office choral et ne prononcent pas de vœux
solennels, ni des séculiers, puisqu’ils sont attachés au monastère et portent
un habit distinctif (brun) avec la barbe. Leur rôle est de se consacrer au
travail manuel pendant que les moines vaquent à l’opus dei et à
l’oraison. Quant à l’habit blanc des
moines, conservé ensuite, il avait été introduit par saint Robert, non pour
faire acte de singularisation, comme les Clunisiens l’en accusèrent, mais par
esprit de pauvreté, cet habit étant tissé de laine brute et naturelle, et qui
d’ailleurs était grège et non vraiment blanche. Enfin, le dernier article des Institutions
décidait de mesures qui semblaient alors antérieures, celles qui concernaient
l’établissement de nouveaux monastères ; chacun devait compter un minimum
de douze moines sous le gouvernement d’un abbé, lui-même soumis à celui de
l’abbaye mère.
Le second législateur de Cîteaux fut le troisième
abbé, saint Etienne Harding (1109-1133), qui rédigea en 1114 la Charte
(primitive) de Charité, laquelle insiste sur l’unité des usages entre
l’abbaye mère et les éventuelles abbayes filles, préservée par l’autorité de
l’abbé de Cîteaux.
Cependant, en ce même début de l’abbatiat
d’Etienne, une autre crise sévissait à Cîteaux ; non de ferveur, mais de
recrutement. Sous Aubry, les effectifs étaient demeurés stationnaires ; à
sa mort, on comptait une trentaine de moines. En 1111-1112, la peste ravagea la
Bourgogne ; dix-huit religieux périrent ; et l’on pouvait craindre
l’extinction de l’ordre naissant. Or, un jour d’avril 1112, un curieux cortège
se présenta à la porte du monastère pour demander l’habit de la pénitence. Il
comprenait le jeune chevalier Bernard de Fontaine, suivi de deux de ses oncles,
quatre de ses frères et vingt-quatre de ses amis. Il y avait là non seulement
la quantité, mais la qualité ; cette jeunesse était la fleur de la
chevalerie bourguignonne, et qui allaient faire des moines d’une fidélité
intrépide.
Dès l’année suivante, les fondations se succèdent.
Etienne donne pour abbé à la première, Clairvaux, Bernard de Fontaine. Quand
l’abbé Etienne abdique, cassé par la vieillesse, en 1133, Cîteaux est à la tête
de treize filiales, qui ont elles-mêmes essaimé dans cinquante et une autre.
L’étonnement d’un certain nombre de moines fut
grand quand, en 1115, Etienne Harding désigna, pour être premier abbé de
Clairvaux, le jeune Bernard de Fontaine. Non seulement il n’était profès que depuis
un an, mais encore, ayant abusé des pénitences pendant son noviciat, il était
maladif. Mais l’abbé Etienne se connaissait en hommes, et il savait que Bernard
était un meneur d’hommes.
De fait, saint Bernard de Clairvaux fut, comme
l’ont déclaré ses contemporains, la merveille de son siècle, et l’un des plus
étonnants génies qu’ait produits le christianisme. Malgré cette faiblesse
organique qui faisait supposer à son entourage et à lui-même qu’il allait
chaque jour mourir, il montra, durant ses trente-huit ans d’abbatiat, une
volonté de fer qui, jointe à une séduction qui résultait à la fois de sa nature
et de sa sainteté, fit plier devant lui les seigneurs et les clercs, les
souverains et les papes ; et cette réussite multiforme le laissait sans
ambition propre et d’une touchante humilité. Fondateur, il fit de Clairvaux une
abbaye grandiose, peuplée de sept cents religieux, pépinière d’hommes éminents,
d’où sortirent un pape, une pléiade de cardinaux, d’évêques, d’abbés,
d’écrivains ; il lui ajouta soixante-huit autres monastères, obtenus soit
par fondation, soit par affiliation. Serviteur de la papauté, Bernard gagna les
évêques d’Italie et les souverains d’Occident, lors du schisme d’Anaclet, au
pontife légitime Innocent II, et remplit avec zèle les missions impossibles que
ce pape et ses successeurs lui confièrent. Défenseur de la foi, il fit condamné
par les conciles Abélard, puis Gilbert de la Porrée, évêque de Poitiers, non
avec raideur, mais avec une sorte de sympathie qui les convertit l’un et l’autre
à la pure doctrine ; prêchant dans le Languedoc, il ramena à l’orthodoxie
des populations entières passées à l’hérésie d’Henri de Lausanne.
