12 mai 1802 : Bonaparte en marche vers Napoléon

Après le refus du Conseil des Cinq-Cents (une des deux assemblées législatives du Directoire avec le Conseil des Anciens) de réformer la Constitution de l’an III, Bonaparte renverse le Directoire et prend le pouvoir suite au coup d’Etat du 18 brumaire (9 novembre 1799). Il est alors constitué une Commission consulaire exécutive composée de trois consuls : Napoléon Bonaparte, Emmanuel-Joseph Sieyès et Roger Ducos. 

Les assemblées ont désigné chacune une commission pour les affaires judiciaires courantes et pour la préparation d'une nouvelle constitution. De nombreuses séances ont lieu en novembre et début décembre, Bonaparte intervient pour accélérer les choses. 

Proclamation des Consuls de la République du 24 frimaire an VIII (15 décembre 1799) aux Français :

"Une Constitution vous est présentée. - Elle fait cesser les incertitudes que le Gouvernement provisoire mettait dans les relations extérieures, dans la situation intérieure et militaire de la République. - Elle place dans les institutions qu'elle établit les premiers magistrats dont le dévouement a paru nécessaire à son activité. - La Constitution est fondée sur les vrais principes du Gouvernement représentatif, sur les droits sacrés de la propriété, de l'égalité, de la liberté. - Les pouvoirs qu'elle institue seront forts et stables, tels qu'ils doivent être pour garantir les droits des citoyens et les intérêts de l'Etat. - Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l'ont commencée : elle est finie."

La constitution de l'An VIII est rédigée en 11 jours par Daunou ; elle est promulguée le 25 décembre 1799 ; ratifiée ensuite par plébiscite le 7 février 1800. Le Consulat est officiellement installé le 1er janvier1800 (11 nivôse an VIII). Le texte est taillé pour Bonaparte qui devient 1er consul. Les deux autres n’ont plus qu’un pouvoir consultatif : Jean-Jacques-Régis de Cambacérès et Charles-François Lebrun.


Le 4 mai 1802, Napoléon Bonaparte déclare devant le Conseil d'État : « Jamais le gouvernement militaire ne prendra en France, à moins que la nation ne soit abrutie par cinquante ans d'ignorance... Ce n'est pas comme général que je gouverne, mais parce que la nation croit que j'ai les qualités civiles propres au gouvernement ». Le surlendemain, le Tribunat propose « qu'il soit donné au général Bonaparte, Premier Consul, un gage éclatant de la reconnaissance nationale ». Le 8 mai 1802, le sénateur Augustin de Lespinasse propose de nommer Napoléon Bonaparte consul à vie. Un sénatus-consulte le déclarant réélu Premier Consul « pour les dix années qui suivront immédiatement les dix ans pour lesquels il a été nommé » - c’est-à-dire 1819 - réunit 61 voix contre 2. Le lendemain, le 1er Consul adresse un message de remerciement au Sénat : « Le suffrage du peuple m'a investi de la suprême magistrature. Je ne me croirais pas assuré de sa confiance, si l'acte qui m'y retiendrait n'était encore sanctionné par son suffrage ». Et le 10 mai 1802, un arrêté consulaire soumet à un plébiscite la question : « Napoléon sera-t-il Consul à vie ? » 

Arrêté des Consuls du 20 floréal an X (10 mai 1802) 
Article 1. - Le peuple français sera consulté sur cette question : "Napoléon Bonaparte sera-t-il Consul à vie ?" 
Article 2. - Il sera ouvert, dans chaque commune, des registres où les citoyens seront invités à consigner leur vœu sur cette question. 
Article 3. - Ces registres seront ouverts aux secrétariats de toutes les administrations, aux greffes de tous les tribunaux, chez tous les maires et tous les notaires. 
Article 4. - Le délai pour voter dans chaque département sera de trois semaines, à compter du jour où cet arrêté sera parvenu à la préfecture ; et de sept jours, à compter de celui où l'expédition sera parvenue à chaque commune.

