14 mai 1643 : La longue agonie du « très chrétien » roi Louis XIII
Au
regard de l'Histoire, Louis XIII est un roi oublié. Eclipsé par le panache de
son père Henri IV, occulté par l'éblouissante renommée de son fils Louis XIV,
il laisse l'impression d'un monarque mélancolique et sans personnalité, dominé
par son Premier ministre, le tout-puissant cardinal de Richelieu. C'est oublier
que Louis a survécu six mois à son ministre : six mois ignorés de la postérité,
mais capitaux pour l'histoire de France. Car entre décembre 1642 et mai 1643,
il est à la tête d'un pays en guerre contre l'Espagne, au centre d'une Cour
déchirée par les cabales. On sait le roi malade ; le dauphin est un enfant ;
qui va assumer la régence ? La reine, Anne d'Autriche, le frère du roi, Gaston
d'Orléans, les princes du sang et les grands s'allient, se brouillent et
complotent, cependant qu'un quasi-inconnu nommé Giulio Mazarini progresse dans
les allées du pouvoir... En sa longue agonie, Louis poursuivit un dessein
unique : assurer le destin du trône de France. Et, en grand roi qu'il était, il
y parvint.
Outre Orléans, Condé et Mazarin, sont nommés au Conseil de régence : Séguier, chancelier de France, garde des Sceaux ; Bouthillier, surintendant des finances et grand trésorier ; Chavigny, secrétaire d’Etat. La Reine est ainsi ficelée dans sa future régence.
Trente-trois
ans, jour pour jour après la mort de son père Henri IV (assassiné le 14 mai
1610), le roi Louis XIII, dit « le Juste », meurt au château neuf de Saint-Germain-en-Laye,
le 14 mai 1643. Autant la mort du roi Henri IV a été subite, autant celle de
son fils est longue.
Louis XIII est un malade qui
connaît un état de dépression constant, qui en fait une personnalité torturée,
forte et faible à la fois. Il a neuf ans lorsqu’il perd son père aimé et
admiré. Le petit roi allait vivre sous la tutelle d’une mère, Marie de Médicis,
peu douée pour la tendresse et fortement autoritaire. Pourtant, quand il apprend
la mort en exil de celle-ci, le 3 juillet 1642, il ne peut retenir son émotion.
Au plan physique, Louis XIII
souffre depuis sa plus tendre enfance de crises intestinales. A 42 ans, le roi ressemble
à un vieillard à l’organisme affaibli, amaigri, fatigué… Il est sujet aux
migraines et aux hémorroïdes. Grâce au journal quotidien du premier médecin du
roi, Jean Héroard (mort en 1628), le roi était probablement atteint de la
maladie de Crohn.
Le 21 février 1643, le roi est alité au Château Vieux de
Saint-Germain-en-Laye. Puis le 19 mars, il est transporté au Château neuf, l’air
y étant réputé plus respirable. Louis XIII va survivre jusqu’au 14 mai. Ce
temps, il va le consacrer à sa succession. En effet, son aîné, Louis-Dieudonné,
le futur Louis XIV, n’a que cinq ans. Il faut donc régler la question de la
régence. Car déjà les partis se forment : l’évêque de Beauvais et Loménie
de Brienne soutiennent la Reine face aux partisans de Gaston. De plus, le jeune
Louis-Dieudonné n’est toujours pas baptisé. Il faut faire vite.
Le Roi n’a aucune confiance en sa femme, la reine Anne d’Autriche.