Opposé à la
deuxième croisade quand elle était décidée par Louis VII, parce qu’il en
craignait l’échec, il la prêcha avec une telle conviction, quand elle fut
ordonnée par Eugène III, qu’il fit prendre la croix à deux cent mille
chevaliers français et allemands. Son prestige et sa sagesse contraignirent à
la paix Roger II de Sicile et Louis VII de France, jetés dans des guerres
criminelles. Docteur de l’Eglise, il laissa à sa mort une œuvre théologique
abondante et d’une parfaite forme littéraire.
Si l’ordre de Cîteaux n’avait produit que saint
Bernard, il jouirait d’une célébrité incomparable.
Si nous l’examinons du point de vue quantitatif,
l’ordre de Cîteaux a suscité, au cours du Moyen Age, 730 abbayes d’hommes et
plus d’un millier d’abbayes de moniales. Il s’étendit sur toute l’Europe
occidentale.
Les chanoines réguliers
Le concile d’Aix-le-Chapelle de 817, convoqué par
Louis le Pieux, avait codifié la vie monastique sous l’influence de saint Benoît
d’Aniane ; il tint également à donner des règlements à la vie cléricale.
Dans un canon intitulé Canones, il produit un ensemble de textes
patristiques et conciliaires concernant la vie des clercs, empruntés notamment
à saint Augustin, saint Grégoire le Grand, saint Isidore de Séville et saint
Chrodegang. Pour la première fois, on y trouve la distinction entre moines et
chanoines. Les troubles politiques qui suivirent ne permirent pas d’appliquer
ces prescriptions, mais un certain nombre évêques les adoptèrent cependant pour
leurs cathédrales.
Alors commencent à naître, à coté des chapitres,
où les chanoines ont une grande liberté de possession et d’actions, des abbayes
canoniales, où les chanoines se rangent sous des conditions austères, et vivent
sous la férule d’un abbé.
A partir du Xe siècle, on voit apparaître des
congrégations de chanoines réguliers. On compte au XIe siècle, rien qu’en
France, une cinquantaine de maisons de chanoines réguliers. Le mouvement
s’amplifia au XIIe siècle, où de nombreuses abbayes fleurirent en Allemagne, en
Angleterre, en Italie et surtout en France encore.
Mais l’ordre de chanoines réguliers qui éclipsa
tous les autres fut celui de Prémontré. Il fut constitué en 1120 par saint
Norbert de Xanten, natif de cette localité près de Trèves, dont il était devenu
chanoine, au lieudit Prémontré, dans le diocèse de Laon et la foret de Coucy.
Ce nouvel institut de chanoines, qui portait l’habit blanc et suivait la règle
de saint Augustin, fut aussitôt approuvé par les légats de Calixte II. En 1126,
il comptait déjà huit cents religieux, et reçut une bulle de confirmation de la
part d’Honorius II. La même année, Norbert fut nommé archevêque de Magdebourg,
et mourut en 1134. Dès 1150, on dénombrait cent abbayes de son ordre. Au XIVe
siècle, l’ordre atteindra le chiffre fastueux de mille maisons.
Les ordres hospitaliers et militaires
Les ordres hospitaliers ont été fondés à partir du
XIIe siècle. Le premier est sans doute celui de Saint-Jean de Jérusalem.
Les pèlerins qui se rendaient à Jérusalem connaissaient deux détresses :
l’une, l’épuisement de la fatigue et de la maladie ; l’autre, les mauvais
traitements de la part des Turcs. Vers 1110, quelques habitants chrétiens,
moines et séculiers, bâtirent auprès de l’Eglise Sainte-Marie la Latine un
hospice, à la fois hôtellerie et hôpital, avec une chapelle. Godefroy de
Bouillon et plusieurs grands seigneurs français leur accordèrent des revenus
importants de domaines situés en Europe. Les infirmiers se formèrent en
communauté. Gérard de Martigné, en fut le premier supérieur, et mourut en 1118.
Les hospitaliers choisirent pour lui succéder Raymond du Puy, qui rédigea une
règle et soumit ses frères à des vœux solennels. Ce nouvel institut fut
approuvé par Calixte II en 1120, et comme certains passages de sa règle étaient
tirés de celle de saint Augustin, l’ordre de Saint-Jean fut rangé parmi les
chanoines réguliers de saint Augustin. En outre, l’ordre hospitalier devint en même
temps ordre militaire, les infirmiers devant protéger leurs hotes contre les
attaques des infidèles. Après la chute de la Terre sainte, les Hospitaliers se
transportèrent à Chypre.
