17 juin 1815 : Waterloo J-1
Le général en chef
anglais dort à Genappe, se lève tôt le lendemain matin, et retourne aux Quatre
Bras, le 17 juin, avant le lever du soleil. Il pense qu'il va devoir battre Ney
ce jour-là, puis marcher à Ligny pour soutenir les Prussiens dans leur lutte
avec Napoléon. Mais si Ney recevait le renfort d'un autre corps, un retrait
stratégique pourrait être nécessaire. À tout hasard, Wellington rédige donc des
ordres en ce sens vers 9 heures. Vers 10 heures, le prince d'Orange revient de
Braine et le colonel Gordon, aide de camp de Wellington, du camp prussien, qui
lui rapporte la nouvelle de la défaite de Blücher à Ligny et sa retraite, douze
heures plus tôt. C'est décidé : l'armée anglo-néerlandaise va lever le
camp et se replier sur Mont-Saint-Jean, comme convenu avec Blücher dans
l'éventualité d'une défaite ce 16 juin sur la ligne de la Chaussée de Namur.
Rien n'est perdu pour les Alliés : ils contrôlent encore les quatre
itinéraires possibles que Napoléon pouvait emprunter pour gagner Bruxelles
(Tournai/Ath, Mons-Braine-Nivelles, la chaussée de Charleroi, et la route
Wavre-Bruxelles). Si Napoléon veut entrer dans Bruxelles, il devra accepter la
bataille à Mont-Saint-Jean (Waterloo).
Ni Ney à Frasnes, ni
Napoléon à Ligny, ne pensaient que Wellington ferait une retraite stratégique.
En fait, Napoléon espérait que Ney saurait tirer Wellington vers le bas aux
Quatre-Bras, jusqu'à ce que le gros de l'armée française puisse le rejoindre.
Dans ce cas, les Quatre-Bras seraient devenus un piège dont Wellington n'aurait
pu s'échapper. Ce 17 juin 1815, Lord Uxbridge est chargé de l'arrière-garde
alliée aux Quatre-Bras et parvient à masquer habilement le départ du gros de
l'armée alliée. Sous
une pluie battante, l'avant-garde française menée par l'Empereur, talonne
l'arrière-garde britannique, et c'est vers six heures du soir qu'elle arrive à
hauteur de la Belle-Alliance. Les soldats et les chevaux
ne tardent pas à s’enliser dans la boue.
Napoléon fait
ouvrir le feu par quelques pièces. La réponse de l'artillerie ennemie montre
que les alliés ont pris position aux
abords de Mont-Saint-Jean, non loin de la forêt de Soignes, à 2 km du village
de Waterloo. Mais il est trop tard pour forcer le passage : "L’horizon, qui était
gris, ne permettait pas à l’œil nu de voir distinctement ", écrira le
mameluk Ali.
Wellington installe son
quartier général en ce petit bourg. Les Anglais s’établissent sur le plateau
situé en avant de Waterloo ; les Français, face à eux, quelques centaines
de mètres plus au sud, tandis qu’une épaisse brume d’orage ensevelit la région.
L'épaisse
couverture nuageuse avance la tombée de la nuit. Le général Drouot, le
sage de la Grande Armée, aide de camp de l'Empereur, raconte ainsi l'arrivée :
"Il faisait un temps affreux. Tout le monde était persuadé que l'ennemi
prenait position pour donner à ses convois et à ses parcs le temps de traverser
la forêt de Soignes, et que lui-même exécuterait le même mouvement à la pointe
du jour." Dans ces conditions, la nécessité ne se fait pas
sentir de procéder à un examen méthodique du terrain. Cette erreur sera lourde
de conséquences le lendemain. Napoléon se retire en arrière, à la ferme du
Caillou.
Au soir du 17, Napoléon,
redevenu confiant dans l’issue de l’affrontement, expose son plan : il forcera
le centre anglais et se rabattra ensuite sur ses ailes. Dans ses "Mémoires
pour servir à l'Histoire de France en 1815", l’Empereur racontera
qu'il est sorti pendant la nuit pour procéder à une minutieuse reconnaissance
du champ de bataille. Conscient de ce que la méconnaissance du terrain lui
avait coûté, il a raconté ce qu'il aurait dû faire. Mais vu les conditions
climatiques, cette sortie nocturne, qui n'est confirmée par aucun témoignage
n'aurait rien pu lui apprendre. Les mémoires de son valet de chambre Marchand
et de son mameluk Ali, le témoignage du général Bernard laissent peu de place
au doute : Napoléon n'est pas sorti du Caillou pendant la nuit.
D'ailleurs, il
est épuisé, il reste dans son lit, mais il ne dort pas beaucoup, étant dérangé
sans cesse par les allées et venues des officiers porteurs de rapports. Vers 2
heures arrive une lettre de Grouchy, écrite de Gembloux à 10 heures du
soir, qui lui annonce qu'une colonne prussienne se retire vers Wavre ; mais
cette information ne paraît pas lui faire prendre conscience du danger d'une
jonction des armées de ses adversaires car, malgré les instances de l'officier
qui en était porteur, il ne dicte pas de réponse. Chez les Alliés par contre,
la liaison est bien établie. Wellington reçoit un message de Blücher : le vieux
maréchal répond qu'il viendra non pas avec un corps, mais avec toute son armée,
et il propose, si Napoléon n'attaque pas le 18, de l'attaquer ensemble le 19.
Les troupes
françaises sont disséminées entre Genappe et la Belle-Alliance. La pluie n'a
pas cessé. Triste nuit pour ces hommes trempés, affamés, exténués, qui n'ont
pas eu le temps de trouver du bois, et n'ont donc pas de feux pour se sécher,
ni de quoi se mettre à l'abri de la pluie. On dort à même le sol, dans la boue,
ou dans les moissons trempées. Pour se préparer à livrer la bataille la plus
importante de leur carrière, les conditions sont loin d'être idéales. Bien
qu'on soit au mois de juin, il souffle un vent d'est glacé. Ce qui augmente la
rancœur des Français, c'est l'idée que ceux d'en face, eux, ont de meilleures
conditions : bien nourris, bien à l'abri des intempéries. Pourtant, il n'en est
rien. Pour les Anglais et les Alliés aussi, la nuit est détestable. Peu de
ravitaillement, et des abris précaires. Les vétérans d'Espagne ne se rappellent
pas avoir eu une aussi mauvaise nuit pendant toutes leurs campagnes de la
Péninsule.
Le lendemain,
les soldats voient venir le jour avec plaisir. Les plus débrouillards trouvent
de quoi manger, un peu de bois pour allumer quelques maigres feux. Les armes
sont démontées, séchées, graissées, les amorces sont renouvelées, car
l'humidité de la nuit les a mises hors d'état de tirer ; quand il y a moyen,
les soldats font sécher les capotes. Mais le moral, chez les Français, est bas.