3-6 avril 1814 : La chute de l’Empereur des Français


Le 3 avril 1814, le Sénat prononce la déchéance de Napoléon qui aboutira à son abdication trois jours plus tard. Comment en est-on arrivé là ?

Depuis les traités de Tilsit de 1807, la Russie est alliée à l’Empire français. Mais contraint par la noblesse russe acquise aux Anglais, le tsar Alexandre 1er refuse d’appliquer le blocus continental. Estimant la guerre inévitable, la Grande Armée envahit la Russie en 1812. Le 13 septembre 1812, les troupes françaises entrent dans Moscou où Napoléon s’attarde. L’hiver approche. A partir de novembre, sonne l’heure de la Retraite de Russie. Le froid (-22°), la neige, la faim et les Cosaques auront raison de la Grande Armée. Des 600.000 hommes entrés en campagne, seuls quelques dizaines de milliers la rivière Bérézina.
L’échec militaire de Napoléon encourage les pays humiliés au cours des guerres précédentes à rejoindre la Sixième Coalition (Royaume-Uni, Empire russe rejoints par le royaume de Prusse, la Suède, l’Empire d’Autriche…). La défaite napoléonienne à la bataille de Leipzig dite « bataille des nations » est décisive sur le front de l’Est (19 octobre 1813 – le maréchal Poniatowski, prince polonais et neveu de Stanislas II, dernier roi de Pologne, y perd la vie).

Au sud, à l'issue de la dure guerre d’Espagne (1808-1813), l’armée française du maréchal Soult doit se replier au nord des Pyrénées. En octobre-novembre 1813, les forces britanniques, espagnoles et portugaises commandées par Arthur Wellesley, marquis de Wellington, forcent la ligne fortifiée de la Rhune et entrent sur le territoire français.

Tout va alors aller très vite.

Dans le camp de l'Empire français, les pertes précédentes en hommes, en Russie et en Allemagne, sont trop importantes pour être compensées, d'autant que de nombreuses troupes sont restées en garnison dans les places fortes d'Allemagne, comme à Hambourg (gouvernée par le maréchal Davout). Les jeunes conscrits de 1814, les « Marie-Louise », ne sont pas à la hauteur de leurs aînés. Avec une armée diminuée, inexpérimentée et largement dépassée en nombre, Napoléon, s'il parvient à infliger plusieurs revers à ses ennemis, ne peut réellement reprendre l'initiative et exploiter ses quelques succès.

Novembre 1813 :

Le 9 l’Empereur est à Saint-Cloud. Le 11, un décret impérial augmente le prix du sel et l’impôt sur les portes et fenêtres. Le 14, il s’adresse au Sénat. Le 15, un sénatus-consulte permet la levée de troupes supplémentaires.

Décembre 1813 :

Le 15 (Front du Nord et de l’Est), les armées de la coalition se mettent en mouvement vers la France. Les forces qui envahissent la France sont divisées en trois armées : Bohême (Karl Philipp de Schwarzenberg), Silésie (Gebhard Leberecht von Blücher) et Nord (Bernadotte).

Le 19, lors de l’ouverture de la session du Corps législatif, l’Empereur demande de « nouveaux sacrifices ».

Le 24 (Front du Nord et de l’Est), à Sainte-Croix-en-Plaine, près de Colmar, a lieu le premier affrontement entre la cavalerie française et celle des coalisés.

Le 29, au travers du rapport rédigé par Lainé, le Corps législatif critique directement Napoléon de continuer les combats et vote son impression à la majorité de 223 voix contre 31. Le 30, le Sénat se prononce pour la poursuite de la guerre.

Le même jour (Front du Nord et de l’Est), les Autrichiens du général Ferdinand von Bubna et Littitz prennent Genève, puis occupent Mâcon, Annecy et Chambéry.

Le 31, Napoléon refuse l’impression du rapport Lainé et fait savoir à son conseil d’Etat que la position prise par le Corps législatif est une insulte à sa personne et une offense à son autorité.

Le même jour (Front du Nord et de l’Est), les coalisés franchissent le Rhin.

Janvier 1814 :

Le 6, Murat, roi de Naples, établit un armistice avec le Royaume-Uni ; il signe, le 11, un traité d’alliance. L’armée d’Italie du prince Eugène de Beauharnais est paralysée.

