5 juillet 1194: Philippe Auguste perd ses archives à Fréteval
Le 5 juillet 1194, les Français sont surpris par
les troupes du roi Richard Cœur de Lion, à Fréteval (près
de Vendôme).
C’est la débandade. Les hommes du roi Philippe II Auguste abandonnent leurs
affaires… y compris les archives royales qui le suivent partout dans tous ses
déplacements. Le chapelain de Philippe-Auguste, Guillaume Le Breton, raconte la
scène, dans la Philippide :
« Entre Fréteval et le château de Blois, est
un lieu peu célèbre nommé Beaufour, perdu en quelque sorte au milieu des bois,
et enfoncé dans de noires vallées. Le roi était par hasard en ce lieu avec ses
barons ; et vers le milieu de la matinée, il prenait son repas, tandis que les
troupes cheminaient avec les chariots et les chevaux chargés d'armes, de vases
et de toutes les autres choses nécessaires pour l'usage d'un camp. Tout à coup,
le roi des Anglais s'élance du sein de sa retraite, et disperse facilement ce
peuple désarmé et tout chargé de vivres et d'effets : il tue, emmène,
enlève les chariots, les bagages, les chevaux, les corbeilles et les vases des
cuisines et des tables, vases que l'or et l'argent rendaient éclatants et plus
précieux que tous les autres. Le ravisseur n'épargna pas davantage les petits
tonneaux tout remplis d'écus, non plus que les sacs qui renfermaient les ornements,
les registres des impôts et effets ; et le roi éprouva une perte si
considérable en ce lieu, que l'on pourrait croire que ce village avait
réellement reçu son nom de la guerre et de la fraude. »
L’historiographie
traditionnelle a pris prétexte de cette coïncidence chronologique pour
attribuer l’origine des archives centrales de la France à cette défaite. En
réalité, la nouvelle pratique archivistique française correspond surtout au
début de l’extension du Domaine royal : la Chancellerie éprouve le besoin
d’assurer une conservation plus systématique des documents qui fondent les
droits du roi sur son royaume. À la fin du règne de saint Louis, ces archives
sont déposées au premier étage de la sacristie de la Sainte-Chapelle du Palais,
avec la bibliothèque royale, juste au-dessus du trésor de reliques et de joyaux
conservé au rez-de-chaussée ; elles y demeureront jusqu’en 1783. Ce
voisinage explique le développement de la formule « Trésor des
chartes ». À partir de 1300-1302, celui-ci accueille également les
registres de Chancellerie. Le Trésor des chartes atteint son apogée sous les
règnes de Philippe le Bel et de ses trois fils, qui représentent à eux seuls
près de 30 % de l’ensemble documentaire conservé. Par la suite, en effet, la
réorganisation administrative initiée par Philippe V entraîne la création de
nouveaux dépôts d’archives et surtout la multiplication des lieux
d’enregistrement des actes royaux. Les premiers registres chronologiques du
Parlement de Paris débutent en effet en 1316-317 ; la Chambre des comptes
est définitivement créée en 1320 et très vite elle développe un enregistrement
systématique des actes royaux relatifs au Domaine. Si la Chambre échoue à
mettre la main sur le Trésor, ses propres archives concurrencent celui-ci. À la
fin du XIVe s., le Trésor des chartes est déjà considéré comme un ensemble
clos d’archives historiques, qui ne s’accroît plus que de manière sporadique.
Un premier classement était intervenu après la nomination, en 1307 ou 1309, de
Pierre d’Étampes comme garde du Trésor ; un autre inventaire est réalisé
vers 1380 par Gérard de Montaigu, garde entre 1371 et 1390, qui profite d’une
relative stabilité documentaire. Les liens entre le Trésor et la Chancellerie
se dénouent au XVIe s. Pour faire entrer les archives de ses
chanceliers Antoine Duprat, Antoine Du Bourg et Guillaume Poyet, le roi est
obligé de recourir à la saisie des « coffres des chanceliers » (J 961
et suivants) ; le dernier versement de registres de lettres royaux
expédiés en Chancellerie intervient en 1568. En 1582, la charge de trésorier
des chartes est unie à celle de procureur général du roi au parlement de Paris.
Au XVIIe s., le Trésor ne s’accroît plus que par la réunion de
chartriers seigneuriaux : archives du château de Mercurol (chartriers de
la seigneurie de la Tour d’Auvergne, des comtés d’Auvergne et de
Boulogne-sur-Mer) en 1622, après la mort de Marguerite de Valois en 1615 ;
chartrier d’Antibes en 1629 ; coffres de Lorraine en 1636 ; archives
de la seigneurie bordelaise du Puy-Paulin, acquise par Louis XIV, en 1707.
À
la fin de l’Ancien Régime, le Trésor des chartes conserve pourtant un grand
prestige : aussi le Bureau du triage des titres décida-t-il d’en respecter
intégralement le contenu et le dernier classement, réalisé à partir de 1615 par
Pierre Dupuy et Théodore Godefroy.
Quant à la bataille me
direz-vous. Après cette bataille, Richard finalise la
reconquête de la Normandie. Après une première trêve qui n’est pas respectée,
la guerre continue et se déplace dans le Berry. Philippe et Richard
signe finalement un traité de paix à Gaillon le 15 janvier 1196 : Richard
cède Gisors et le Vexin normand à Philippe, qui lui abandonne les différentes
conquêtes qu'il a faites en Normandie et ses prétentions sur le Berry et
l'Auvergne.