D’autres ordres encore :
-
l’ordre
de Saint-Lazare
-
l’ordre
de la Sainte-Croix
-
l’ordre
de Notre-Dame de la Merci
-
les
Frères hospitaliers de saint Antoine
-
l’ordre
d’Aubrac
-
l’ordre
des Frères du Saint-Esprit
L’ordre du Temple. Le projet de cette
association était du à Hugues de Payns, chevalier apparenté aux comtes de
Champagne. Huit compagnons se joignirent à lui. Pour former une milice
véritablement chrétienne, ils prirent l’habit des chanoines réguliers, émirent
des vœux devant le patriarche de Jérusalem : ceux de pauvreté, de chasteté
et d’obéissance, et de combattre jusqu’à la mort pour le Christ. Le roi
Baudouin II les installa provisoirement dans une aile de son palais, près du
Temple. Ce fut ce voisinage qui leur fit attribuer par Honorius II, quand il
érigea canoniquement leur ordre, le nom de Frères de la milice du Temple, ou
Templiers. Soucieux être approuvés par le Saint-Siège, et sur le conseil du
patriarche, ils se rendirent à Rome. Le pape les renvoya à saint Bernard, et
chargea son légat, le cardinal Mathieu d’Albano, d’indiquer à Troyes un concile.
Celui-ci se réunit le 14 janvier 1128, approuva l’institution, mais demanda à
saint Bernard de rédiger une règle plus rigoureusement canonique. L’ordre se
développa en Terre sainte et en Europe, fournissant aux princes croisés des
combattants intrépides contre les musulmans. Repliés sur Chypre après la chute
de la Terre sainte, ils furent supprimés par un complot ourdi par Philippe le
Bel et Clément V.
Et encore :
-
quatre
ordres militaires participèrent à la Reconquista : l’ordre
d’Aviz, l’ordre d’Alcantara, l’ordre de Calatrava, l’ordre
Saint-Jacques de l’Epée.
-
l’ordre
teutonique
Les ordres mendiants
La grande nouveauté du XIIIe siècle fut la
fondation des ordres mendiants. Les ordres mendiants ont ceci de spécifique,
par rapport aux ordres monastiques et canoniaux, qu’ils ne possèdent pas de
propriétés ni de revenus, pratiquant la pauvreté sur le modèle du Christ et des
Apôtres ; au lieu de travailler de leurs mains, ils prêchent la parole de
Dieu, attendant leur nourriture de la charité des fidèles auxquels ils
prodiguent le pain de la doctrine le pain de la doctrine, ainsi que les
sacrements. Présents auprès du peuple, ils n’habitent plus à l’écart dans des
monastères, mais dans des couvents, dont ils sortent fréquemment pour accomplir
leur ministère.
Le type même de cette conception religieuse est l’ordre
des Frères Mineurs, ou Franciscains, du nom de leur fondateur,
François (1182-1226), fils d’un marchand de drap d’Assise, Pierre di Bernadone.
D’abord roi de la jeunesse dorée, il éprouva bientôt un immense désir de servir
Dieu. A Saint-Damien, à un kilomètre en aval de la ville, il entendit cette
parole tombée du crucifix : « Va, François, répare ma maison qui
s’écroule ». Il s’improvisa donc maçon, restaurant les églises lézardées
ou abandonnées, et vendant le drap de la boutique paternelle pour acheter les
matériaux. Enfermé au cachot par son père, délivré par sa mère, il revêtit
l’habit d’ermite et entreprit avec ferveur de restaurer l’église Saint-Damien,
mendiant sa nourriture et l’argent de la maçonnerie. Le 24 février 1209, en la fête
de l’apôtre saint Mathieu, il entendit le prêtre prononcer les paroles du
Christ à ses disciples : « Allez, prêchez en disant que le Royaume
des Cieux est proche… N’ayez dans votre ceinture ni or, ni argent, ni monnaie,
ni besace… » Transporté d’enthousiasme, il saisit ces paroles comme le
programme qu’il devait désormais observer.
A partir de ce jour, il mena une vie de
prédicateur vagabond, annonçant la pénitence et la paix. A l’automne, il avait
recruté onze compagnons avec lesquels il se mit en route vers Rome, et obtint
une audience du grand pape Innocent III ; celui-ci, après avoir écouté
François et pris connaissance de sa règle, donna son approbation et la mission
de prêcher. Les douze frères furent officiellement tonsurés, marque de leur
reconnaissance au service de l’Eglise.
En 1215, au concile œcuménique du Latran convoqué
par Innocent III pour remédier aux maux de l’Eglise, il fut décidé de donner un
coup d’arrêt à la prolifération des règles religieuses ; désormais, tout
nouvel institut religieux devrait adopter une règle existante antérieurement.