Le 14 (Front du Nord et de l’Est), apprenant que les troupes françaises se replient sur Verdun, le général prussien Blücher décide de marcher vers Paris. Le 25, il est à 150 km de la Capitale. Le 26, après voir confié la régence à Marie-Louise et l’aiglon à la Garde nationale, Napoléon installe son quartier général à Châlons-sur-Marne. Le 27, Napoléon veut encore empêcher la jonction de Bücher avec Schwarzenberg qui arrive par le sud-est en lui coupant la route de Troyes. Le 29, l’Empereur attaque Brienne occupée par les corps russes d’Osten-Sacken et d’Olsoufiev avec Bücher qui manque d’être pris avec son état-major. Le 30, Napoléon entre à Brienne mais, Bücher s’est retiré pendant la nuit sur Bar-sur-Aube où la jonction avec Schwartzenberg.

Février 1814 :

Le 1er (Front du Nord et de l’Est), quoique plus faible de moitié, Napoléon accepte de combattre les forces alliées au village de La Rothière. Après un combat de près de douze heures, Napoléon ordonne la retraite sur Troyes.
La bataille de La Rothière, première défaite personnelle de Napoléon en France, affecte le moral des armées. Les désertions augmentent.

Le 5 (Châtillon), les quatre grandes puissances coalisées et la France ouvrent les négociations lors du congrès de Châtillon. Le 8, les parties se séparent sur un désaccord.

Le congrès de Châtillon, dont les négociations évoluent constamment en fonction des succès fluctuants des uns et des autres, prend fin le 19 mars.

Du 10 au 14 (Front du Nord et de l’Est), Napoléon remporte les victoires à Champaubert (le 10), à Montmirail (le 11), à Château-Thierry (le 12), à Vauchamps où Napoléon remporte une victoire nette contre l’armée de Blücher (le 14). Napoléon n'exploite pas sa victoire, mais dirige son armée vers le sud-ouest, à marche forcée, pour barrer la route à l'armée de Schwarzenberg qui, progressant lentement dans la vallée de la basse-Seine.

Le 15 (Front des Pyrénées), les forces alliées sous le commandement direct du marquis (bientôt duc) de Wellington battent, à Garris (Pyrénées-Atlantiques) une division française sous les ordres du général Jean Isidore Harispe.

Les 17 et 18 (Front du Nord et de l’Est), suite aux batailles de Mormant et de Montereau, l’envahisseur est repoussé.

Du côté français, le coup d’arrêt porté à la coalition ranime l’espoir de l’Empereur qui écrit à son beau-père, l’Empereur d’Autriche, qu'il veut une paix rapide basée sur des conditions moins humiliantes que celles qu'on lui a faites à Châtillon. Du côté des coalisés, cette succession d’échecs les rend circonspects, de plus que la question de l’avenir de la France après leur victoire n’est toujours pas l’objet d’un consensus. Les Anglais et les Russes veulent restaurer les Bourbons ; les Autrichiens veulent imposer une régence au nom du fils de Napoléon, également petit-fils de l’empereur d’Autriche.

Le 27 (Front des Pyrénées et du Sud-est), débute le siège de Bayonne, dernière phase de l’invasion du sud-ouest par les troupes de Wellington. Le même jour, l’armée française du maréchal Jean-de-Dieu Soult est défait par les forces anglo-portugaises lors de la bataille d’Orthez (une des dernières batailles de la guerre d’indépendance espagnole mais qui s’est déroulée sur le sol français).

Mars 1814 :

Le 8, un traité d’alliance (antidaté du 1er mars) est conclu à Chaumont entre la Russie, l’Autriche, la Prusse et le Royaume-Uni par lequel chacune des puissances continentales s’engagent de tenir en campagne une armée active et à ne tenir aucune négociation séparée avec l’ennemi commun.

Le 12 (Front des Pyrénées et du Sud-est), le maire de Bordeaux, Jean-Baptiste Lynch, ouvre la ville aux Anglais et est la première ville française à proclamer la déchéance de Napoléon. Le Duc d'Angoulême, membre de la famille royale, débarque à Bordeaux le même jour. Le 19 et 20, sont livrée les batailles de Vic-en-Bigorre et le lendemain celle de Tarbes.

