15 juillet 1099 : Godefroy de Bouillon et la première croisade, Dieu l’a-t-il voulu ?

https://www.facebook.com/groups/GrandesChroniquesDeFrance/?ref=group_browse_new

On a souvent tendance à imaginer les Croisades comme la confrontation entre deux mondes bien distincts, le choc entre Orient et Occident, entre Chrétienté et Islam. En réalité, une troisième entité occupe la scène, et non des moindres : le monde byzantin. Certes, quatre siècles avant la première croisade, les Arabes avaient anéanti, au cours de leurs foudroyantes conquêtes du VII e siècle, les chrétiens de Syrie, d'Égypte, d'Afrique du Nord. Mais, dans les deux siècles qui précèdent le début de la première croisade, Byzance – ou plutôt Constantinople – connaît une période de faste et de prospérité. En 1054, année du schisme entre les Églises d’Orient et d’Occident, la séparation définitive entre Rome et Byzance est consommée. Qu’on se le dise, du point de vue des Byzantins, les Chrétiens d’Occident sont au moins aussi barbares que les Musulmans !

En mars 1095, l’empereur byzantin Alexis Ier Comnène demande de l’aide au pape Urbain II contre les Turcs seldjoukides qui se pressent aux portes de son empire. Même si les relations entre les chrétiens de Rome et ceux de Byzance sont plutôt tendues, Alexis espère que son ancienne alliée lui viendra en aide. Contre toute attente, Urbain II non seulement répond à cet appel, mais va faire preuve d’un excès de zèle plutôt inattendu ! Le pape voit ici une occasion en or d’anéantir une bonne fois pour toute ces ennemis de la foi chrétienne. Quelques mois à peine après la demande d’aide de son homologue orthodoxe, à Clermont, Urbain II, orateur puissant, de haute taille, prêche pour aller libérer la Terre sainte occupée par les musulmans.

Cet appel déchaîne un grand enthousiasme. Ceux qui partent portent une croix d'étoffe rouge cousue sur leurs vêtements - d'où le nom de croisés - et la piété s'allie en eux au goût de l'aventure et à l'espoir de s'enrichir tout en faisant leur salut. D’autant plus que le pape accorde aux croisés l'indulgence plénière. Les croisés arrivent, par quatre routes terrestres, à Constantinople, s'emparent de Nicée pour le compte de Byzance (1097), traversent l'Asie Mineure et parviennent devant Antioche, qu'ils prennent après un long siège. Un an plus tard, le 15 juillet 1099, ils assaillent victorieusement Jérusalem, se livrant au pillage et au massacre. Après cette victoire éclatante sur les Turcs, la côte de la Terre sainte est bientôt conquise et organisée en quatre principautés chrétiennes et féodales : le comté d'Édesse (1098-1144), la principauté d'Antioche (1098-1268), le comté de Tripoli (1109-1289) et le royaume de Jérusalem (1099-1291).

Magnifié et statufié comme seuls, peut-être, le furent les combattants de la guerre de Troie, Godefroy de Bouillon a longtemps relevé du mythe plutôt que de l'histoire. Pourtant son intervention fut décisive sur l'évolution de l'Occident comme sur celle de l'Orient. Une brillante ascendance - sa famille descendait de Charlemagne -, un enracinement dans une région - entre Rhin, Meuse et Escaut - en plein essor économique et touchée plus tôt que d'autres par la réforme religieuse et sociale entreprise par l'Église : tout désignait ce féodal d'une grande bravoure et exerçant un fort ascendant sur les hommes à conduire l'une des trois armées parties en 1096 délivrer le tombeau du Christ. Participant actif à la prise d'Antioche, vainqueur de Jérusalem, il sut comme avoué (gardien) du Saint-Sépulcre jeter en moins d'un an les bases d'un État appelé à durer plus d'un siècle et demi. Il connut une destinée posthume plus glorieuse encore. Stupéfait de l'exploit qu'il avait accompli à travers Godefroy, l'Occident fit de lui le parangon des vertus chrétiennes et chevaleresques : les chansons de geste sont pleines de ses hauts faits. Il hanta Dante,  Le Tasse et Chateaubriand ; au siècle dernier encore, il divisa le plus sérieusement du monde les érudits de deux grandes nations d'Europe pour savoir...s'il était belge ou français !"