14 mars 1369: la bataille de Montiel
Le 14 mars 1369, sous les
remparts du château de l’Etoile, Bertrand Du Guesclin prépare minutieusement
ses troupes. Les forces ennemies de Pierre le Cruel sont nettement supérieures
en nombre mais manquent d’unité.
Du Guesclin a promis de ne
faire aucun quartier. Le choc est sanglant. Les troupes du roi de Castille sont
massacrées. La victoire du camps français allié à Henri de Transtamare (Henri
II de Castille) est la plus meurtrière de la carrière du chef de guerre breton
selon Georges Minois.
Pierre
le Cruel tente de soudoyer du Guesclin qui semble accueillir favorablement sa
proposition mais qui en réalité avertit Henri. Mis en présence l'un de l'autre,
les deux demi-frères engagent un combat au corps-à-corps. Pierre le Cruel
semble l'emporter jusqu'à l'intervention de du Guesclin qui permet la victoire
d'Henri et l'exécution de Pierre Ier
de la propre main de ce dernier.
Quelques années après
l’évènement, vers 1375-1380, les Grandes chroniques de France de Charles V
relatent « la desconfiture de la bataille du roy pierre d'espaigne et
comment il mourut ».
Jean Froissart, dans ses Chroniques, évoque
la bataille de Montiel, à laquelle il consacre quelques pages, sous le
titre : « cy parle de la bataille qui fut empres mentueil en espaigne
entre les deux roys henry et dampietre », et plus loin il évoque la mise à
mort du roi de Castille : « comment le roy dam pietre fut pris et mis
à mort et le roy henri demoura roy de castelle et la fourme d'aucunes lettres
touchans le roy de france et le roy d'angleterre et le conseil que les prelas
donnerent au roy charles de faire guerre… ».
La bataille de Montiel met fin
à la première guerre civile de Castille, un des nombreux conflits de la guerre
dite de Cent Ans. Car celle-ci est bien plus qu’un simple conflit
franco-anglais. Le monde médiéval est en rupture. Toute l’Europe voit s’opposer
réformateurs et conservateurs. La guerre de Castille, opposant deux prétendants
au trône, dépasse la simple guerre de succession.
D’un côté, Pierre 1er,
fils et héritier d’Alphonse XI de Castille, roi en 1350, choisit de gouverner
avec l’appui du peuple. Il devient Pierre le Justicier. Son comportement autoritaire
et expéditif à l’égard de la haute noblesse castillane provoque la rébellion de
celle-ci. Les bâtards royaux et le roi d’Aragon Pierre IV organisent une
conspiration. Pierre 1er déclare la guerre à l’Aragon. Entre 1356
et 1360, il fait assassiner ses ennemis : Jean de la Cerda, Fadrique
de Castille, Joan d'Aragon - demi-frère de Pierre le Cérémonieux -, sa tante Éléonore de Castille,
mère du précédent et veuve d'Alphonse IV d'Aragon, etc. En 1360, il fait assassiner deux de ses demi-frères.
Pierre devient « le Cruel ».
De l’autre, Henri de
Trastamare, fils illégitime du roi Alphonse et de Leonor de Guzmán, sa maîtresse attitrée et descendante du
roi Alphonse IX de León.
La mort du roi a entrainé la disgrâce de sa maîtresse. La dure guerre
menée par Pierre le Cruel contre le royaume d'Aragon et le ressentiment
né de ses exactions affaiblissent considérablement le parti légitimiste et
permettent à Henri de Trastamare d'envisager une conquête du royaume de
Castille. Il engage son
armée au côté de Pierre IV le Cérémonieux, roi d’Aragon.
En 1361, maltraitée dès les
débuts de son mariage avec Pierre le Cruel, Blanche de Bourbon meurt,
vraisemblablement assassinée sur ordre de son époux. Blanche de Bourbon est la
belle-sœur du dauphin Charles. Pierre s’attire l’inimitié de la France. Henri de
Trastamare à, lui, en revanche le soutien de la famille royale française pour
avoir lutté au côté des Valois en Languedoc.
Au-delà des considérations
familiales, Charles V veut éviter que l’Anglais dispose d’un allié au sud du
royaume. D’autre part, le roi de France veut se débarrasser des compagnies de
routiers qui bloquent le commerce. Le pape, en Avignon, menacé également par les
compagnies, accepte le projet de croisade des Français contre le royaume de
Grenade (pour accéder au soi-disant but de la croisade, il faut passer par la Castille !).
Charles confie à Du Guesclin la charge de prendre la tête des Grandes
Compagnies et des Tards-Venus. Le pape Urbain V rechigne à financer l’expédition,
mais il est contraint par les troupes du chef breton qui campent devant Avignon.
Au
printemps 1366, Henri et du Guesclin envahissent la Castille par La
Rioja. L'armée franco-aragono-castillane contrôle rapidement l'essentiel du
royaume à l'exception de la Galice, de Séville et de quelques
autres places. Henri de Trastamare, devenu désormais roi de Castille
sous le nom de Henri II de Castille, reçoit l'appui du royaume de
France, son frère, Pierre le Cruel se tourne naturellement vers les
ennemis de ce royaume, en les personnes du Prince Noir et du roi de Navarre Charles
le Mauvais.
Le
3 avril 1367, Henri II de Castille lui barre la route à Nájera
et livre combat aux archers anglais contre l’avis de Bertrand du Guesclin.
L'armée d'Henri connaît une sévère défaite ; du Guesclin est fait
prisonnier, Henri II de Castille doit de nouveau s'enfuir en France et son
frère Pierre le Cruel reprend le pouvoir. Le Prince Noir prend ses
quartiers à Burgos et attend sa récompense. Ses troupes, peu habituées au
climat rigoureux de la région, souffrent du froid, de la malaria et de
dysenterie. Las d'attendre, le Prince Noir finit par retourner en Guyenne.
Henri
profite de la situation pour reformer une armée outre-Pyrénées accompagné
de Du Guesclin. Les deux camps se rencontrent à Montiel. La défaite de Pierre
le Cruel assure à Henri la couronne de Castille. Bertrand Du Guesclin est fait connétable
de France par Charles V.
Miniature La Bataille de Montiel, 1369,
"Chroniques", Jean Froissart - Domaine public
Décapitation de Pierre 1er par Henri II, Manuscrit du XVème siècle (Grandes Chroniques de France: Bibliothèque nationale de France) - Domaine public
Présentation et modification des images ©Laurent Sailly - Méchant Réac !®
Décapitation de Pierre 1er par Henri II, Manuscrit du XVème siècle (Grandes Chroniques de France: Bibliothèque nationale de France) - Domaine public
Présentation et modification des images ©Laurent Sailly - Méchant Réac !®