28 avril 1503 – « aventures italiennes » : l’armée française est défaite à la bataille de Cérignole


Le 28 avril 1503, les armées françaises et espagnoles s’opposent, près de Cérignole, une petite ville du royaume de Naples, dans le comté d’Apulie. Cette défaite française s’inscrit dans le troisième épisode (1500-1504) des guerres d’Italie (11 guerres 1494-1559).

Jusqu’en 1442, le royaume de Naples est aux mains de la maison cadette des Capétiens, la maison d’Anjou. A cette date, le roi aragonais Alphonse IV prend le contrôle du royaume. Jusqu’à la mort du dernier représentant la maison d’Anjou (René, mort en 1480) cherchera d’en reprendre possession. Sans héritier, les droits de René d’Anjou reviennent au royaume de France.

Ce legs comprend, outre le royaume de Naples, le royaume de Jérusalem, qui est occupé par les Mamelouks jusqu'en 1517. En 1486, certains barons du royaume de Naples, restés fidèles aux Angevins, se révoltent. Vaincus, ils se réfugient en France. Les monarques français essayent alors de faire valoir leurs droits pendant près de 60 ans.

Charles VIII signe trois traités qui assurent à la France la neutralité des partis concurrents : neutralité de l'Angleterre par le traité d'Étaples en 1492, puis celle de l'Espagne par le traité de Barcelone et celle de l'empereur Maximilien par le traité de Senlis en 1493. De plus, il est incité à se rendre en Italie par Ludovic le More, tuteur du duc de Milan Jean Galéas Sforza. Ludovic le More est inquiet de la rupture possible de l'équilibre en Italie : l'alliance formée dès 1467 par Florence, Milan et Naples, pour lutter contre la puissance vénitienne, bat de l'aile et Pierre l'Infortuné, le successeur de Laurent le Magnifique, se rapproche du royaume de Naples. Enfin, le projet de Charles VIII est discrètement soutenu en Italie même par une faction, à la tête de laquelle se trouve « le cardinal Giuliano della Rovere le futur Jules II, [qui] comptait sur l'appui des Français pour faire déposer le pape régnant Alexandre VI Borgia ».

La première guerre d’Italie (1494-1497) offre la couronne napolitaine à Charles VIII le 22 février 1495. Succès provisoire puisqu’une coalition lombardo-vénitienne l’oblige à se frayer par les armes le chemin du retour. Le roi passe les Alpes en novembre. Le retour est seulement honorable. L'Espagne, engagée dans la ligue de Venise en violation du traité de Barcelone, attaque le Languedoc à plusieurs reprises courant 1496. Des négociations en vue d'obtenir une paix séparée avec l'Espagne aboutissent à la signature de la trêve d'Alcalá de Henares le 24 novembre 1497.

Devenu Louis XII, Louis d’Orléans hérite les droits des Valois sur le royaume de Naples, et estime en avoir également sur le duché de Milan, par sa grand-mère issue de la famille Visconti. Le nouveau roi de France prépare minutieusement sa campagne en Italie. Il se rapproche d'abord des Borgia afin de faire annuler par le pape son mariage avec Jeanne de France et son remariage avec la veuve de Charles VIII, Anne de Bretagne, dans le but de conserver le duché de Bretagne. Louis XII se rapproche également de la république de Venise, avec qui il signe le traité de Blois le 2 février 1499. Le 16 mars 1499 est signé le traité de Lucerne entre la France et les cantons suisses. Enfin, il conclut des accords avec le roi Henri VII d'Angleterre et le futur roi de Castille, Philippe le Beau. Le duc de Milan Ludovic le More se trouve ainsi totalement isolé.

Les Français et les Vénitiens attaquent le duché de Milan en juillet 1499 et occupent Milan le 2 septembre 1499. Gênes tombe également aux mains du roi de France. Ludovic Sforza reconstitue une armée et reprend Milan en mars 1500.

Louis XII envoie alors La Trémoille et Georges d'Amboise reconquérir le duché. Ludovic Le More est emmené en captivité en France où il meurt en 1508. Louis XII nomme Charles II d'Amboise de Chaumont gouverneur de Milan.