La règle des Frères Mineurs avait été approuvée en 1209 ; ils eurent
l’autorisation de la garder ; il n’en fut pas de même pour le deuxième
ordre franciscain, celui des Pauvres Dames ou Clarisse, établi en 1212, et
reconnu officiellement en 1215 ; mais il n’avait encore adopté aucune
règle. Pour se soumettre au concile de Latran, elles durent, malgré leur
originalité, adopter en 1218 la règle de saint Benoît Mais en 1247, Innocent
IV, considérant que le second ordre était issu du premier et sous son
obédience, accorda aux Pauvres Dames une règle propre qui, remaniée plusieurs
fois, aboutit à la règle définitive de sainte Claire, quelques jours avant la
mort de la cofondatrice (1253).
L’ordre franciscain, dès son approbation, connut
une croissance rapide. Pour rationaliser son administration, François, au fur
et à mesure de son extension géographique, le divisa en provinces. A sa mort en
1226, on dénombrait douze provinces, dont six en Italie, deux en France et une
en Orient. En 1316, la France comptera cinq provinces, trente-huit custodies et
deux cent quarante-sept couvents.
D’abord formé de pauvres frères sans lettres,
l’ordre franciscain reçut bientôt dans son sein des hommes de science et
d’intelligence. Dès le XIIIe siècle, brillent parmi les frères deux docteurs de
l’Eglise, saint Antoine de Padoue et saint Bonaventure. En même temps, pour
résoudre le problème de l’épiscopat, envahi par des clercs sans vocation, les
papes puisent dans cet immense vivier où ils trouvent des religieux pauvres,
mortifiés, pleins de foi et d’énergie. En 1312, cent quatre-vingt-quatorze
frères mineurs avaient été promus à l’épiscopat et huit au cardinalat. La
prédication fut un art franciscain ; son siècle d’or fut le XIVe siècle.
L’ordre des Frères Prêcheurs fut fondé par
saint Dominique de Guzman en même temps que saint François fondait le sien. Né
en 1170 à Caleruega en Vieille Castille, il fut d’abord chanoine de la
cathédrale d’Osma. En 1203, son évêque fut envoyé en ambassade par Alphonse IX
de Castille au roi de Danemark Valdemar II ; il emmena avec lui le
chanoine Dominique, qui constata que, au nord de l’Allemagne, vivait encore une
tribu barbare scandinave encore païenne. Il alla trouver à Rome Innocent III
pour lui demander de les évangéliser ; ce qui lui fut refusé. Au retour,
passant avec son évêque par le Languedoc, il s’arrêta à Toulouse, et y
rencontra les légats pontificaux, qui le mirent au courant de l’hérésie cathare
et des drames qui en avaient découlé. Toux deux, évêque et le chanoine,
parcoururent donc la région, et provoquèrent des discussions théologiques avec
les chefs albigeois. L’évêque dut bientôt retourner dans son diocèse ;
Dominique préférait continuer sa prédication ; évêque lui en donna
l’autorisation. Il s’installa à Fanjeaux, non loin de Carcassonne, qui était un
foyer de l’hérésie.
Or, en 1206, neuf dames de la haute société
albigeoise vinrent à lui pour lui apprendre que ses prédications les avaient
convaincues, et qu’elles voulaient se convertir. Cette conversion alla si loin
qu’elles firent entre ses mains les vœux de religion. L’évêque de Toulouse leur
accorda l’église Notre-Dame de Prouille, non loin de Fanjeaux, Dominique leur
donna des constitutions : il venait de fonder le second ordre dominicain
qui, contrairement au second ordre franciscain, était chronologiquement le
premier.
En 1215, Dominique, qui continuait ses
prédications, s’était acquis sept compagnons. Apprenant la réunion du 4e
concile de Latran, Dominique se rendit à Rome. Cependant, comme le prédicateur
acceptait de prendre pour son nouvel ordre la règle de saint Augustin, Honorius
III, par une bulle du 22 décembre 1216, donna son approbation. En 1218, le pape
lui donnait à Rome l’église Saint-Sixte. En 1219, il établissait à Paris le
couvent Saint-Jacques.
A la mort de saint Dominique, l’ordre des Frères Prêcheurs
était encore peu développé. Il se mit alors à croître rapidement. A la fin du
siècle, il comptait cinq cents couvents et dix mille religieux. Contrairement
aux mineurs qui, du moins dans leur projet initial, étaient voués à la
prédication populaire, les prêcheurs, porteurs de la vérité doctrinale, se
donnèrent pour mission l’apostolat intellectuel. Aussi eurent-ils bientôt des maîtres
éminents dans l’université : saint Albert le Grand et son disciple, saint
Thomas d’Aquin.
D’autres ordres mendiants :
-
l’ordre
du Carmel
-
l’ordre
des Ermites de saint Augustin