Le 20 (Front de l’Est et du Rhône), alors que depuis la veille, les négociations du congrès de Chatillon ont échoué, Napoléon est à Arcis, mais il est bloqué par l’armée de Schwarzenberg. Le même jour se déroule la bataille de Limonest qui voit le maréchal Augereau obligé de se replier sur Valence et de quitter Lyon. Le 21, les Français se replient vers Vitry-le-François puis le 23, vers Saint-Dizier. Le 24, les alliés décident d’attaquer Paris après avoir intercepté une lettre de Savary qui, resté à Paris, écrit à Napoléon que Paris ne lui est plus totalement acquise. Le 25, les maréchaux Mortier et Marmont sont battus à Fère-Champenoise. La route de Paris est ouverte pour Schwarzenberg. L’empereur de Russie et le roi de Prusse portent leur quartier général à Bondy.

Le 28(Paris), Napoléon abandonne son plan et décide de retourner vers Paris après avoir reçu une lettre de Lavalette (directeur des Postes) déclarant que « la présence de l'Empereur est nécessaire s'il veut empêcher que sa capitale soit livrée à l'ennemi ». Le 29 matin, l’impératrice Marie-Louise quitte Paris, menacé à l'ouest par les Cosaques qui occupent déjà Neuilly-sur-Seine. Le 30, Paris est attaquée par Pantin et Romainville (Schwarzenberg) et par Clichy et Montmartre (Blücher). À la barrière de Clichy, défendue par Moncey qui commande la Garde nationale, a lieu la bataille la plus importante. Dans la soirée, les négociations sont ouvertes et dans la nuit, Marmont, avec la médiation de Talleyrand, signe un armistice : les troupes françaises évacuent Paris en direction du sud. Napoléon est à Juvisy lorsqu'il apprend la nouvelle. Le 31, Caulaincourt retourne à Paris, les alliés y entrent à 11 heures et Napoléon va attendre à Fontainebleau la suite des événements.

Le même jour, les alliés décident de rétablir les Bourbons et de ne pas négocier avec Napoléon ; le lendemain, une proclamation correspondante est affichée dans Paris.

Avril 1814 :

Le 1er, le Sénat organise un gouvernement provisoire présidé par Talleyrand. Le 3, le Sénat déclare Napoléon déchu du trône, le droit d'hérédité aboli dans sa famille, le peuple français et l'armée déliés envers lui du serment de fidélité. Le 4, à Fontainebleau, les maréchaux Ney, Lefebvre, Berthier, Oudinot, Moncey et Macdonald refusent directement à Napoléon de continuer les combats. Ce dernier signe une abdication conditionnelle, sous réserve des droits de son fils (Napoléon II) et de sa femme.

Le 6 (Fontainebleau), Napoléon tente encore de renverser la situation et fait marcher une partie des troupes dont il dispose vers Paris, mais celles-ci, commandées par Marmont, se rendent aux Autrichiens. Les forces alliées exigent alors une abdication inconditionnelle de l’Empereur.
A Fontainebleau, la journée après une revue de troupes, se tient un conseil de guerre, au cours duquel, Napoléon, énumère les ressources dont il peut disposer, prône la reprise des hostilités, car, outre les 50 000 hommes qui sont sous sa main, restent sur le pied de guerre l'armée de Soult, qui est à Toulouse (mais face à une importante armée britanno-hispano-portugaise), celle de Suchet, qui est en Catalogne (idem), celle d'Augereau, dans les Cévennes, du prince Eugène, en Italie, celle du général Maison, dans la Flandre, ainsi que sur les nombreuses garnisons de frontière. Il constate que personne ne souhaite continuer. Il signe alors l'acte d'abdication :

« Les puissances alliées ayant proclamé que l'empereur Napoléon était le seul obstacle au rétablissement de la paix en Europe, l'empereur Napoléon, fidèle à son serment, déclare qu'il renonce, pour lui et ses héritiers, aux couronnes de France et d'Italie, et qu'il n'est aucun sacrifice personnel, même celui de la vie, qu'il ne soit prêt à faire à l'intérêt de la France. »

Il refuse par contre de souscrire au traité de Paris, par lequel ses plénipotentiaires viennent de conclure un armistice avec les alliés.

