La naissance des principautés (840-980)
Le royaume de Provence fut fondé par Boson, membre d’une famille comtale. Sa sœur avait été d’abord la concubine, puis l’épouse de Charles le Chauve. Boson était ainsi devenu l’homme de confiance de son beau-frère. Non seulement il se vit attribuer de hautes charges à la cour, mais le roi l’investit du gouvernement de la Provence, puis de l’Italie. Très vite après la mort de Charles le Chauve, Boson osa aspirer à la royauté. En 879, une assemblée de grands et d’évêques de la Provence le proclama roi. Après sa mort (887), son fils Louis se fit élire roi de Provence (890). Au même moment, le comte Rodolphe, de la puissante famille des Welf, se fit proclamer roi de « Bourgogne » (888).
La fondation de ces royaumes ne constitue pas l’aspect le plus frappant de l’évolution qui s’effectue aux IXème et Xème siècles : le pays se brise en grandes principautés, qui vont subsister à travers tout le Moyen Age. L’organisation administrative carolingienne, c’est-à-dire la répartition des territoires en comtés, ne masquait qu faiblement la survivance d’ensembles plus anciens. Par ailleurs, les Carolingiens avaient été amenés, pour des motifs de défense, à créer eux-mêmes de grands commandements, les marches, les duchés. Si le sens du terme « marche » est clair, il l’est moins en ce qui concerne le sens de « duché ». Il désigne toujours un grand commandement, mais il peut s’agir soit d’un comté exceptionnellement vaste, soit d’un ensemble de comtés réunis en une seule main.
Dans les années qui suivent la mort de Charles le Chauve, quelques très grands personnages qui administrent, en principe au nom du roi, cessent de rendre des comptes au roi, de lui transmettre le montant des amendes et des confiscations, de donner suite à sa convocation à l’armée et à la Cour. Bref, ils cessent être des fonctionnaires royaux pour devenir des princes. Les vassaux du roi établis dan ce territoire deviennent des vassaux du prince. Les rois ne peuvent guère s’y opposer.
De nouveaux envahisseurs
A ce moment, le sud et l’est de la Gaule sont parcourus par de nouveaux pillards : les Sarrasins et les Hongrois. Il ne s’agit pas tellement des musulmans d’Espagne, mais de ceux d’Afrique du Nord.
Les
Magyars, eux arrivent en 917 aux portes de Metz ; en 926, on les trouve en
Champagne. Nouvelle invasion en 937…
Les
rois luttent courageusement. Mais ils ne peuvent faire front partout, et les
populations, ne voyant pas arriver l’armée royale, prennent l’habitude de se
tourner vers les grands de la région. Elles les regardent de plus en plus comme
leurs protecteurs et leur donnent leur allégeance.
L’autorité
effective passe dans les mains du pouvoir effectif. Le roi ne tente plus
d’intervenir directement à l’intérieur d’une principauté ; en échange, le
prince lui fait hommage et reconnaît tenir de lui son autorité. La résistance à
la fondation de la principauté vint non du souverain, mais des familles
rivales.
L’Aquitaine
L’Aquitaine
carolingienne, vaste région qui s’étend du Rhône à l’Atlantique, constitue un
ensemble assez cohérent, plus fortement romanisé que la région septentrionale.
Duché national au VIIIème siècle, vice-royauté sous Charlemagne, royaume
insurgé sous Charles le Chauve, elle englobe, à l’est, les marches d’Espagne,
de Gotie et de Septimanie, du Toulousain surtout, axée sur le comté de Toulouse
et, au centre et à l’ouest, les comtés d’Auvergne et de Poitiers. Bordeaux et
son vaste comté-duché relèvent de la Gascogne, dont l’évolution est distincte
de celle de l’Aquitaine. La formation du duché d’Aquitaine fut longue. Entamée
par la maison de Gotie – donc à l’est – en 879, elle ne se termina que vers 955
au bénéfice de la maison de Poitiers, c’est-à-dire à l’ouest. On peut tenir
alors pour fondé le duché d’Aquitaine tel qu’on le connaîtra désormais et qui,
complété par les conquêtes des ducs des Xème et XIème siècles, comprend le
Poitou et le Limousin, l’Angoumois et le Périgord, la Marche, l’Auvergne, le
Gévaudan, le Berry, la Saintonge. Les différentes parties composantes de
l’Aquitaine orientale, Toulousain, Gotie, Rouergue, marche d’Espagne,
changèrent plusieurs fois de main, mais une nouvelle puissance commença à se
constituer autour du Toulousain. Cette puissance parut un instant pouvoir
briguer la dignité ducale. Elle s’imposa en Gotie, en Rouergue, en Albigeois et
en Quercy dans ce qui forma, au milieu du XIème siècle, le puissant comté de Toulouse.
