1er avril 1810 : Napoléon épouse Marie-Louise d’Autriche


En 1810, les relations franco-russes se sont refroidies. Le tsar, qui espérait obtenir le grand-duché de Varsovie, se dit déçu du traité de Vienne. Songeant à divorcer de Joséphine, Napoléon songe à divorcer de Joséphine, de laquelle il n’a toujours pas d’hériter. Il envisage dans un premier temps de demander en mariage la sœur cadette du tsar Alexandre. Mais, craignant un refus (contrairement à ce qu’il écrit dans son courrier du 6 février 1810 (cf infra), il choisit de solliciter la main de Marie-Louise, fille de l’empereur autrichien François 1er.

Le divorce ayant été prononcé le 16 décembre 1809, le demande en mariage à Marie-Louise d’Autriche est faite le 6 janvier 1810 et accordée le lendemain. Le mariage est célébré à Saint-Cloud, le 1er avril. Napoléon est désormais neveu par alliance de Louis XVI et entre dans la famille royale.

CHRONOLOGIE

25 décembre 1809, Metternich écrit à l'ambassadeur d’Autriche à Paris :

« Si le divorce de Napoléon a lieu, il serait possible que l'on vous sondât sur une alliance avec la Maison d'Autriche. Je connais un parti qui à Paris s'emploiera très-directement en faveur de cette idée : c'est celui qui depuis longtemps vise à mettre des bornes aux bouleversements de l'Europe. »
[Lettre in Mémoires, documents et écrits divers laissés par le Prince de Metternich, 1881-1884, vol. II, p. 312].

21 janvier 1810, les conseillers de l'Empereur – Cambacérès, Murat, Berthier, Champagny, Lebrun, Eugène, Talleyrand, Fontanes et Maret – donnent leur opinion sur les trois fiancées potentielles :

1.    Maria Auguste, Princesse de Saxe, la Grande duchesse,

2.    Anna Pavlovna, la plus jeune des soeurs d'Alexandre Ier,

3.    Marie-Louise de Habsbourg-Lorraine, Archiduchesse d'Autriche.

22 janvier 1810, Marie-Louise écrit à une amie :


« Depuis le divorce de Napoléon, j'ouvre la Gazette de Francfort dans l'idée d'y trouver la nomination de la nouvelle épouse, et j'avoue que ce retard ma causes des inquiétudes involontaires […] je remets mon sort entre les mains de la divine Providence […] Si le malheur voulait, je suis prête à sacrifier mon bonheur particulier au bien de l'Etat, persuadée que l'on ne trouve la vraie félicité que dans l'accomplissement de ses devoirs, même au préjudice de ses inclinaisons. »
[Correspondance de Marie-Louise (1799-1847), Charles Gérold, Vienne, 1887]

6 février 1810, Napoléon écarte rapidement la Grande duchesse comme il l’indique dans sa lettre à Champagny :

« L'Empereur y a remarqué que la princesse Anne n'était pas encore réglée ; que quelques fois les filles restent deux années entre les premiers signes de nubilité et la maturité ; que rester trois ans sans espérance d'avoir des enfants contrarierait les intentions de l'Empereur ».
[Correspondance de Napoléon Ier, réimpression de l'édition du Second Empire, 2002, n° 16210]

23 février 1810, Napoléon Ier écrit à l'empereur d'Autriche François 1er :

« Monsieur mon Frère, je fais partir demain mon cousin le vice-connétable, prince de Neuchâtel, pour demander à Votre Majesté Impériale l'archiduchesse Marie-Louise, sa fille, en mariage. Les hautes qualités qui distinguent si éminemment cette princesse, l'avantage précieux qu'elle a de lui appartenir, me font désirer vivement cette union. On me fait espérer que Votre Majesté voudra y consentir. »
[Lettre n° 16 287, Correspondance de Napoléon Ier, édition du Second Empire, réimpression 2002, tome X, p. 240]

Même jour une semaine après la ratification de la convention portant contrat de mariage entre Napoléon et Marie-Louise, Napoléon envoie une lettre à sa future épouse :

« Les brillantes qualités qui distinguent votre personne nous ont inspiré le désir de la servir et honorer […]. Pouvons-nous nous flatter qu'elle ne sera pas déterminée uniquement par le devoir de l'obéissance à ses parents ? Pour peu que les sentiments de Votre Altesse Impériale aient été de la partialité pour nous, nous voulons les cultiver avec tant de soins, et prendre la tâche si constamment de lui complaire en tout, que nous nous flattons de réussir à lui être agréable un jour […] »
[Correspondance de Napoléon Ier, répression de l'édition du Second Empire, N° 16 288].

