30 mai 1431 : Jeanne d’Arc est menée au bûcher

https://www.facebook.com/groups/295282344327195/


Voir également l'article dans ce blog "Héroïne et Sainte, l'union des deux Frances"
Lire la fiche de CHARLES VII, LE VICTORIEUX


Une intervention foudroyante sur le cours de la guerre de Cent Ans, l'un des procès politiques les plus truqués de l'Histoire, le tout en deux années à peine. On l'a dit et répété mais il faut y insister, le passé ne nous offre aucun exemple de destinée plus extraordinaire que celle de cette "Pucelle" de dix-neuf ans. Que l'on voie en elle une envoyée de Dieu ou une héroïne surgie du peuple pour le libérer, elle n'a laissé personne indifférent : pas plus Voltaire que Schiller, Anatole France et Renan que Péguy et Claudel, les chartistes que les historiens du dimanche, les savants japonais que les universitaires soviétiques. A moins - hypothèse fort improbable - de trouver de nouveaux documents, nous devrons à jamais nous résigner à ne connaître d'un secret emporté avec les cendres du bûcher de Rouen que ce que Jeanne elle-même a répondu lors de son procès. Et elle continuera longtemps encore à faire rêver…

Mercredi 30 mai. Rouen. Place du Vieux-Marché. Jeanne, 19 ans, espère toujours une intervention royale ou papale, voire une intervention populaire. Rien ne se passe. C’est le silence et l’inaction. Le « feu purificateur » doit faire son œuvre. Le bourreau tremble-t-il lorsqu’il se rend compte qu’il brûle une « sainte » ? Dès ce moment, l’occupant anglais va de défaites en défaites. Deux siècles après la bataille de Bouvines, la nation française est entrée dans les consciences populaires.

Jeanne est issue d’un milieu modeste, paysan. Son patronyme « d’Arc » ou « Darc » est aussi courant que nos « Dupont » ou « Dupond ». Aucune règle n'étant alors fixée au XVème siècle, la graphie « Darc » souligner la roture d'une « fille du peuple » ou, inversement, cherche à revendiquer une particule « d'Arc » comme une marque de noblesse, suivant les termes d'une querelle idéologique française disputée durant le XIXème siècle autour de l'orthographe du nom de Jeanne. Son père, Jacques d’Arc, est désigné comme « pauvre laboureur » par des témoins du procès de réhabilitation de la Pucelle dans les années 1450. Cependant, Olivier Bouzy note qu'un laboureur n'est pas pauvre puisque ce type de paysan aisé possède des terres et des bêtes. Il bénéficie toutefois d'une certaine notoriété à Domrémy, l’amenant à représenter à plusieurs reprises la communauté des villageois. Sa mère, Isabelle Rommée, (avec deux « m »), suivant l'usage de Domrémy où les femmes portent le nom de leur mère (à sa naissance, Jeanne d’Arc se nomme d’ailleurs Jeannette Rommée) et évoquerait un éventuel pèlerinage à Rome. Très pieuse, elle inculque à sa fille les vertus qu’elle juge indispensables à toute éducation : humilité, foi, charité ; ainsi que les tâches domestiques.


Rien ne la prédispose à entrer dans l’Histoire. On ne sait donc pas grand-chose de sa jeunesse. On hésite sur sa date de naissance. Le , lors de son procès de condamnation à Rouen, Jeanne dit être née à Domrémy et, avoir « à ce qu'il lui semble, (…) environ 19 ans ». Le lieu pose question. On sait qu’elle est née dans la ferme familiale du père de Jeanne attenante à l'église de Domrémy, village situé aux marches de la Champagne, du Barrois et de la Lorraine. L'historienne médiéviste Colette Beaune précise que Jeanne est née dans la partie sud de Domrémy, côté Barrois mouvant pour lequel le duc de Bar, par ailleurs souverain dans ses États, prête hommage au roi de France depuis 1301, dans le bailliage de Chaumont-en-Bassigny et la prévôté d'Andelot (thèse corroborée par les juges de 1431 et les chroniqueurs Jean Chartier et Perceval de Cagny). Selon le bailli de Bourges, Perceval de Boulainvilliers, elle est née dans la partie nord, qui relevait de la châtellenie de Vaucouleurs sous l'autorité directe du roi de France depuis 1291, qui y nomme un capitaine (le sire de Baudricourt, au temps de Jeanne d'Arc).

Concernant les « voix », le 22 février 1431, Jeanne d'Arc soutient devant ses juges qu'à treize ans, alors qu'elle se trouvait dans le jardin de son père, elle reçut pour la première fois une « révélation de Notre Seigneur par une voix qui l'enseigna à soi gouverner ». La Pucelle en demeure initialement effrayée. Ultérieurement, Jeanne identifie les voix célestes des saintes Catherine et Marguerite et de l'archange saint Michel lui demandant d'être pieuse, de libérer le royaume de France de l'envahisseur et de conduire le dauphin sur le trône. Dès lors, elle s'isole et s'éloigne des jeunes du village qui n'hésitent pas à se moquer de sa trop grande ferveur religieuse, allant jusqu'à rompre ses fiançailles. Nous quittons là le domaine de l’Histoire pour celui de la Foi. Peu importe, ces « voix » déclenchent la ferveur de la jeune fille et définissent sa mission.

A partir de décembre 1428 ou janvier 1429, Jeanne usera de tous les subterfuges et montrera une obstination sans faille pour rencontrer le sire de Beaudricourt. Il faut dire que la situation du « roi de Bourges » n’est guère réjouissante. Aussi, population comme dignitaires sont avide en ces temps troublés de prophéties encourageantes.