Mais, à juste titre, il se méfie tout autant de son frère Gaston d’Orléans. Le
20 avril 1643, Louis XIII fait lire ses décisions. Sont réunis pour assister à
la lecture la Reine, le frère du Roi, Henri de Condé, les ducs et pairs, les
membres du Conseil et les grands officiers du royaume :
La Reine sera régente… : « A
ces causes, de notre certaine science, pleine puissance et autorité royale, nous
avons ordonné et ordonnons, voulons et nous plaît qu’advenant notre décès avant
que notre fils aîné le dauphin soit entré en la quatorzième année de son âge,
ou en cas que notre dit fils le dauphin décédât avant la majorité de notre
second fils le duc d’Anjou, notre très chère et très aimée épouse et compagne,
la reine, mère de nos dits enfants, soit régente en France, qu’elle ait l’éducation
et instruction de nos dits enfants avec l’administration et gouvernement du
royaume tant et si longuement que durera la minorité de celui qui sera roi (…) »
…mais sous la tutelle d’un Conseil de
régence… : « avec l’avis du Conseil et en la forme que nous
ordonnerons ci-après. (…) par les avis duquel et sous son autorité, ls
grandes et difficiles affaires »
…Conseil placé sous la présidence de
Gaston d’Orléans… : « Et pour témoigner à ‘notre
très cher et très aimé frère, le duc d’Orléans, que rien n’a été capable de
diminuer l’affection que nous avons toujours eu pour lui, nous voulons et
ordonnons qu’après notre décès il soit lieutenant général du roi mineur en
toutes les provinces du royaume pour exercer pendant la minorité ladite charge
sous l’autorité de ladite reine régente et du Conseil (…) »
…et d’une vice-présidence détenue par
le prince de Condé et le cardinal Mazarin : « Nous
voulons et ordonnons que notre très cher et très aimé frère le duc d’Orléans et
en son absence, nos très chers et très aimés cousins le prince de Condé et le
cardinal Mazarin soient chefs dudit Conseil selon l’ordre qu’ils sont nommés sous
l’autorité de ladite dame reine régente (…) »
Source : Archives Nationales, X1A 8654
Outre Orléans, Condé et Mazarin, sont nommés au Conseil de régence : Séguier, chancelier de France, garde des Sceaux ; Bouthillier, surintendant des finances et grand trésorier ; Chavigny, secrétaire d’Etat. La Reine est ainsi ficelée dans sa future régence.
Le lendemain, 21 avril, le petit dauphin Louis est baptisé par l’évêque
de Meaux, accompagné de sa marraine, Charlotte de Montmorency, princesse de
Condé, dernière passion de son grand-père Henri IV et de son parrain, le
cardinal Jules Mazarin.
Restait au roi de France à réussir sa mort de chrétien.
Le 23 avril, le roi Louis reçoit l’extrême-onction devant toute
la famille réunie. L’ambiance est survoltée. La rumeur se propage que les
enfants royaux vont être enlevés pour le compte de Gaston. Inquiet, le maréchal
de La Meilleraye fait venir des gardes supplémentaires. Gaston et Condé font
appel à leurs partisans. Mais le roi revient à lui. Mieux, il se lève et prend
son diner. La Reine s’installe dans une chambre attenante à celle de son époux.
Tout est calme…
Mais le Roi tousse de plus en plus. Il est sujet à d’importantes
diarrhées, des vomissements et de nombreux ulcères. Malgré l’odeur insupportable,
Anne d’Autriche reste auprès de lui. Louis XIII, toujours lucide peste contre
ses médecins. Il faut effectivement reconnaître que ceux-ci lui ont
certainement porté le coup de grâce. Notamment Bouvard qui, dans les deux dernières
années de la vie de son royal patient, a pratiqué 34 saignées, 1200 lavements
(vous avez bien lu mille deux cents !) et 250 purges.
Le 12 mai, il reçoit l’extrême-onction.
Le roi réunit une dernière fois son frère et son épouse en leur demandant de s’entendre
pour le bien de ses fils et du royaume. Dans la journée il dicte son testament
personnel, distribuant aumônes aux pauvres et demandant des messes pour son
âme. Le 13 mai, le roi passe la journée avec son confesseur. Le 14 mai 1643,
après la messe, il bénit une dernière fois sa femme et ses enfants, récite la
prière des agonisants et prononce le nom de « Jésus ». Le roi très chrétien
Louis XIII expire à deux heures trois quart.
Saint Vincent de Paul est
témoin de la mort du roi :
« Depuis que je suis sur terre, je n’ai
vu mourir une personne plus chrétiennement. Il y a environ quinze jours qu’il
me fit recommander de l’aller voir. Et il me fit redemander il y a trois jours,
pendant lesquels Notre-Seigneur m’a fait la grâce d’être auprès de lui. Jamais
je n’ai vu plus d’élévation à Dieu, plus de tranquillité, plus d’appréhension
des moindres atomes qui paraissaient péché, plus de bonté, ni plus de jugement
en une personne en cet état. Avant-hier, les médecins, l’ayant vu assoupi et
les yeux tournés, appréhendèrent qu’il ne dût passer et le dirent au père confesseur,
qui l’éveilla tout aussitôt et lui dit que les médecins estimaient que le temps
était venu auquel il fallait faire la recommandation de son âme à Dieu. Au même
temps, cet esprit, plein de celui de Dieu, embrassa tendrement et longtemps ce
bon père et le remercia de la bonne nouvelle qu’il lui donnait ; et
incontinent après, levant les yeux et les bras au ciel, il dit le Te Deum laudamus et l’acheva avec tant
de ferveur que le seul ressouvenir m’attendrit tant à l’heure que je vous parle. »
Saint Vincent de Paul, Lettre à Bernard
Codoing.