9 juillet 1815 : Joseph Fouché, flic ou voyou ?

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Le 8 juillet 1815, Louis XVIII arrive à Paris et nomme, dès le lendemain Joseph Fouché ministre de la police. Long, osseux, le visage cireux, les lèvres pincées, presque invisibles avec de terribles yeux vitreux, vêtu d’une redingote noire qui fait ressortir sa pâleur fantomatique, celui qui, la veille encore, présidait la commission de gouvernement depuis l’abdication de l’Empereur, s’apprête, encore une fois, à jouer les fossoyeurs... François-René de Chateaubriand, dans Mémoires d'outre-tombe, écrira : « Ensuite, je me rendis chez Sa Majesté : introduit dans une des chambres qui précédaient celle du roi, je ne trouvai personne ; je m'assis dans un coin et j'attendis. Tout à coup une porte s'ouvre : entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché ; la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du roi et disparaît. Fouché venait jurer foi et hommage à son seigneur ; le féal régicide, à genoux, mit les mains qui firent tomber la tête de Louis XVI entre les mains du frère du roi martyr ; l'évêque apostat fut caution du serment. »

Une cabale puissante des anciens émigrés est alors déclenchée contre lui. Le roi le nomme, pour l'éloigner, ambassadeur à Dresde. Frappé par la loi du 12 janvier 1816 pour avoir tout à la fois voté la mort de Louis XVI et accepté une fonction pendant les Cent-Jours, il meurt en exil à Trieste le 26 décembre 1820, assisté par le prince Jérôme Bonaparte qui, sous ses ordres et sa surveillance, brûle, durant cinq heures, tous ses papiers, très compromettants pour lui et pour beaucoup ; cet autodafé fit disparaître une partie de l'histoire du Directoire, du Consulat et du Premier Empire.

Fouché de Nantes, le bourgeois impécunieux, le petit professeur en soutane des collèges de l’Oratoire et le pilleur d’églises, missionnaire terroriste de Nevers, Fouché le conventionnel modéré et le mitrailleur des royalistes lyonnais, Fouché tombeur de Robespierre et cauchemar de Napoléon, Fouché le régicide et le ministre de Louis XVIII. Fouché l‘inventeur de la police moderne, l’homme des réseaux, de la coulisse et des peurs, le bâtisseur d’État, le théoricien et l’homme d’action, l’aventurier, le conspirateur et le parvenu. Fouché l’opportuniste cynique, l’infâme, le traitre.

Assurément l’un des hommes les plus puissants de son époque, celui dont on aperçoit mal les pouvoirs tant ils sont nombreux, qui n’a existé que par eux et qui a fini par mourir de les avoir perdus. Rares sont ceux qui inventèrent de nouvelles règles du jeu sans attendre la fin de la partie. Fouché a été de ceux-là.

La postérité n’a pas été tendre avec « la pieuvre et l’araignée » selon l'expression d'Emmanuel de Waresquiel. Stephan Zweig a vu en lui la première incarnation d'un type politique moderne : l'homme de l'ombre, dissimulé, manipulateur, actionnant en coulisses les mécanismes du pouvoir réel.

Je déteste Fouché. Mon sens de la loyauté exacerbé par l’éducation militaire de mon père et mon admiration pour Bonaparte ne pouvaient qu’entrainer cette détestation. Mais mon côté « avocat » (hérité de mes années de droit) m’a appris que chaque homme vaut mieux que sa légende lorsqu’il s’agit d’un personnage public, mieux que la rumeur publique lorsque l’on parle du commun des mortels et, en tous cas, que chacun a droit d’être défendu.

Pour les passionnés de l’Histoire de France, il n’est pas possible de faire l’impasse sur Joseph Fouché qui fut un acteur de premier plan durant plus de vingt années d'une densité exceptionnelle. Il n'eut pas son pareil pour "vouloir être de tout", comme le déclara un jour l'Empereur, pour occuper le devant de la scène à tout prix (" l'intrigue [lui] était aussi nécessaire que la nourriture "). Comment faire l’impasse sur celui qui conseilla (et trahit) Robespierre, Barras, Napoléon et qui fut de tous les régimes de la 1ère République à la 2ème Restauration royaliste.

Il ne s’agit par pour moi de donner le pardon, ni même d’excuser mais d’expliquer. Arriviste, traître, criminel pour ses détracteurs, il incarne la fidélité à la Révolution française pour ses partisans. Le dossier « Fouché » est nourri par les grands maîtres de la littérature et de l'histoire : Balzac, Châteaubriant, Stephan Zweig, Jean-Claude Brisville, André Castelot (le plus populaire des historiens), Jean Tulard (le meilleur historien de l’Empire) et Emmanuel de Waresquiel (son meilleur biographe).