Le 12 mai 1802, le consulat à vie est voté à l'unanimité moins la voix de Lazare Carnot au Tribunat, à l'unanimité moins trois voix au Corps législatif. 

En août de la même année, Napoléon Bonaparte est proclamé Premier Consul à vie à l'issue du plébiscite (le 2).

Sénatus-consulte du 14 thermidor an X (2 août 1802), qui proclame Napoléon Bonaparte Premier consul à vie 
Article 1. - Le Peuple français nomme, et le Sénat proclame Napoléon Bonaparte Premier consul à vie. 
Article 2. - Une statue de la Paix, tenant d'une main le laurier de la Victoire, et de l'autre le décret du Sénat, attestera à la postérité la reconnaissance de la Nation. 
Article 3. - Le Sénat portera au Premier consul l'expression de la confiance, de l'amour et de l'admiration du peuple français.

La constitution de l'an VIII est remaniée par sénatus-consulte pour l'adapter au Consulat à vie – et non le contraire comme on le croit trop souvent –, dit aussi « Constitution de l'anX » (le 4 – 16 thermidor an X).


Le 15 août 1802 est célébré l'anniversaire de Bonaparte et la fête du Consulat à vie avec un Te Deum à Notre-Dame de Paris.



 

Droit constitutionnel du Consulat

La Constitution de l’anVIII consacre le désir d'ordre de la bourgeoisie et celui de pouvoir personnel de Napoléon Bonaparte, marquant une rupture avec les constitutions précédentes. Elle permet au 1er Consul d'exercer un pouvoir personnel en maintenant une illusion de démocratie. Ainsi comme le souhaite Sièyes, « L'autorité vient d'en haut et la confiance d'en bas ».

Les pouvoirs du premier Consul sont considérables. Il nomme et révoque les ministres ; il nomme aux principales fonctions publiques et il a un certain pouvoir d'initiative en matière législative ; il est doté de pouvoirs importants pour la diplomatie et en matière militaire. L'exécutif marginalisé pendant la Révolution détient désormais la réalité du pouvoir, aidé en cela par le rôle du Conseil d'État (assemblée purement technique avec entre 30 et 50 membres nommés par le premier consul à partir de la liste nationale). Il n’est responsable devant personne.

Le législatif est affaibli par sa division entre trois Assemblées :

Le Tribunat est composé de 100 députés élus pour cinq ans, renouvelé par 1/5e tous les ans. Il est chargé de discuter des projets de loi et de donner son avis sans pouvoir voter, ni bloquer le projet de lois.
Le Corps législatif, composé de 300 membres, vote les projets de loi sans les discuter. Les membres en sont également élus pour cinq ans et renouvelable tous les ans par 1/5e.
Le Sénat, composé de 80 membres (les 60 premiers nommés par Bonaparte cooptent les 20 autres).  Il n'est pas au départ un organe législatif. Il est une sorte de juge constitutionnel. Il élit les membres du Corps législatif et du Tribunat à partir de la liste nationale, les juges de cassation et les commissaires à la comptabilité.
Aucune des assemblées ne détient l'initiative des lois.

De la Constitution de l’an X, réorganisation partielle de la Constitution de l’an VIII, les pouvoirs de Bonaparte en sortent renforcés :

Il a le droit de grâce. Il peut signer seul les traités. Le suffrage universel est partiellement abandonné au profit du suffrage censitaire. Il peut ainsi modifier la Constitution et prendre des mesures exceptionnelles (dissolution Tribunat ou Corps législatif).
Le Sénat conservateur voit ses pouvoirs augmentés au détriment du Corps législatif et du Tribunat. Mais, il est en contrepartie soumis plus fortement à Bonaparte qui peut nommer de nouveaux membres au Sénat.

Voir le dossier : "NAPOLEON 1er, UNE EPOPEE FRANCAISE"
Voir: Les hommes du Consulat
Documents relatifs à la proclamation de l'Empire [1802-1804]