La situation du roi de France au temps des premiers Capétiens

En 987, évinçant Charles de Lorraine, prétendant carolingien, les grands du royaume, réunis à Senlis, choisirent pour souverain Hugues Capet, duc de France, descendant de Robert le Fort. Mais cette élection n’a pas semblé aux contemporains de si grande conséquence.

Dans le Xème siècle, deux ancêtres de Hugues avaient ceint la couronne. Le nouveau roi se sentait donc, aussi bien que son concurrent, de race royale. La magistrature royale n’était pas affectée.

L’égal de l’empereur

Le corps de la chrétienté latine apparut désormais partagé entre deux dominations suprêmes, qui prolongeaient l’une et l’autre l’Etat de Charlemagne, l’Empire teutonique à l’est, le Royaume à l’ouest. Le souverain du Royaume de l’ouest se sentait, au même titre que l’empereur, chargé par Dieu de guider vers le salut l’ensemble du peuple chrétien.

Les premiers capétiens

On insiste généralement sur la faiblesse des quatre premiers Capétiens et l’on montre que l’autorité monarchique devint entre leurs mains dérisoires. L’opinion n’est pas fausse : les conquêtes de la féodalité, qui fut fractionnement et dissolution de la puissance, se sont opérées aux dépens du pouvoir royale. Mais pour autant la société féodale n’a jamais pu se passer d’un roi et les quatre premiers Capétiens jouirent d’un prestige et d’un pouvoir de fait sans commune mesure avec ceux que détenaient les princes les plus puissants de leur royaume.

Le roi sacré

Telle est bien, fondée sur les rites de la consécration monarchique, affermie au moment même où s’accélère la décomposition féodale, mais échappant à sa corrosion, car elle ne se situe point dans le matériel, la plus profonde, la plus solide assise du prestige capétien et, dans le royaume, de la supériorité du souverain sur tous les autres princes.

Hérédité de la couronne

Hugues, suivant l’exemple du Carolingien Louis V, et tous ses successeurs jusqu’à Philippe Auguste associèrent, de leur vivant, l’aîné de leur fils. Ainsi, sans cesser d’être élective, la couronne de France se transmit héréditairement par règle de primogéniture dans la famille capétienne.

Par ce fait même, la dignité royale et la masse des biens dont Hugues Capet avait hérité de ses ancêtres, les ducs de France, se trouvèrent régies par les mêmes règles successorales ; la couronne parut bientôt inséparable de la terre héréditaire, ce qui fit du patrimoine privé des Capétiens le « domaine royal ». De la sorte, le roi de France se trouva doté d’une vaste seigneurie, dont il était le seul maître, admirablement située au cœur de son royaume.

Le domaine royal

Comme tout héritage, le domaine royal se trouvait constitué par un ensemble confus et mouvant de droits et de possessions foncières. On le discerne groupé autour d’Orléans, d’Etampes, de Paris, sur le cours moyen de la Seine, dans la vallée de l’Oise.

Il est coutume de juger cette fortune modeste ; mais on a tort de comparer l’espace géographique où elle se trouvait rassemblée à l’étendue de tel duché ou de tel comté ; car le duc de Bourgogne ou le comte de Toulouse n’étaient pas plus maîtres de l’ensemble de leur principauté que le roi ne l’était de l’ensemble du royaume ; ils n’y possédaient, eux aussi qu’un domaine, lequel était beaucoup plus restreint que celui du souverain.

De plus, les Capétiens se gardèrent bien d’amputer le domaine pour acheter des fidélités incertaines, et s’efforcèrent, au contraire, de l’arrondir.

Un pouvoir domestique

En se repliant sur leur fortune privée, sur la famille, sur les amis proches, sur la « maison », et en abandonnant la vanité d’une gloire illusoire, les Capétiens saisissaient véritablement les leviers d’un futur essor. C’était, sans rien sacrifier des prééminences et des dons miraculeux que conférait le sacre, s’établir solidement parmi les autres princes, au premier rang.