Ce
qui se passe en Bourgogne
Le
frère de Boson, Richard le Justicier, fut le fondateur du duché de Bourgogne. Maître
lui-meme de l’Autunois qu’il avait reçu du roi, il s’empara de force du Sénonais
et de l’Auxerrois. Par ailleurs, il avait amené les autres comtes de la
Bourgogne franque à se reconnaître ses vassaux. Tout cela se fit rapidement,
entre 880 et 890, à l’époque où la monarchie, tenue par Eudes, luttaient contre
Charles le Simple, était bien incapable d’intervenir. Le fils de Richard, Raoul,
intégra au duché le seul comté bourguignon qui ne lui appartint pas encore,
Macon. Ce Raoul devint d’ailleurs roi de France après l’éviction de Charles le
Simple. Mais son frère Hugues, qui lui succéda, perdit les comtés les uns après
les autres ; à sa mort, en 952, le duché de Bourgogne cessa d’exister et
passa sous l’autorité des Robertiens. Ceux-ci, toutefois, fondèrent plus tard
une nouvelle dynastie et une nouvelle principauté, le duché capétien de
Bourgogne, qui traversa les siècles.
Au
nord de la Loire
La
région comprise entre la Loire et la foret Charbonnière (c’est-à-dire
pratiquement l’Escaut) constitue le pays franc par excellence. C’est là que les
souverains étaient les plus riches en domaines, qu’ils résidaient le plus
souvent. Cela explique que le phénomène de constitution de principautés ait été
là moins aisé. Les évêques mirent, en bien des endroits, la main sur les
pouvoirs comtaux, ainsi à Reims, à Laon, à Chalon, par exemple. Les évêques
étaient, en principe, désigné par le roi ; s’ils devenaient, en fait, des
comtes, se réait ainsi, indirectement, une réserve de puissance pour le
souverain. Quant aux abbayes, beaucoup étaient extrêmement riches, et grâce à
la concession de l’immunité par le roi à l’abbé, ce dernier devenait pratiquement
comme un comte dans ses domaines. En Bourgogne, en Aquitaine, les abbayes
étaient tombées, en général, sous l’autorité du prince. Au nord de la Loire, le
roi put très souvent les soustraire aux usurpations des grands, les garder en
sa main. Ces éléments ecclésiastiques du pouvoir royal, joints aux vastes
domaines que le souverain conserva dans cette région plus longtemps
qu’ailleurs, fournirent à la royauté de quoi retarder la constitution de
grandes principautés entre Loire et Flandre.
Cela
ne veut pas dire que cette dernière ait eu alors grande chance de
survivre : l’impulsion donnée aux grands sous Charles le Chauve était
irréversible, et leur pression demeurait constante. Survint à ce moment
l’accident dynastique : la déposition et la mort de Charles le Gros, alors
que l’héritier légitime carolingien, Charles le Simple, était un garçonnet
parfaitement incapable de saisir le gouvernail de l’Etat et que déferlait sur
la Gaule la plus formidable de toutes les invasions normandes, celle qui débute
en 879 et ne prend fin qu’en 892.
L’effet
de cet accident fut double. D’une part, la race carolingienne fut
provisoirement écartée du trône ; les grands se disputèrent la
couronne ; ce fut Eudes, on le sait, qui l’emporta. Seconde
conséquence : lorsque Charles le Simple eut atteint l’age d’homme, il se
refusa naturellement à reconnaître l’usurpation de Eudes et prit les armes pour
faire valoir ses droits. Les comtes de la région d’entre Loire et Charbonnière
furent trop heureux de voir renaître les querelles pour la couronne, querelles
qui leur fournissaient toutes occasions de vendre au plus offrant leur
« loyalisme » et leur « fidélité ». Les seigneurs de
Lotharingie, qui habitaient de l’autre coté de la foret Charbonnière, suivait
tout cela avec intérêt : soumis provisoirement au roi d’Allemagne, mais
peu soucieux de le demeurer, ils étudiaient l’évolution du pouvoir en France
pour intervenir dans la lutte, se rallier à l’un ou l’autre parti, se faire
ainsi des alliés contre le souverain allemands et se libérer de ce dernier,
sans d’ailleurs se donner en la personne du roi de France un maître énergique.