Louis Madelin est le premier à avoir abordé, de manière scientifique, la vie et la carrière de Fouché. « Fouché a trouvé en Louis Madelin un avocat de talent, dont le livre restera comme l'un des classiques de l'école historique française. » (Jean Tulard). « Pour la première fois, les traits de Fouché nous sont présentés sous leur véritable aspect dans la monumentale biographie de Louis Madelin. » (Stefan Zweig). L'historien a cherché à comprendre la cohérence d'un itinéraire longtemps qualifié d'opportuniste. Il ne cèle pas les coins d'ombre du personnage, mais il entend surtout mettre l'accent sur l'unité d'un homme qui, au-delà de ses revirements politiques, a conservé intacte sa volonté de consolider les acquis de la Révolution. L'auteur montre également la part que prend le ministre à la construction du pouvoir personnel de Napoléon et à celle de l'œuvre impériale. Véritable caméléon politique, il traversera encore plusieurs révolutions politiques jusqu'à la chute de l'Empire.


Emmanuel de Waresquiel a dessiné un personnage incroyable, brillant, jusqu’ici incompris et desservi par sa légende noire. Il dévoile un personnage complexe, rempli de secrets : « de sa vie de famille, de ses liens avec sa femme et ses enfants, secret de ses souvenirs, secret des rapports troubles et ambigus qu’il a longtemps entretenus avec les élites et la noblesse d’Ancien Régime, secret de l’argent et du financement de sa police, secret de la police elle-même, de son organisation, de son action, de sa doctrine, secret de son association jalouse, soupçonneuse et parfois dangereuse avec Napoléon. »

Biographie de Joseph Fouché

21 mai 1759                           : Naissance au Pellerin près de Nantes


1782                                        : Professeur de sciences au collège de l’Oratoire de Niort

1788                                        : Fait la connaissance de Robespierre à l’académie des Rosati (Arras)

1789                                        : Devient franc-maçon dans la loge Sophie-Madeleine-Reine de Suède

Sept. 1792                               : Député de la ville de Nantes à la Convention
Membre du comité de l’instruction, membre du parti des Girondins
Vote la mort du roi et bascule vers les MontagnardsEn mission dans l’Ouest et le Centre ; auteur de dérives graves dans sa lutte pour la déchristianisation du pays (destructions d’églises, pillages, autodafé…)

30 oct. 1793                            : Reçoit l’ordre de rejoindre Collot d’Herbois et Montaut à Lyon et, est secrètement chargé de détruire la ville en pleine insurrection. Il met en place l’exécution de masse des habitants par la mitraille (la guillotine étant jugée trop lente (1683 tués). Dans l'exercice de son mandat, il est aussi accusé de dilapidations et de détournements.

27 mars 1794                          : Fouché est rappelé à Paris.

8 avril 1794                            : Il réintègre la Convention et justifie l’usage de la violence contre la résistance lyonnaise en disant « le sang du crime féconde le sol de la liberté et affermit sa puissance ».

4 juin 1794                             : Elu président du club des Jacobins.

12 juin 1794                            : Chassé du club par Robespierre.

26-28 juillet 1794                   : Participe activement à la chute de Robespierre (8 et 10 thermidor an II).

14 août 1795                           : Attaqué et marginalisé à la Convention ; reçoit la défense de Merlino.

1er avril et 20 mai 1795           : Menacé par les insurrections (12 germinal et 1er prairial an III), il obtient la protection de Barras et bénéficie de l’amnistie de brumaire an IV).

Après une période de disgrâce, il en chargé d’une mission dans les Pyrénées-Orientales puis employé dans la police secrète du Directoire avant de représenter celui-ci en République cisalpine (soupçons d’enrichissement personnel).

20 juillet – 8 novembre 1799 : Ministre de la Police (Directoire).

9 novembre 1799                   : Il rend des services importants à Bonaparte lors du coup d’Etat du 18-Brumaire.

9 novembre 199 – 13 septembre 1802 : Le premier Consul confirme Fouché dans son poste de ministre de la Police cumulant la direction de la police et celle de la Gendarmerie. C’est sous cette fonction qu’il fait arrêter les Directeurs.

13 septembre 1802                : Bonaparte supprime son ministère suite au manœuvre de Fouché pour empêcher le premier consul d’obtenir un pouvoir à vie. En compensation, il obtient un poste au Sénat.

10 juillet 1804 - 3 juin 1810   : Il redevient ministre de la Police. Comte d'Empire en 1808, duc d'Otrante en 1809 pour sa gestion remarquable de l'Empire en l'absence du souverain, il est à nouveau disgracié, pour avoir essayé de soumettre des propos de paix avec l'Angleterre auprès du ministre Arthur Wellesley. Il fomente alors un complot, avec pour complice Talleyrand, pourtant son rival de toujours.

1813, après la campagne de Russie : Retour en grâce.

1814                                        : Nouvelle trahison avec Joachim Murat.

20 mars au 22 juin 1815         : Il retrouve pendant les Cent-Jours son poste ayant refusé une fonction lors de la première restauration et ayant été soupçonné d’avoir comploter pendant cette période.

22 juin au 7 juillet 1815          : Président de la commission de Gouvernement (Napoléon II).

9 juillet au 26 septembre 1815 : Louis XVIII le nomme ministre… de la Police.

26 décembre 1826                 : Fouché décède à Trieste (exil suite à la loi du 12 janvier 1816).


 


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