24 MAI 1670: Louis XIV crée l'Hotel des Invalides


« Nous avons estimé qu’il n’était pas moins digne de notre pitié que de notre justice de tirer de la misère et de la mendicité les pauvres officiers et soldats de nos troupes qui […] étaient non seulement hors d’état de continuer à nous rendre des services, mais aussi de rien faire pour pouvoir vivre et subsister ; et qu’il était bien raisonnable que ceux qui ont exposé librement leur vie et prodigué leur sang pour la défense et le soutien de cette monarchie, […] jouissent du repos assuré à nos autres sujets et passent le reste de leurs jours en tranquillité. »

En 1659, après le traité des Pyrénées, Louis XIV reprend l'idée de Richelieu qui avait fait transformer en 1634 le château de Bicêtre en un établissement pour l'entretien des soldats invalides (la « commanderie Saint-Louis »), car « il étoit bien raisonnable que ceux qui ont exposé librement leur vie et prodigué leur sang pour la défense et le soutien de notre Monarchie… jouissent du repos qu’ils ont assuré à nos autres sujets et passent le reste de leurs jours en tranquillité » (édit royal du 12 mars 1670). Le projet ne se concrétise que onze ans plus tard lorsque le roi crée par ordonnance royale du 24 mai 1670, complétée par l’édit d’avril 1674 : « un hostel royal pour y loger tous les officiers et soldats tant estropiés que vieux et caduques ».

Après l’achat d’un terrain sur la plaine de Grenelle par le roi, sur sa cassette personnelle, le marquis de Louvois, ministre de la Guerre est chargé de la réalisation du projet. Libéral Bruant est lui choisi pour en être l’architecte. En octobre 1674, dès la fin des travaux, les premiers invalides rentrent dans leur hôtel. A cette date, la construction de l'église n'est pas encore commencée. La face arrière de la grande cour est cependant détruite moins d'un an après son achèvement, pour laisser place aux fondations du grand dôme. Les matériaux de construction, notamment la pierre de craie, sont débarqués au niveau d'un port aménagé sur la Seine au niveau du futur pont Alexandre-III. L'église royale, initialement prévue par Bruant, bute sur la construction. Louvois, qui y voit l'occasion de mettre à l'écart l'un des protégés de son rival, Colbert, détourne Bruant vers d'autres travaux de ponts et chaussées et confie l'ouvrage à partir de mars 1676 à Jules Hardouin-Mansart qui travaille également aux pavillons d'entrée et aux infirmeries. La construction de l'édifice religieux dure près de trente ans et n'est achevée que le 28 août 1706, date de la remise des clés par l'architecte au Roi Soleil. Une longue construction qui prend un tournant à la mort de Colbert, dont les restrictions étouffaient la construction. Louvois le remplace au ministère et ainsi, quadruple la mise de cent mille livres alloués à la construction du dôme par Colbert. Néanmoins, celui-ci se fait très présent sur le chantier et n'hésite pas à harceler les fournisseurs en pierre retardataires tel que Carel. Louvois fut particulièrement attaché aux Invalides, dans lequel il souhaitait d'ailleurs reposer à sa mort. Le 19 juillet 1691, il fut inhumé dans l'église, mais il ne verra pas la fin des travaux sur le dôme. En 1699, son mausolée n'est toujours pas fini, le roi n'ayant pas libéré les crédits à cet effet. On soupçonne Madame de Maintenon, épouse morganatique du roi et vieille adversaire de Louvois, de retarder la construction. Ainsi, le 29 janvier 1699, le corps de Louvois quitte son hôtel des Invalides et est inhumé dans l'église du couvent des Capucines qu'il avait fait construire au débouché de la place Vendôme. Néanmoins celui-ci reste présent par un joli jeu de mots : parmi les décorations d'armes sur une lucarne, l'une nous présente étrangement un animal sortant des hautes herbes fixant la cour. En effet, d'ici le « loup voit ».

L'établissement qui répond aux fonctions d'hôpital, d'hospice, de caserne et de couvent est exempté d'impôts et administré par un gouverneur. Les soldats sont entretenus par des fonds prélevés sur les revenus des prieurés et des abbayes. Mais tranquillité n’est pas oisiveté : la vie de l’hôtel est parfaitement codifiée, des tâches nombreuses sont confiées aux pensionnaires, des ateliers s’organisent, les relations avec la ville sont encadrées.

Ne nous y trompons pas, Louis XIV, sous ce geste humanitaire poursuit aussi un objectif politique double. La guerre de Trente Ans a livré à la rue (notamment sur le pont Neuf) une foule de soldats invalides devenus mendiants, valets, voleurs, commensaux de maladreries ou de couvents et souvent mêlés aux rixes de rues. La population se plaint de ces comportements. Louis XIV, pour satisfaire ses projets de conquête, doit redorer l'image de son armée auprès de la population, mais aussi sa propre image aux yeux de ses soldats.

Sous le règne de Louis XIV le succès de l’hôtel s’affirme, près de six mille invalides seront admis entre 1676 et 1690. Pour les soigner, l’infirmerie qui emploie des médecins et chirurgiens prestigieux préfigure le premier hôpital moderne où les règles d’hygiène sont rigoureuses, la recherche clinique active. Ainsi se définissent d’emblée les missions dont l’institution est aujourd’hui héritière après plus de trois siècles d’existence. Cet hôtel, où la vie spirituelle occupe une part importante, s’enrichit en 1678 par la construction de l’église des soldats, devenue Saint-Louis, puis par celle du dôme, ou église royale, œuvre de Jules-Hardouin Mansart, en 1706.







Gardien de la mémoire historique de la France, l'hôtel des Invalides, peut-être le plus beau monument de Paris, maintient ses traditions tout en s'adaptant aux exigences du XXe siècle.


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Nécropole des héros de la Patrie, les Invalides deviennent aussi, à partir de la fin du XIXe siècle, un conservatoire des armes. Définitivement constitué en 1905, le musée de l'Armée possède aujourd'hui l'un des ensembles patrimoniaux les plus riches au monde. Armes et armures des anciennes collections royales, uniformes, trophées et drapeaux saisis à l'ennemi lors des campagnes militaires mais aussi souvenirs des deux guerres mondiales offrent un panorama complet de l'histoire militaire française. 

Image: Jacques-François Blondel in Réimpression de l'architecture française., Elévation géométrale du portail et du dôme des Invalides du côté de la campagne - Heidelberg University.jpg – Domaine public.