Le roi d’Allemagne, bien sur, observait tout cela et donnait lui aussi, à
l’occasion, un coup de pouce dans le sens qui lui paraissait correspondre à ses
intérêts.
Dans
un tel trouble, le marquisat de Flandre naquit le premier à l’occasion des
luttes entres Eudes et Charles le Simple. Son chef Baudouin manoeuvra
habilement entre les adversaires, mit la main sur une foule de petits comtés,
et fit reconnaître son autorité tant par Eudes que par Charles.
Le
duché de France
Apparut
ensuite le marquisat de Neustrie, point de départ du duché de France. Le roi
Eudes avait passé les dernières années à combattre le jeune Charles le
Simple ; bien qu’il eut en son frère Robert un héritier possible et très
valable, il désigna Charles comme son successeur, mettant fin par cet acte
d’homme d’Etat aux luttes entre Carolingiens et Robertiens.
Robert,
frère d’Eudes, pouvait s’estimer lésé. Dans le contexte du temps, deux voies
s’ouvraient devant Charles : faire assassiner Robert ou l’indemniser
royalement. C’est cette dernière voie que choisit le Carolingien : il
concéda à Robert l’autorité princière entre Seine et Loire, jusqu’à la
Bourgogne vers l’est, jusqu’à l’Océan vers l’ouest. Les comtes de la région
devinrent ses vassaux. Ainsi toute une province échappa à l’influence royale
directe.
Cette
concession royale détermina le vrai départ des Robertiens.
Enfin
se forma la Normandie. Les invasions normandes, si terribles au IXème siècle,
devenaient progressivement moins redoutables. Il semble que progressivement,
les Normands se soient fixés dans une région déterminée. Charles le Simple
reconnut le fait : par le traité de Saint-Clair-sur-Epte, en 911. Cette
« Normandie », assez rapidement, évolua dans le sens d’une
principauté comme les autres, avec cependant une particularité : franque
du point de vue des institutions, elle comportait de nombreux éléments
scandinaves, en particuliers dans les domaines ethnique et linguistique.
La
ruine définitive de la royauté vint cependant d’ailleurs : il s’agit de
l’entreprise d’un individu particulièrement mal vu des historiens, et sans
doute avec raison, Herbert, fondateur de la principauté de Vermandois, et, on
le verra, geôlier de Charles le Simple jusqu’à la mort de ce dernier.
Charles
le Simple et Raoul de Bourgogne
Ayant
accédé au trône de ses ancêtres, Charles le Simple crut vraiment un instant
qu’il disposait, comme ceux-ci, d’une autorité étendue et reconnue de tous. Il
ne lui fallut sans doute pas très longtemps pour se rendre compte qu’en réalité
son autorité était à peu près nulle dans la plus grande partie du royaume.
Charles le Simple avait comme ami et conseiller un certain Haganon. Il n’est
pas inconcevable qu’il ait engagé Charles à affirmer son autorité sur les
princes. On exigea alors le renvoi du favori. Charles tint bon, mais en 922
éclata un soulèvement général des grands, dirigé par Robert. Ce dernier fut
proclamé roi par les insurgés (30 juin 922). Une bataille décisive eut lieu
devant Soissons ; Robert y fut tué, mais Charles et les siens durent
battre en retraite. Sans désemparer, les grands élirent un nouveau roi, Raoul,
duc de Bourgogne (13 juillet 923). Et Charles ? Un sort lamentable lui
était réservé. Tous n’approuvaient pas l’insurrection, mais nul ne se souciait
d’intervenir en faveur d’une cause perdue. En fait, Charles offrait un seul
intérêt : il pouvait servir de moyen de pression sur le nouveau roi. Tel
fut le calcul d’Herbert de Vermandois. Il attira le malheureux roi dans un
traquenard et l’emprisonna à Château-Thierry (923). Toujours prisonnier,
Charles mourut le 7 octobre 929.
Raoul
de Bourgogne fut, à tout prendre, un souverain assez énergique, et son duché
lui assurait une puissance très supérieure à celle dont pouvait disposer
Charles. Mais à l’inverse des Carolingiens et même des Robertiens, Raoul ne
concevait pas la Lorraine comme un prolongement de la zone d’influence royale.