Le 10 (Front des Pyrénées et du Sud-est), le maréchal Soult livre la bataille de Toulouse qu’il évacue dans la nuit du 11 au 12.

Le 11 (Fontainebleau), comme le tsar a promis un établissement hors de France digne de l’empereur Napoléon, il propose la Corse à Caulaincourt, qui refuse car elle fait partie intégrante de la Nation française et demande la Sardaigne. Alexandre 1er à son tour rejette la proposition, cette île appartenant à la Maison de Savoie (royaume de Piémont-Sardaigne). Il choisit l’île d’Elbe, une dépendance de la Toscane. Caulaincourt et Macdonald signent à Paris une convention donnant à Napoléon la souveraineté de l'île d'Elbe et lui garantissant une rente de deux millions de francs par an, ainsi que le duché de Parme pour son épouse Marie-Louise avec une garantie de succession pour son fils.

Le 12 (Paris), Monsieur, comte d'Artois, frère du roi, fait son entrée solennelle dans Paris.

Le même jour (Front des Pyrénées et du Sud-est), Thouvenot, commandant la place de Bayonne assiégée par les coalisés reçoit la nouvelle de l'abdication de l'Empereur, refuse la reddition et ne consent à discuter une suspension d'armes que le 27 avril, lorsqu'un ordre écrit par le maréchal Soult en ce sens lui parvient. Le blocus de la place est levé le 5 mai 1814.

Dans la nuit du 12 au 13 (Fontainebleau), Napoléon, qui pense que les alliés vont le séparer de l’impératrice Marie-Louise d'Autriche et de son fils le roi de Rome, prend, une dose du « poison de Condorcet » qui doit lui permettre de se suicider. Les effets du poison se dissipent et l’Empereur peut reprendre ses activités normales. Le 13, Napoléon signe le traité de Fontainebleau, c'est-à-dire la convention faite le 11 à Paris, par laquelle il abdique.

Le 14 (Front des Pyrénées et du Sud-est), l'armée impériale commandée par le maréchal Soult aux troupes de la coalition anglo-hispano-portugaise, se soldant par une victoire défensive française, malgré la perte de la ville. Le même jour, le général Maucomble commande une sortie de Bayonne mais sont les Français sont repoussés ; la place capitulera le 5 mai.

Le 20 (Fontainebleau), les plénipotentiaires alliés chargés de l'escorter vers l'exil étant arrivés la veille, Napoléon quitte Fontainebleau, pour partir à l'île d'Elbe. Napoléon fait un dernier discours à sa garde personnelle :

« Soldats de ma vieille Garde, je vous fais mes adieux. Depuis vingt ans, je vous ai trouvés constamment sur le chemin de l'honneur et de la gloire. Dans ces derniers temps, comme dans ceux de notre prospérité, vous n'avez cessé d'être des modèles de bravoure et de fidélité. Avec des hommes tels que vous, notre cause n'était pas perdue. Mais la guerre était interminable ; c'eut été la guerre civile, et la France n'en serait devenue que plus malheureuse. J'ai donc sacrifié tous nos intérêts à ceux de la patrie ; je pars. Vous, mes amis, continuez de servir la France. Son bonheur était mon unique pensée ; il sera toujours l'objet de mes vœux ! Ne plaignez pas mon sort ; si j'ai consenti à me survivre, c'est pour servir encore à notre gloire ; je veux écrire les grandes choses que nous avons faites ensemble ! Adieu, mes enfants ! je voudrais vous presser tous sur mon cœur ; que j'embrasse au moins votre drapeau ! Adieu encore une fois, mes vieux compagnons ! Que ce dernier baiser passe dans vos cœurs ! »

— Baron Fain, Manuscrit de 1814 Paris, Bossange, 1830, p. 251-252 - cité sur le site « Napoleonica - la revue » n°19 (Organe en ligne de la Fondation Napoléon).



Napoléon signe son abdication à Fontainebleau le 4 avril 1814. Par d’après François Bouchot — Catalogue Joconde : entrée 000PE006476, Domaine public ; Première abdication, 12 avril 1814, conservée aux Archives nationales. Par Herrick worked with Photoshop: Duoplex effect to create the sepia colour — bookscan, the original: Bildarchiv der Österreichischen Nationalbibliothek, Domaine public. Conception image Avril 2018©Laurent Sailly – Méchant Réac ! ®



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