22 juin 1940 : Texte de l'armistice signé à Rethondes
M. le Colonel-Général Keitel, Chef du Haut Commandement allemand, mandaté par le Führer du Reich allemand et Commandant suprême des Forces armées allemandes, d'une part,
et M. le Général d'Armée Huntziger,
M. l'Ambassadeur de France Noël,
M. le Vice-Amiral Leluc, et
M. le Général de l'Air Bergeret,
plénipotentiaires du Gouvernement français munis de pouvoirs réguliers, d'autre part,
sont convenus de la Convention d'armistice suivante :
Article premier.
Le Gouvernement français ordonne la cessation des hostilités
contre le Reich allemand, sur le territoire français, ainsi que
dans les possessions, colonies, protectorats et territoires sous mandat
et sur les mers. Il ordonne que les troupes françaises, déjà
encerclées par les troupes allemandes, déposent immédiatement
les armes.
Article 2.
En vue de sauvegarder les intérêts du Reich allemand, le territoire
français, situé au nord et à l'ouest de la ligne
tracée sur la carte ci-annexée, sera occupé par les
troupes allemandes. Dans la mesure où les régions du territoire
occupé ne se trouvent pas encore au pouvoir des troupes allemandes,
leur occupation sera effectuée immédiatement après
la conclusion de la présente convention.
Article 3.
Dans les régions occupées de la France, le Reich allemand
exerce tous les droits de la puissance occupante. Le Gouvernement français
s'engage à faciliter par tous les moyens les réglementations
relatives à l'exercice de ces droits et à la mise en exécution
avec le concours de l'Administration française. Le Gouvernement
français invitera immédiatement toutes les autorités
et tous les services administratifs français du territoire occupé
à se conformer aux réglementations des autorités militaires
allemandes et à collaborer avec ces dernières d'une manière
correcte.
Le Gouvernement allemand a l'intention de réduire au strict minimum
l'occupation de la côte occidentale après la cessation des
hostilités avec l'Angleterre.
Le Gouvernement français est libre de choisir son siège dans le territoire non occupé, ou bien s'il le désire, de le transférer même à Paris.
Dans ce dernier cas, le Gouvernement allemand s'engage à apporter toutes facilités nécessaires au Gouvernement et à ses services administratifs centraux, afin qu'ils soient en mesure d'administrer de Paris les territoires occupés et non occupés.
Le Gouvernement français est libre de choisir son siège dans le territoire non occupé, ou bien s'il le désire, de le transférer même à Paris.
Dans ce dernier cas, le Gouvernement allemand s'engage à apporter toutes facilités nécessaires au Gouvernement et à ses services administratifs centraux, afin qu'ils soient en mesure d'administrer de Paris les territoires occupés et non occupés.
Article 4.
Les forces armées françaises sur terre, sur mer et dans les
airs devront être démobilisées et désarmées
dans un délai encore à déterminer. Sont exemptes de
cette obligation les troupes nécessaires au maintien de l'ordre
intérieur. Leurs effectifs et leurs armes seront déterminés
par l'Allemagne ou par l'Italie respectivement;
Les forces armées françaises stationnées dans les
régions à occuper par l'Allemagne devront être rapidement
ramenées sur le territoire non occupé et seront démobilisées.
Avant d'être ramenées en territoire non occupé, ces
troupes déposeront leurs armes et leur matériel aux endroits
où elles se trouvent au moment de l'entrée en vigueur de
la présente convention. Elles seront responsables de la remise régulière
du matériel et des armes sus-mentionnées aux troupes allemandes.
Article 5.
Comme garantie de la stricte observation des conditions d'armistice, il
pourra être exigé que toutes les pièces d'artillerie,
les chars de combat, les engins anti-chars, les avions militaires, les
canons de la D.C.A., les armes d'infanterie, tous les moyens de traction
et les munitions des unités de l'armée française engagées
contre l'Allemagne et qui se trouvent, au moment de l'entrée en
vigueur de la présente convention, sur le territoire ne devant pas
être occupé par l'Allemagne, soient livrés en bon état.