Les Carolingiens avaient toujours lutté pour conserver la Lorraine. Raoul, lui,
l’abandonna au roi d’Allemagne. De même, Raoul ne mit pas à défendre le pays
entre Seine et Escaut. Raoul, solidement installé en Bourgogne, laissa trois
puissances encore mineures mordre sur cette région : la Flandre s’avança
jusqu’à Amiens, la Normandie poussa sur un large front, le Vermandois surtout
grandit à vue d’œil au cœur même de la vieille zone d’influence royale. Il se
heurta, faut-il le dire, à l’opposition résolue des Robertiens.Ceux-ci
n’étaient pas en position très favorable. Hugues, successeur de Robert, était
encore bien jeune, et Raoul n’avait pas renouvelé en sa faveur la concession de
la puissance ducale entre Seine et Loire. Dès 925, Herbert de Vermandois fit
élire son fils archevêque de Reims. Quand on sait que ce nouveau prélat venait
alors d’atteindre sa cinquième année, on comprend ce qui se passa :
Herbert, tout simplement, avait mis la main sur Reims. En 928, il se rendit maître
de Laon et obligea une foule de comtes de la région à lui rendre hommage :
en quelques années, le geôlier du roi Charles était devenu le vrai maître au
nord de la Seine ! Il pénètre alors en Champagne ; les comtés de
Troyes, de Meaux, de Melun, de Sens, d’autres encore lui appartiennent bientôt…
Les
derniers rois carolingiens
Quand
Charles le Simple avait été capturé, sa femme, une princesse anglaise, avait
réussi à sa réfugier auprès de son père avec Louis, l’unique fils issu du
mariage. Le roi Raoul mort sans enfant en 936, le problème d’une nouvelle
élection royale se posait en France. Les grands rappelèrent alors d’Angleterre
le fils de Charles, Louis IV « d’Outremer ». Car élire le plus
puissant ou l’un des plus puissants parmi les princes du moment eut abouti
automatiquement à la guerre civile, Herbert de Vermandois et Hugues le
Robertien se trouvant engagés dans une lutte à mort pour dominer le nord-ouest
du royaume. On aurait pu penser à Hugues, duc de Bourgogne, frère de Raoul. Il
est probable qu’on ne voulut pas créer en quelque sorte un début de droit
héréditaire à la couronne en faveur de la maison de Bourgogne. Dès lors, il ne
restait qu’une solution, d’ailleurs satisfaisante pour presque tous :
élire roi le Carolingien ; sans aucune autorité, il serait un roi soliveau
qui ne dérangerait personne.
De
tels calculs ne sont jamais entièrement exacts : quelqu’un toujours est
avantagé. En l’espèce, ce fut le Robertien. Il est trop évident, en effet, que
le jeune roi, grandi en sol étranger, ignorant les compromis qu’entraîne la
pratique du pouvoir, ne pouvait avoir pour le geôlier de son père que la plus
vive aversion. Herbert était donc, d’avance, en disgrâce, et le roi se
rapprochait du Robertien, puisqu’il était bien trop faible pour gouverner avec
ses propres forces. Mais Hugues exigeait beaucoup, et le roi n’avait pas
compris que seules de très larges concessions lui permettraient de se
maintenir. Carolingien et Robertien demeurèrent donc plusieurs années face à
face. Un double évènement les obligea à s’entendre : à peu près
simultanément le duc de Normandie mourut assassiné et le puissant comte de
Vermandois mourut de sa belle mort. Ainsi s’ouvraient simultanément deux des
plus grandes successions de France.
Le
déplacement de telles fortunes risquait de modifier profondément les rapports
de force. Assurément le duc de Normandie, tout comme le comte de Vermandois,
avait des fils ; cela importait assez peu ; l’essentiel était de
prendre.
Voici
ce qui explique le brusquement rapproche du roi Louis et de Hugues le Grand. D’une
part, le roi investit Hugues de pouvoirs extraordinaires : il le fait
« duc » de France, de Bourgogne et d’Aquitaine. En revanche, Hugues
le Grand ne fait valoir aucune prétention à la succession d’Herbert de
Vermandois ni à celle de Richard de Normandie ; bien au contraire, il
favorise les tentatives du roi pour mettre la main sur ces vastes héritages.