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Une fois conquis le duché de Milan, Louis XII se tourne vers le royaume de Naples et lance la troisième guerre d’Italie. Une fois encore, il obtient l'appui du pape Alexandre V et signe le traité de Grenade avec Ferdinand II d'Aragon régissant le partage du royaume de Naples.

En 1501, Naples doit faire face à la double offensive franco-espagnole si bien que son roi doit capituler le . Il se réfugie auprès du roi de France, qui lui attribue le titre de duc d'Anjou en contrepartie de son renoncement au royaume de Naples. L'occupation par les Français de certains territoires contestés entraîne un conflit avec Ferdinand II d'Aragon dès 1502.

Durant le même temps, et avec l'accord de la France, César Borgia, fils d'Alexandre VI, prend possession de la totalité de la Romagne pontificale (1500), puis du duché d'Urbino (juin 1502). Alexandre VI meurt en août 1503. Son successeur, Pie III, ne règne que quelques jours, et un adversaire farouche des Borgia, Jules II, devient pape. César Borgia doit rendre les villes et forteresses qu'il occupe et fuit en Espagne, où il est emprisonné, puis finit par se réfugier en Navarre où il meurt en 1507.

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En ce 28 avril 1503, les armées ennemies se comptent.

L’armée française est organisée comme une armée médiévale, avec une large importance accordée à la cavalerie lourde et une troupe importante de mercenaires, essentiellement suisses. Elle dénombre 9500 hommes et 26 pèces d’artillerie. Son commandement est assuré par Louis d'Armagnac-Nemours, comte de Pardiac et Guise, duc de Nemours.

Les forces espagnoles sont commandées par Gonzalve de Cordoue, dit le Gran Capitán. L’essentiel de l'armée est formé par l’infanterie : deux groupes de 500 arquebusiers forment la première ligne ; derrière, au centre, se trouve une force de 2500 lansquenets, encadrés de deux troupes d’environ 2000 fantassins et arbalétriers. A l’arrière de ces troupes, deux batailles de 400 cavaliers sont commandées par Prospero Colonna et Pedro de Mendoza. Sur la colline, avec l’artillerie de 13 pièces, Fabrizio Colonna et Pedro de Pas commandent une cavalerie légère de 850 hommes.

La bataille dure à peine une heure. Le Gran Capitán, connaissant le goût des Français pour la charge de la cavalerie lourde, décide de les attirer vers ses troupes retranchées derrière des fosses et des clôtures. La cavalerie espagnole simule une charge mais bat en retraite rapidement, incitant la cavalerie française à se lancer à sa poursuite. Les Français tombent dans le piège et se précipitent vers l'ennemi jusqu'à arriver à portée de tir des arquebuses et de l'artillerie. La cavalerie française essaie de contourner l'obstacle du fossé et du talus par la gauche mais sont mitraillés pendant le mouvement. Armagnac tombe sous les tirs ennemis. Le reste de l'armée française entre en action, les fantassins sont décimés par les tirs d'arquebuse. Menacés par l'avancée des fantassins français, les arquebusiers se retirent, pour laisser le champ libre aux piquiers allemands, qui finissent par repousser leurs assaillants suisses et gascons. Le Gran Capitán donne l'ordre de l'assaut final à l'ensemble de ses troupes. Sa cavalerie légère met en fuite la cavalerie française et se joint aux autres unités pour submerger ce qu'il reste de l'infanterie française, qui finit par se rendre.

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Avec les défaites françaises de Seminara et du Garigliano, celle de Cérignole entraînent la perte de Naples et l'expulsion des Français de cette partie de l'Italie. En février 1504 est signé l'armistice de Lyon par lequel Louis XII renonce au royaume de Naples au profit de Ferdinand II d'Aragon. Louis XII a donc permis l'extension de la Papauté et a provoqué l'installation des Espagnols à Naples.

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Gonzalve de Cordoue regardant la dépouille de Louis d'Armagnac-Nemours, œuvre de Federico de Madrazo y Küntz, musée du Prado – Domaine public. Portrait de Louis d'Armagnac, duc de Nemours (1472-1503) par Inconnu (art français) — reprodart.com, Domaine public.