La Commission allemande d'armistice décidera de l'étendue
de ces livraisons. Il peut être renoncé à la livraison
d'avions militaires si tous les avions encore en possession des forces
armées françaises sont désarmés et mis en sécurité
sous contrôle allemand.
Article 6.
Les armes, munitions et matériels de guerre de toute espèce
restant en territoire français non occupé - dans la mesure
où ceux-ci n'auront pas été laissés à
la disposition du Gouvernement français pour l'armement des unités
françaises autorisées - devront être entreposées
ou mises en sécurité sous contrôle allemand ou italien
respectivement. Le Haut-Commandement allemand se réserve le droit
d'ordonner à cet effet toutes les mesures nécessaires pour
empêcher l'usage abusif de ce matériel. La fabrication de
nouveau matériel de guerre en territoire non occupé devra
cesser immédiatement.
Article 7.
Toutes les fortifications terrestres et côtières avec leurs
armes, munitions et équipements, les stocks et installations de
tout genre, se trouvant dans les régions à occuper, devront
être livrées en bon état. Devront être remis,
en outre, les plans de ces fortifications, ainsi que les plans de celles
déjà prises par les troupes allemandes.
Tous les détails sur les emplacements minés, les barrages
de mines terrestres, les fusées à retardement, les barrages
chimiques, etc., sont à remettre au Haut-Commandement allemand.
Ces obstacles devront être enlevés par les forces françaises
sur la demande des autorités allemandes.
Article 8.
La flotte de guerre française - à l'exception de la partie
qui est laissée à la disposition du Gouvernement français
pour la sauvegarde des intérêts français dans son empire
colonial - sera rassemblée dans des ports à déterminer
et devra être démobilisée et désarmée
sous le contrôle de l'Allemagne ou respectivement de l'Italie.
La désignation de ces ports sera faite d'après les ports
d'attache des navires en temps de paix. Le gouvernement allemand déclare
solennellement au Gouvernement français qu'il n'a pas l'intention
d'utiliser pendant la guerre, à ses propres fins, la flotte de guerre
française stationnée dans les ports sous contrôle allemand,
sauf les unités nécessaires à la surveillance des
côtes et au dragage des mines.
Il déclare, en outre, solennellement et formellement, qu'il n'a pas l'intention de formuler de revendications à l'égard de la flotte de guerre française lors de la conclusion de la paix ; exception faite de la partie de la flotte de guerre française à déterminer qui sera affectée à la sauvegarde des intérêts français dans l'empire colonial, toutes les unités de guerre se trouvant en dehors des eaux territoriales françaises devront être rappelées en France.
Il déclare, en outre, solennellement et formellement, qu'il n'a pas l'intention de formuler de revendications à l'égard de la flotte de guerre française lors de la conclusion de la paix ; exception faite de la partie de la flotte de guerre française à déterminer qui sera affectée à la sauvegarde des intérêts français dans l'empire colonial, toutes les unités de guerre se trouvant en dehors des eaux territoriales françaises devront être rappelées en France.
Article 9.
Le Haut-Commandement français devra fournir au Haut-Commandement
allemand les indications précises sur toutes les mines posées
par la France, ainsi que sur tous les barrages de mines dans les ports
et en avant des côtes, ainsi que sur les installations militaires
de défense et de protection.
Le dragage des barrages de mines devra être effectué par
les forces françaises dans la mesure où le Haut-Commandement
allemand décidera.
Article 10.
Le Gouvernement français s'engage à n'entreprendre à
l'avenir aucune action hostile contre le Reich allemand avec aucune partie
des forces armées qui lui restent, ni d'aucune autre manière.
Le Gouvernement français empêchera également les
membres des forces armées françaises de quitter le territoire
français et veillera à ce que ni les armes, ni des équipements
quelconques, ni navires, avions, etc., ne soient transférés
en Angleterre ou à l'étranger.