4 mars 1810, François Ier en grand uniforme de feld-maréchal, paré de la toison d'or, reçoit Berthier, prince de Neuchâtel qui lui lit à haute voix la demande officielle écrite par Napoléon. Marie-Louise présente donne son consentement.

9 mars 1810, Berthier et Metternich signent le contrat de mariage. Marie-Louise apporte une dot équivalente à 400 000 francs, Napoléon renonce à la succession.

11 mars 1810, église des Augustins, mariage religieux par procuration. Napoléon est représenté par l'archiduc Charles.

13 mars 1810, Marie-Louise quitte Vienne avec son train de 83 voitures.

16 mars 1810, le grand rite d'échange se déroule près du village de Saint-Pierre. Marie-Louise est remise au maréchal Berthier. Accompagnée de la reine de Naples, on procède dans la même journée à la « grande toilette ». Le soir même elle écrit à son père :

« Aujourd'hui j'arrivai à deux heures de l'après-midi au camp français, dans la baraque de Braunau. Après m'être arrêtée quelque temps dans la baraque autrichienne, je me suis rendu sur un trône placé dans la pièce de neutralité. Après qu'on eut lu les actes, tous mes compatriotes me baisèrent la main […] ; j'eus des frissons et je perdis tellement contenance que le prince de Neuchâtel commençait à pleurer. Le prince Trauttmansdorf me remit et on me présenta toute ma cour. […] » « […] une toilette qui dura deux heures ; je vous assure que je suis déjà, aussi parfumée que les autres françaises ».

17 mars 1810, le convoi s'avance en terre bavaroise et traverse le Rhin le 19 mars. Le 24 mars, Marie-Louise quitte l’Alsace.

27 mars 1810, tout se déroule à peu près comme prévu et Marie-Louise arrive sans encombre à Compiègne. Napoléon, impatient, a rejoint le cortège au village de Courcelles.  Arrivés à Compiègne en fin de journée, l'Empereur et l'Impératrice descendent ensemble du carrosse. On présente ses appartements à Marie-Louise.

Extrait de la Description des cérémonies et des fêtes qui ont eu lieu pour le mariage de S.M. l'Empereur Napoléon avec S.A.I. Madame l'archiduchesse Marie-Louise d'Autriche* :

« Le 31 mars, le premier chambellan, maître de la garde-robe, s'est rendu à onze heures du matin à l'église Notre-Dame avec trois voitures de la Cour, précédées et suivies d'un détachement de troupes à cheval. Il a été conduit par les vicaires généraux et les chanoines dans la salle du Trésor, où sont déposés la couronne et le manteau. M. l'évêque de Liège, faisant les fonctions de vicaire général, deux vicaires généraux et six chanoines en soutane et en manteau long, les ont transportés dans l'une des trois voitures, et les ont accompagnés jusqu'au palais des Tuileries. M. le Comte de Montesquiou, grand chambellan, a reçu le manteau et l'a fait déposer et garder dans la chapelle du palais : de là, le cortège s'est rendu à Saint-Cloud, où M. le duc de Frioul, grand maréchal du palais, a reçu la couronne, qu'il a fait également déposer et garder dans la chapelle.

Le 1er avril, à une heure de l'après-midi, toutes les personnes devant composer le cortège de LL. MM. Se sont réunies dans les salons de l'appartement de l'Empereur à Saint-Cloud ; celles invitées avaient été placées dans la galerie par les Maîtres et Aides des cérémonies.
Au fond de la galerie on avait placé sur une estrade couverte d'un dais deux fauteuils, l'un, à droite, pour l'Empereur, l'autre, à sa gauche, pour l'Impératrice. Au bas de l'estrade et de côté, il y avait une table couverte d'un riche tapis, avec un encrier, pour recevoir les registres de l'état civil.

