26 mai 1755 : Le « Robin des Bois français » est roué vif !
Le
26 mai 1755, après un procès expéditif, Louis Mandrin est roué de coups puis
pendu sur la place des Clercs de Valence. Il est âgé de trente ans. Rien ne le
prédestine à devenir un chef de bande charismatique, si ce n'est une succession
de revers de fortune auxquels il ne trouve que la clandestinité pour issue.
Exerçant simultanément ses talents de meneur d'hommes et de commerçant, il
pousse le cynisme jusqu'à forcer les fermiers généraux, collecteurs de l'impôt,
à commercer avec lui en leur vendant des produits de contrebande. Le ridicule
dont il les couvre alors explique sans doute que ses contemporains s'emparent
de son image comme de celle d'une figure vengeresse.
"Fils d'un
maréchal-ferrant qui le laisse, à sa mort en 1742, chef d'une famille de neuf
enfants, Louis Mandrin est compromis dans une rixe en 1753 et condamné à être
roué vif ; un de ses frères est pendu comme faux-monnayeur. Louis se
réfugie dans l'illégalité, s'enrôle dans une bande dont il devient bientôt le
chef en 1754. La contrebande connaît alors son maximum d'extension. Mandrin
groupe jusqu'à trois cents hommes : Savoyards et Français, soldats
déserteurs, artisans, pauvres gens... Ils pratiquent la contrebande entre les
cantons alémaniques, le Valais, Genève d'une part, la Savoie et la France d'autre
part. Ils transportent en fraude vers la France cuirs, peaux, grains,
fourrages, de la poudre et du plomb, du tabac, des toiles peintes, des
mousselines, des indiennes. Ils importent en Savoie du sel, des tissus, des
produits coloniaux... Les bandes vendent leurs marchandises, à partir de
dépôts, en bordure du Rhône, dans les foires et des villes brusquement
investies. Ils y libèrent les prisonniers, dépensent largement ; ils
disposent de relais et de la complicité populaire, voire générale, pour le tabac.
Mandrin organisa six campagnes rapides et bien
ordonnées en Franche-Comté, en Bourgogne, en Auvergne, en Forez, Velay et
Rouergue. Ses dépôts d'armes et de marchandises se trouvaient en Savoie. Mais
il fut arrêté au château de Rochefort, près de Novalaise, par la troupe
française le 11 mai 1755. À l'issue de son procès, à Valence, il fut roué
et il mourut avec courage. Après ces incidents, les Savoyards obtinrent la
suppression des têtes de pont françaises sur la rive gauche du Rhône en 1760. (…)
Après lui, l'action des contrebandiers fut plus dispersée, plus agressive et
plus meurtrière."
— Louis
TRENARD :
docteur ès lettres, professeur à l'université de Lille pour
universalis.fr
La
brève épopée de Mandrin jouit encore d'une auréole en Dauphiné comme en Savoie.
On
ne compte plus les récits et les chansons qui perpétuent la mémoire de ses
exploits, sur tout le territoire du royaume. Son nom est resté, jusqu'à
aujourd'hui, synonyme d'aventures dignes d'un roman de cape et d'épée, et de
rébellion armée contre l'ordre établi, telle la complainte chantée par Yves
Montant.