Arrivée à Chinon le mercredi , elle n'est reçue par Charles VII que deux jours plus tard, non dans la grande salle de la forteresse mais dans ses appartements privés lors d'une entrevue au cours de laquelle elle parle de sa mission au roi. La scène où Jeanne reconnaît le roi au milieu de ses courtisans appartient à la légende.

En avril 1429, Jeanne d'Arc est envoyée par le roi à Orléans, non pas à la tête d'une armée, mais avec un convoi de ravitaillement. Ses frères la rejoignent. Arrivée à Orléans le 29 avril, elle apporte le ravitaillement et y rencontre Jean d'Orléans, dit « le Bâtard d'Orléans », futur comte de Dunois. Elle est accueillie avec enthousiasme par la population, mais les capitaines de guerre sont réservés. Avec sa foi, sa confiance et son enthousiasme, elle parvient à insuffler aux soldats français désespérés une énergie nouvelle et à contraindre les Anglais à lever le siège de la ville dans la nuit du 7 au .

Après le nettoyage de la vallée de la Loire grâce à la victoire de Patay (où Jeanne d'Arc ne prit pas part aux combats), le , remportée face aux Anglais, Jeanne se rend à Loches et persuade le Dauphin d'aller à Reims se faire sacrer roi de France.

Le , dans la cathédrale de Reims, en présence de Jeanne d'Arc, Charles VII est sacré par l'archevêque Regnault de Chartres. Le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, en tant que pair du Royaume, est absent ; Jeanne lui envoie une lettre le jour même du sacre pour lui demander la paix. L'effet politique et psychologique de ce sacre est majeur. Reims étant au cœur du territoire contrôlé par les Bourguignons et hautement symbolique, il est interprété par beaucoup à l'époque comme le résultat d'une volonté divine. Il légitime Charles VII qui était déshérité par le traité de Troyes. L’épopée de Jeanne d’Arc va alors s’augmenter de petits miracles, de légendes. Le mythe de la chef de guerre commandant les armées de Charles VII ou la découverte miraculeuse de l'épée dite de « Charles Martel » sous l'autel de Sainte-Catherine-de-Fierbois en mars 1429, en sont des exemples. Il n’en reste pas moins que, même simple porte-étendard, Jeanne redonne du cœur aux combattants.

Le 8 septembre 1429, Jeanne mène une attaque sur Paris, occupée par les Bourguignons et les Anglais. Mais elle est blessée par un carreau d'arbalète lors de l'attaque de la porte Saint-Honoré. L'attaque est rapidement abandonnée et Jeanne est ramenée au village de la Chapelle. Le roi interdit tout nouvel assaut : l'argent et les vivres manquent et la discorde règne au sein de son conseil. C'est une retraite forcée vers la Loire, l'armée est dissoute.

Jeanne repart néanmoins en campagne. Elle se considère comme une chef de guerre indépendante, elle ne représente plus le roi. Son charisme et son courage (elle est plusieurs fois blessée), lui permet de disposer de troupes. Celle-ci luttent contre des capitaines locaux, mais sans beaucoup de succès. Finalement, le 3 mai 1430, elle est capturée par les Bourguignons lors d'une sortie aux portes de Compiègne

Elle est vendue aux Anglais le 21 novembre 1430, pour dix mille livres tournois, payées par les Rouennais, et confiée à Pierre Cauchon, évêque de Beauvais et allié des Anglais.

Son procès se déroule au château de Rouen du 21 février au . Jeanne d'Arc est déclarée coupable d'être schismatique, apostate, menteuse, devineresse, suspecte d'hérésie, errante en la foi, blasphématrice de Dieu et des saints. Jeanne en appelle au Pape, ce qui sera ignoré par les juges.

« Sur l'amour ou la haine que Dieu porte aux Anglais, je n'en sais rien, mais je suis convaincue qu'ils seront boutés hors de France, exceptés ceux qui mourront sur cette terre. »

— Jeanne d'Arc à son procès (le

Le , après s'être confessée et avoir communié, Jeanne en tunique de toile soufrée est conduite vers neuf heures, sous escorte anglaise, dans la charrette du bourreau Geoffroy Thérage, place du Vieux-Marché à Rouen.

Le cardinal de Winchester désire éviter tout culte posthume de la « pucelle ». Il ordonne donc trois crémations successives. La première voit mourir Jeanne d'Arc par intoxication par les gaz toxiques issus de la combustion, dont notamment le monoxyde de carbone. Le bourreau écarte les fagots, à la demande des Anglais qui craignent qu’on ne dise qu’elle s’est évadée, pour que le public puisse voir que le cadavre déshabillé par les flammes est bien celui de Jeanne. La seconde dure plusieurs heures et fait exploser la boîte crânienne et la cavité abdominale dont des morceaux sont projetés sur le public en contrebas, laissant au centre du bûcher les organes calcinés à l'exception des entrailles et du cœur (organes plus humides brûlant moins vite) restés intacts. Pour la troisième, le bourreau ajoute de l'huile et de la poix et il ne reste que des cendres et des débris osseux qui sont dispersés, à quinze heures, par Geoffroy Thérage dans la Seine afin qu'on ne puisse pas en faire de reliques ou des actes de sorcellerie.


 
 

Jeanne d'Arc au bûcher. Enluminure du manuscrit de Martial d'Auvergne, Les Vigiles de Charles VII, BnF, département des manuscrits, Ms. Français 5054, fo 71 ro, vers 1484. Cette image provient de la Bibliothèque en ligne Gallica et est d’identifiant btv1b105380390/f153 – Domaine public.