A deux heures le cortège étant réuni, le Grand-Maître des cérémonies, le Colonel-Général de la garde service, et les grands-Officiers de la couronne de France et d'Italie, sont allés chercher LL. MM., qui, traversant le cabinet de l'Empereur, le salon du Trône, la salle des Princes et le salon de Mars, se sont rendus à la galerie dans l'ordre suivant :

Les huissiers ;
Les Hérauts d'armes ;
Les Pages ;
Les Aides des cérémonies ;
Les Maîtres des cérémonies ;
Les Officiers de la maison d'Italie ;
Les Ecuyers de l'Empereur de service ordinaire ;
Les Chambellans de service ordinaire ;
Les Aides-de-camp de l'Empereur ;
Les Ecuyers de jour ;
Les Chambellans de jour ;
L'Aide de camp de service ;
Le Secrétaire de l'état de la famille impériale ;
Les Grands-Officiers de la couronne d'Italie ;
Le Grand-Chambellan de France ;
Le Grand-Chambellan d'Italie ;
Le Grand-Maître des cérémonies de France ;
Le Grand-Ecuyer d'Italie ;
Les Princes Grands-Dignitaires ;
Les Princes de la famille impériale ;
L'Empereur ;
L'Impératrice.

Derrière Leurs Majestés,

Le Colonel de la garde de service ;
Le Grand-Maréchal du palais ;
Le Grand-Maître de la maison d'Italie ;
Le Grand-Aumônier de France et le Grand-Aumônier d'Italie ;
Le Chevalier d'honneur de l'Impératrice et le premier Ecuyer, portant la queue du manteau ;
La Dame d'honneur de France ;
La Dame d'honneur d'Italie ;
La Dame d'Atours ;
Les Princesses de la famille ;
Les Dames du palais ;
Les Dames d'honneur des Princesses, et un Officier de service de chacune des maisons des Princes et des Princesses.

Les huissiers, les Hérauts d'armes et les Pages se sont rangés à droite et à gauche dans le salon de Mars, près de la porte de la galerie ; les Officiers et grands-Officiers de France et d'Italie, les Dames d'honneur et la Dame d'atours sont allés se placer derrière les fauteuils de LL. MM., suivant leur rang. LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice étant arrivés sur le trône, les Princes et les Princesse se sont rangés sur l'estrade, à droite et à gauche, dans l'ordre suivant :

A droite de l'Empereur :
Madame ;
Le Prince Louis-Napoléon, Roi de Hollande ;
Le Prince Jérôme-Napoléon, Roi de Westphalie ;
Le Prince Borghèse, Duc de Guastalla ;
Le Prince Joachim-Napoléon, Roi de Naples ;
Le Prince Eugène, Vice-Roi d'Italie ;
Le Duc de Parme, Prince Archichancelier.

A gauche de l'Impératrice :
La Princesse Julie, Reine d'Espagne ;
La Princesse Hortense, Reine de Hollande ;
La Princesse Catherine, Reine de Westphalie ;
La Princesse Elisa, Grande-Duchesse de Toscane ;
La Princesse Pauline, Duchesse de Guastalla ;
La Princesse Caroline, Reine de Naples ;
Le Grand-Duc de Wurtzbourg ;
La Princesse Augusta, Vice-Reine d'Italie ;
La Princesse Stéphanie, Grande-Duchesse héréditaire de Bade ;
Le Grand-Duc héréditaire de Bade ;
Le Prince de Neuchâtel et de Wagram, Vice-Connétable.
Le Secrétaire de l'état civil de la famille impériale s'est placé auprès de la table ;
La première banquette au-delà de l'estrade était réservée pour les Dames du palais ;
Le Grand-Maître des cérémonies, les Maîtres et Aides des cérémonies, à droite et à gauche, en avant du trône.