Hugues,
le grand duc
En
attribuant à Hugues le pouvoir ducal dans les trois parties du royaume de
France, Louis interposait en quelque sorte l’autorité de Hugues entre la sienne
et celle de tous les grands. Dénuée à peu près complètement d’éléments de
puissance, confrontée, en revanche, à des princes qui détenaient, eux, de tels
éléments et avaient, chacun dans sa principauté, éliminé le pouvoir royal
effectif, la monarchie n’avait qu’une possibilité de survivre : acquérir,
elle aussi, une principauté. Le roi disposerait alors d’un pouvoir réel et
traiterait de puissance à puissance avec les princes.
Le
roi fut dupé, car, en définitive, il ne put obtenir ni la succession normande
ni, à quelques brides près, celle d’Herbert de Vermandois : dans l’un et
l’autre cas, ce furent les fils qui héritèrent. L’explication est simple :
la puissance matérielle du roi était tellement dérisoire qu’il ne pouvait pas
l’emporter sur le Robertien, mais non plus sur des princes plus médiocres. Par
ailleurs, personne ne désirait aider le roi à reconstituer un pouvoir fort.
Le
roi allemand Otton – le futur empereur Otton le Grand – n’avait pas vu avec
plaisir réinstaller un Carolingien sur le trône de France : il savait bien
que cela créerait des difficultés en Lorraine ; en effet, très vite les
seigneurs lorrains s’étaient, une fois de plus, soulevés contre le pouvoir
allemand et ralliés à Louis. Dès ce moment, Otton intervint activement dans les
affaires de France, visant surtout à maintenir un certain équilibre entre les
partis en lutte, de manière à les détourner de l’est. A la mort inopinée de
Louis (954), Hugues le Grand n’avait qu’un mot à dire pour devenir roi, mais il
vit très justement que le petit roi Lothaire n’aurait d’autre choix que
l’amitié robertienne
Pause
dans l’évolution
Hugues
laissa donc Lothaire monter sur le trône, puis il exigea confirmation de son
autorité ducale en Bourgogne et en Aquitaine. Hugues put arranger un mariage
qui faisait tomber la Bourgogne entre ses mains. Il s’appliqua à réduire
l’Aquitaine par la force lorsque Hugues le Grand mourut subitement – de la
peste selon toute apparence – au milieu de l’an 956. Ses enfants étaient encore
jeunes et, comme le successeur du roi Louis l’était aussi, on vit le spectacle
d’une minorité parallèle dans les deux maisons rivales, minorité durant
laquelle les deux veuves – qui étaient sœurs, et sœurs aussi du roi Otton de
Germanie – exercèrent en bonne entente l’autorité. Leur autre frère, Brunon, archevêque
de Cologne, administrait la Lorraine et servait de conseiller aux deux
princesses. C’est ce qui permit aux Carolingiens de consolider quelque peu leur
faible pouvoir. Brunon maintint l’opposition entre leur dynastie et les
Robertiens. Il y trouvait un double avantage : l’équilibre en France
signifiait la prédominance du pouvoir allemand, et la suzeraineté allemande sur
la dynastie empêchait cette dernière de lui créer en Lorraine des difficultés.
La mort de Gerberge, mère de Lothaire, en 969, relâcha les liens étroits qui
existaient entre les Carolingiens de France et les Ottoniens. La crise éclata
en 978 : ce fut le départ de l’engrenage qui amena le fin du pouvoir
carolingien en France. Le duc de France, Hugues Capet, avait soutenu le roi
dans ses entreprises lorraines : le rusé personnage avait calculé qu’il
était bon de susciter une inimitié solide entre le roi de France et celui
d’Allemagne. Mais Lothaire pénétra ces desseins et conclut la paix avec Otton
II. Hugues Capet se vit joué et s’empressa d’offrir lui-meme sa fidélité au roi
d’Allemagne. C’était désormais la guerre.
La
fin
Lothaire
mourut en 986, âgé de quarante-quatre ans. Il laissait un fils, Louis V, âgé de
dix-neuf ans et déjà couronné roi. Le jeune roi fit une chute de cheval
mortelle en mai 987. Désormais rien n’empêchait plus Hugues Capet, si timoré
qu’il fut, d’accéder à un trône qui depuis des dizaines d’années paraissait à
portée de sa maison. Toutefois, les Robertiens avaient attendu trop
longtemps : dans l’intervalle, la désagrégation féodale s’était manifestée
aussi à l’intérieur de leur principauté. Cinquante ans plus tôt, la monarchie
capétienne eut pu être puissante.