Le Gouvernement français interdira aux ressortissants français
de combattre contre l'Allemagne au service d'États avec lesquels
l'Allemagne se trouve encore en guerre. Les ressortissants français
qui ne se conformeraient pas à cette prescription seront traités
par les troupes allemandes comme francs-tireurs.
Article 11.
Jusqu'à nouvel ordre, il sera interdit aux navires de commerce français
de tout genre, y compris les bâtiments de cabotage et les bâtiments
de ports se trouvant sous le contrôle français, de sortir
des ports. La reprise du trafic commercial sera subordonnée à
l'autorisation préalable du Gouvernement allemand ou du Gouvernement
italien respectivement.
Les navires de commerce français se trouvant en dehors des ports
français seront rappelés en France par le Gouvernement français
et, si cela n'est pas possible, ils seront dirigés sur des ports
neutres. Tous les navires de commerce allemands arraisonnés se trouvant
dans les ports français seront rendus en bon état si la demande
en est faite.
Article 12.
Une interdiction de décollage à l'égard de tous les
avions se trouvant sur le territoire français sera prononcée
immédiatement. Tout avion décollant sans autorisation préalable
allemande sera considéré par l'aviation militaire allemande
comme un avion ennemi et sera traité comme tel.
Les aérodromes, les installations terrestres de l'aviation militaire
en territoire non occupé seront placés sous contrôle
allemand ou italien respectivement.
Il peut être exigé qu'on les rende inutilisables. Le Gouvernement
français est tenu de mettre à la disposition des autorités
allemandes tous les avions étrangers se trouvant en territoire non
occupé ou de les empêcher de poursuivre leur route. Ces avions
devront être livrés aux autorités militaires allemandes.
Article 13.
Le Gouvernement français s'engage à veiller à ce que,
dans le territoire à occuper par les troupes allemandes, toutes
les installations, outils et les stocks militaires soient remis intacts
aux troupes allemandes. Il devra en outre veiller à ce que les ports,
les entreprises industrielles et les chantiers navals restent dans l'état
dans lequel ils se trouvent actuellement, et à ce qu'ils ne soient
endommagés d'aucune façon, ni détruits. Il en est
de même pour les moyens et voies de communications de toute nature,
notamment en ce qui concerne les voies ferrées, les routes et voies
navigables, l'ensemble des réseaux télégraphiques
et téléphoniques, ainsi que les installations d'indication
de navigabilité et de balisage des côtes. En outre le Gouvernement
français s'engage, sur ordre du Haut-Commandement allemand, à
procéder à tous les travaux de remise en état nécessaires.
Le Gouvernement français veillera à ce que, sur le territoire
occupé, soient disponibles le personnel spécialisé
nécessaire et la quantité de matériel roulant de chemins
de fer et autres moyens de communications correspondant aux conditions
normales du temps de paix.
Article 14.
Tous les postes émetteurs de T.S.F. se trouvant en territoire français
doivent cesser sur-le-champ leurs émissions. La reprise des transmissions
par T.S.F. dans la partie du territoire non occupée sera soumise
à une réglementation spéciale.
Article 15.
Le Gouvernement français s'engage à effectuer le transport
en transit des marchandises entre le Reich allemand et l'Italie, à
travers le territoire non occupé dans la mesure requise par le Gouvernement
allemand.
Article 16.
Le Gouvernement français procédera au rapatriement de la
population dans les territoires occupés, d'accord avec les services
allemands compétents.
Article 17.
Le Gouvernement français s'engage à empêcher tout transfert
de valeurs à caractère économique et des stocks du
territoire à occuper par les troupes allemandes dans les territoires
non occupés ou à l'étranger.