A l'arrivée de LL. MM. toute l'assemblée s'est levée, et est restée debout jusqu'à la fin de la cérémonie. L'Empereur étant assis, le Prince Archichancelier, averti par le grand-Maître des cérémonies, a prévenu le Secrétaire d'état de la famille impériale, s'est avancé, a fait une révérence, et a dit :
« Au nom de l'Empereur. (A ces mots, LL. MM. se sont levés)
« Sire, votre Majesté Impériale et Royale déclare-t-elle prendre en mariage S.A.I. et R. Marie-Louise, Archiduchesse d'Autriche, ici présente ? »
L'Empereur a répondu :
« Je déclare prendre en mariage S.A.I. et R. Marie-Louise, Archiduchesse d'Autriche, ici présente. »
L'Archichancelier, se tournant ensuite vers S.A.I. et R. l'Archiduchesse d'Autriche, a dit :
«  S.A.I. et R. Marie-Louise, Archiduchesse d'Autriche déclare-t-elle prendre en mariage S. M. l'Empereur et Roi Napoléon, ici, présent ? »
S.A.I. a répondu :
« Je déclare prendre en mariage S. M. l'Empereur et Roi Napoléon, ici  présent. »
Le Prince Archichancelier a prononcé ensuite le mariage en ces termes :
« Au nom de l'Empereur et de la Loi, je déclare que S.M.I. et R. Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie, et S.A.I. et R. l'Archiduchesse Marie-Louise, sont unis en mariage. »
 
Alors les Maîtres et Aides des cérémonies ayant apporté devant les sièges de LL. MM. la table sur laquelle étaient placés les registres de l'état civil, elles ont apposé leurs signatures ; M. le Secrétaire d'état de la famille impériale avait présenté la plume à l'Empereur, et ensuite à l'Impératrice. Madame et les Princes qui étaient à la droite de l'Empereur, avertis par le Grand-Maître des cérémonies se sont avancés, et après avoir salué LL.MM., ont signé les premiers ; les Princesse et les Princes qui étaient à la gauche ont signé ensuite, et les Princes Grands-Dignitaires ont signé les derniers.
L'acte a été terminé par la signature du Prince Archichancelier et par celle du Secrétaire d'état civil de la famille impériale. Les Maîtres et Aides des cérémonies ont enlevé la table ; et le Grand-Maître ayant prévenu LL. MM. que la cérémonie était achevée, elles sont retournées, dans le même ordre qu'à leur arrivée jusque dans l'appartement de l'Impératrice. S.M. l'Impératrice était en habit de cour, avec la couronne fermée en diamants sur la tête ; l'Empereur portait son habit de cérémonie et son manteau court.
La cérémonie a été annoncée par des salves d'artillerie qui ont été répétées à paris par le canon des Invalides.
Après le dîner, LL.MM. se sont rendues au salon de famille ; et de là, pour aller au théâtre, elles ont traversé en cortège les grands appartements et l'orangerie, qui étaient illuminée en feux de couleur.
Le spectacle fini, l'Empereur a reconduit l'Impératrice dans son appartement ; et lorsque S.M. s'est retirée, l'Impératrice l'a accompagnée jusqu'à son premier salon.
Il y a eu illumination générale, et les eaux ont joué à la lumière.
Le parc, les jardins étaient éclairés avec un art infini ; le jeu des eaux au milieu des feux produisait les effets les plus brillants, et la grande cascade offrait un spectacle vraiment magique. Des divertissements de toute espèce, des danses, des orchestres nombreux que l'on trouvait dans les avenues principales du jardin, donnaient à cette fête un mouvement et une gaieté extraordinaires. »

1er avril 1810, le mariage civil est célébré au Palais.

2 avril 1810, se déroule le mariage religieux.

3 avril 1810, l'Empereur et l'Impératrice entourés des princes, des princesses et de la Cour, reçoivent les hommages et les félicitations des Corps de l'Etat.

20 mars 1811, l'Impératrice Marie-Louise donne naissance à Napoléon François Charles Joseph Bonaparte, fils de Napoléon Ier et héritier du trône impérial. L'enfant reçoit le titre de Roi de Rome.

Mariage religieux de Napoléon et de Marie-Louise dans le Salon carré du Louvre, par Georges Rouget — Domaine public ; Napoléon dans son cabinet de travail, par Jacques-Louis David, 1812 — Domaine public ; Peinture représentant l'impératrice Marie-Louise, d’après François Gérard — Château de Fontainebleau, Domaine public ; Carte de l’empire par Dufour, Auguste-Henri (1798-1865). — David Rumsey Map Collection., Domaine public ; CONCEPTION Avril 2018©Laurent Sailly – Méchant Réac ®