La transmission du savoir au XIIème siècle
Progrès également en ce qui concerne la
transmission du savoir et la formation des maîtres. Autour de l’écolâtre (scolasticus)
du chapitre cathédral ou collégial, les clercs de la cité se réunissaient pour
recevoir un enseignement consistant dans les arts libéraux : arts
littéraires du trivium (grammaire, rhétorique, dialectique),
c’est-à-dire les techniques de la composition, de la rédaction et du
raisonnement oratoire ; arts scientifiques du quadrivium (arithmétique,
géométrie, musique, astronomie), c’est-à-dire les branches de la science des
nombres (la musique étant évidemment considérée sous l’aspect mathématique des
proportions harmoniques et de l’acoustique). Les « leçons » des maîtres
écolâtres consistaient essentiellement en commentaires littéraux d’auteurs
latins, classiques ou chrétiens. C’est ainsi que naquirent certains foyers
d’enseignement, ou studia, spécialisés dans certains domaines de la
connaissance. Une animation intellectuelle de haute qualité y est entretenue.
Stimulée par des controverses et des discussions continuelles, elle va
favoriser un enrichissement des connaissances et un perfectionnement des
techniques du savoir.
Ce qui frappe chez tous les écrivains de cette
première moitié du XIIème siècle, qu’ils traitent d’histoire, de théologie, de
théorie politique, voire de poésie, c’est une familiarité de plus en plus
étroite avec les auteurs classiques. En bref, le commerce de plus en plus
intime avec les grands auteurs de l’Antiquité leur confère une vision du monde
beaucoup plus riche et plus nuancée, une manière de penser plus souple et plus
subtile.
Progrès de l’art de raisonner
Prêtés, c’est définir, classer, observer, et l’on mesure
la place que prend dans cette perspective la dialectique, art du raisonnement.
Dès la fin du XIème siècle, la dialectique est considérée comme une discipline
essentielle à la formation du clerc.
Cette promotion de la raison caractérise la pensée
du XIIème siècle. Car cet essor de la culture s’accompagne, comme l’humanisme,
d’une quête fiévreuse d’œuvres antiques. Et surtout la pensée d’Aristote,
tronquée certes et corrompue, se révèle à eux.
Tandis que l’instrument du raisonnement se
perfectionne, que le matériel intellectuel disponible s’étoffe, voici que les
méthodes d’enseignement se transforment. La « leçon », simple lecture
expliquée du texte antique, s’élargit. Elle s’accompagne de
« gloses ». L’Ecriture et les Pères de l’Eglise sont soumis à cet
examen méthodique au cours d’un cycle d’études supérieures. Attitude qui ne va
pas sans risques, comme le montre l’exemple d’Abélard, logicien et dialecticien
brillant, penseur audacieux, professeur populaire, dont l’enseignement consacra
définitivement la fortune des écoles de Paris. En butte à l’hostilité déclarée
de saint Bernard, finalement condamné par le concile de Sens (1140), Abélard
n’en a pas moins assuré les bases d’un système de pensée logique : la
scolastique.