Il ne pourra être disposé de ces valeurs et stocks se trouvant
en territoire occupé, qu'en accord avec le Gouvernement du Reich,
étant entendu que le Gouvernement allemand tiendra compte de ce
qui est nécessaire à la vie des populations des territoires
non occupés.
Article 18.
Les frais d'entretien des troupes d'occupation allemande sur le territoire
français seront à la charge du Gouvernement français.
Article 19.
Tous les prisonniers de guerre et prisonniers civils allemands, y compris
les prévenus et condamnés qui ont été arrêtés
et condamnés pour des actes commis en faveur du Reich allemand,
doivent être remis sans délai aux troupes allemandes. Le Gouvernement
français est tenu de livrer sur demande tous les ressortissants
allemands désignés par le Gouvernement du Reich et qui se
trouvent en France, de même que dans les possessions françaises,
les colonies, les territoires sous protectorat et sous mandat.
Le Gouvernement français s'engage à empêcher le
transfert de prisonniers de guerre ou de prisonniers civils allemands de
France dans les possessions françaises ou bien à l'étranger.
Pour ce qui concerne les prisonniers déjà transférés
hors de France, de même que les prisonniers de guerre allemands malades,
inévacuables ou blessés, des listes exactes portant la désignation
de l'endroit de leur séjour doivent être présentées.
Le Haut-Commandement allemand s'occupera des prisonniers de guerre allemands, malades ou blessés.
Le Haut-Commandement allemand s'occupera des prisonniers de guerre allemands, malades ou blessés.
Article 20.
Les membres des forces armées françaises qui sont prisonniers
de guerre de l'armée allemande resteront prisonniers de guerre jusqu'à
la conclusion de la paix.
Article 21.
Le Gouvernement français est responsable de la mise en sécurité
de tous les objets et valeurs dont la remise en bon état ou la tenue
à la disposition de l'Allemagne est stipulée dans cette convention
ou dont le transfert en dehors de la France est défendu. Le Gouvernement
français sera passible de dommages et intérêts pour
toutes les destructions, dommages ou détournements contraires à
la présente convention.
Article 22.
Une Commission d'armistice allemande, agissant sous les ordres du Haut-Commandement
allemand, réglera et contrôlera l'exécution de la convention
d'armistice.
La Commission d'armistice est, en outre, appelée à assurer
la concordance nécessaire de cette convention, avec la convention
d'armistice italo- française.
Le Gouvernement français constituera au siège de la Commission
d'armistice allemande une délégation chargée de représenter
les intérêts français et de recevoir les ordres d'exécution
de la Commission allemande d'armistice.
Article 23.
Cette convention entrera en vigueur aussitôt que le Gouvernement
français sera également arrivé, avec le Gouvernement
italien, à un accord relatif à la cessation des hostilités.
La cessation des hostilités aura lieu six heures après
que le Gouvernement italien aura annoncé au Gouvernement du Reich
la conclusion de cet accord.
Le Gouvernement du Reich fera connaître par radio ce moment au
Gouvernement français.
Article 24.
La présente convention d'armistice est valable jusqu'à la
conclusion du traité de paix. Elle peut être dénoncée
à tout moment pour prendre fin immédiatement, par le Gouvernement
allemand, si le Gouvernement français ne remplit pas les obligations
par lui assumées dans la présente convention.
La présente convention d'armistice a été signée
le 22 juin 1940, à 18 h. 36, heure d'été allemande,
dans la forêt de Compiègne.
Signé : HUNTZIGER, KEITEL
Note. La ligne mentionnée à l'article 2 de la convention d'armistice commence, à l'est, à la frontière franco-suisse, près de Genève, et est jalonnée ensuite par les localités de Dôle, Paray-le-Monial et Bourges, jusqu'à environ vingt kilomètres à l'est de Tours. De là, elle passe à une distance de vingt kilomètres à l'est de la ligne de chemin de fer Tours-Angoulême-Libourne, ainsi que, plus loin, par Mont-de-Marsan et Orthez, jusqu'à la frontière espagnole.