29 juillet 1881 : la liberté de la presse
Communément
présentée comme une valeur essentielle de toute société démocratique, la
liberté d'expression, aussi primordiale soit elle, n'est pas pour autant
absolue. Comme chaque liberté, elle connaît un encadrement visant à préciser
ses justes limitations. La loi sur la presse du 29 juillet 1881, l'une des
premières et principales œuvres libérales de la IIIe République, entendait
fixer les seules limites tolérables. Voulue à son origine comme un Code de la
presse, elle n'a, pour autant, jamais constitué cette œuvre de référence, les
infractions susceptibles d'être commises par voie de presse s'étant multipliées
en dehors du corpus de la loi. En dépit de cet éclatement du droit de la presse,
est, encore aujourd'hui, le texte emblématique encadrant la liberté
d'expression en France. Toujours en vigueur, elle a fait l'objet de multiples
modifications qui ont compromis, davantage encore, l'unité du droit des abus de
la liberté d'expression mais aussi et surtout sa lisibilité. C'est pourquoi il
est apparu opportun de réfléchir à une réécriture de la loi sur la presse qui
semble constituer, malgré toutes les critiques dont elle fait l'objet, l'un des
meilleurs outils pour poursuivre les abus de la liberté d'expression. Le
législateur devrait accepter de reprendre cette vieille loi, très souvent
amendée, de façon intégrale et non pas par à-coups comme il semble aimer le
faire, ainsi qu'en témoigne l'adoption récente de la loi égalité et citoyenneté.
Le colloque, dont les actes sont ici publiés, a entendu tout d'abord
s'intéresser à ce qui légitime ou non le maintien de ce texte dans
l'ordonnancement juridique. Il a ensuite envisagé les différents délits de
presse contenus dans la loi et leur éventuelle réécriture, en des termes à la
fois généraux et précis. Enfin, il a été question de la nécessité de clarifier
certaines règles de procédure voire d'amoindrir le formalisme parfois excessif
en la matière, en adaptant, le cas échéant, les différentes règles à la
spécificité des supports. Les actes de ce colloque ont vocation à s'adresser à
la communauté scientifique, aux étudiants juristes et politistes, mais
également aux professionnels du droit intéressés par cette question.
Sous la direction de Nathalie Droin, maître
de conférences HDR en droit public et Walter Jean-Baptiste, maître de
conférences en droit privé, à l'Université de Bourgogne Franche-Comté. Avec les
contributions de Diane de Bellescize, Jean Morange, Emmanuel Dreyer, Fabien
Marchadier, Daniel Kuri, Jacques Francillon, Patrick Auvret, Thomas Hochman,
Lyn François, Patrice Rolland, Frédéric Sudre, Sabrina Lavric, Claire Sourzat,
Aurélie Cappello, Yves Poirmeur, Evan Raschel, Jacques Petit et Jean-Pierre
Marguénaud.
RETOUR SUR LA LOI DU 29 JUILLET 1881
Principe fondamental des systèmes démocratiques, la liberté de presse est inscrite dans l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 et l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme de 1950. Avec la loi du 29 juillet 1881, la liberté de la presse en France fait l’objet d’une consécration particulière, au-delà de la reconnaissance générale de la liberté d’expression.
L’article 11 de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose que “tout
citoyen peut parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de
cette liberté dans les cas déterminés par la loi.”
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la
presse définit les libertés et responsabilités de la
presse française. Elle impose un cadre légal à toute publication, ainsi qu’à
l’affichage public, au colportage et à la vente sur la voie publique. Son
article 1 dispose que “l’imprimerie et la librairie sont libres”.
La loi de 1881 a été modifiée plusieurs fois pour
encadrer cette liberté au-delà des règles liées au respect de la personne, la
protection des mineurs, la répression de l’injure, la diffamation ou l’atteinte
à la vie privée. Ainsi la loi Pleven du 1er juillet 1972 relative à la lutte
contre le racisme crée un nouveau délit et punit la discrimination, l’injure ou la diffamation à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes
à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à
une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. La loi Gayssot
du 13 juillet 1990 sanctionne, en outre, la négation des crimes contre l’humanité
perpétrés par le régime nazi.
En parallèle aux dispositions relatives à la
liberté de la presse, la nécessité de lever les soupçons pesant sur
l’indépendance des titres de presse et des journalistes vis-à-vis du pouvoir
politique et du secteur économique a également conduit le législateur à
intervenir afin de réguler la concentration de la presse quotidienne française.
L’ordonnance du 26 août 1944
interdit les concentrations d’organes de presse.
Rendue le 11 octobre 1984, préalablement à la promulgation de la loi du 23 octobre 1984, dite loi “anti-Hersant”, une
décision du Conseil constitutionnel reconnaît le pluralisme des quotidiens
d’information politique et générale comme étant “en lui-même un objectif de
valeur constitutionnelle”.
La loi du 1er août 1986
portant réforme du régime juridique de la presse interdit “à peine de nullité,
l’acquisition d’une publication quotidienne d’information politique et générale
ou la majorité du capital social ou des droits de vote d’une entreprise éditant
une publication de cette nature, lorsque cette acquisition aurait pour effet de
permettre à l’acquéreur de détenir plus de 30% de la diffusion totale sur
l’ensemble du territoire national des quotidiens d’information politique et
générale”.
La
presse sur Internet doit-elle faire l’objet d’une régulation spécifique ?
Une étude du Conseil d’État, intitulée “Internet et les réseaux numériques” et
publiée en décembre 1998, confirme que “l’ensemble de la législation existante
s’applique aux acteurs d’internet”.
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