31 mai 1574 : Charles IX, autopsie d’un roi de sang !
La veille, dimanche de la Pentecôte
1574, vers 3 heures de l'après-midi, Charles IX meurt un mois avant son
vingt-quatrième anniversaire. La mort du roi semble suspecte. Le roi
a-t-il été empoisonné ? Par sa mère, Catherine de Médicis qui lui préfère son
jeune frère Henri ? S’agit-il d’un complot huguenot ?
Il
faut dire que depuis plusieurs semaines, le jeune roi présente tous
les symptômes d’un empoisonnement à l’arsenic (sueurs froides, crachats et
vomissement de sang (hémoptysies). Charles IX délire. Il vit depuis la Saint-Barthélemy dans un cauchemar
constant, revoyant "ces corps massacrés", ces "faces hideuses et
couvertes de sang", entendant à nouveau les cris des massacres.
Toujours
est-il que la rumeur court et on appelle, dès le lundi 31 mars 1574, le premier
chirurgien du roi, Ambroise Paré pour assister à « l’ouverture du corps ».
Il est accompagné de Mazille,
premier médecin du roi, des médecins et chirurgiens ordinaires, du grand chambellan,
du premier gentilhomme de la chambre, du maitre de la garde-robe. Cette
ouverture du corps, corporis dissectio, doit être replacée dans le contexte particulier des
techniques d’embaumement et de conservation du corps, ce à quoi étaient
habilités les médecins et les chirurgiens du roi. Indépendamment du contexte de
l’embaumement rituel, le rapport d’ouverture présenté est un des premiers
rapports d’une autopsie officielle (examen post mortem destiné à vérifier le caractère naturel ou non du décès).
Le texte a été publié dans
les Œuvres de chirurgie de Jacques Guillemeau (1550-1613) dans lequel il nomme les
médecins « qui assistèrent : Mazille,
Vaterre, Alexis Gaudin, Vigor, Lefèvre, Saint Pons, Pietre, Brigard, Lafille,
Duret » et les chirurgiens « qui
ouvrirent : Paré, d’Amboise, Du Bois, Portail, Eustache, Dioneau, Lambert,
Cointret, Guillemeau. » (Pour en savoir plus : Jacqueline Vons, Pauline Saint-Martin,Certitudes et incertitudes autour de la mort de Charles IX. Enquête surl’autopsie d’un roi, Paris, Cour de France.fr, 2009. Article inédit publié enligne le 2 janvier 2009 (http://cour-de-france.fr/article699.html)dans le cadre du projet de recherche "La Médecine à la cour deFrance").
Tous les médecins et
chirurgiens cités dans le rapport sont connus, leur présence témoigne de la
publicité faite à l’opération et sert à garantir la véracité des observations
faites. Ambroise
Paré confirme que le roi est mort d'une pleurésie faisant suite à une
pneumonie tuberculeuse. La tuberculose est une maladie infectieuse du poumon et de ses membranes qui se manifeste par une toux qui entraîne des expectorations,
parfois même avec du sang, des douleurs thoraciques, une détresse respiratoire,
des poussées de fièvre, un manque d'appétit, une perte de poids et des sueurs nocturnes. Il aurait
également contracté une forme rare d'hématidrose (sueur de sang). Cette « sueur
de sang » peut s’expliquer par un stress intense, les vaisseaux
sanguins se contractent puis se rompent lorsqu'ils se relâchent. Le sang se déverserait
alors dans les glandes responsables des sécrétions de la sueur,
provoquant les saignements observés. Cette « sueur de sang »
est constatée dès le Moyen-Age. Le Christ lui-même, au moment de sa crucifixion,
transpire du sang.
Charles-Maximilien de
France, cinquième des dix enfants et troisième fils d'Henri II
et de Catherine de Médicis, n’est pas appelé à régner. La mort de son frère aîné
Louis, puis de son deuxième frère le roi François II le font accéder au trône
de France. Il a dix ans. La régence est confiée à sa mère jusqu'à sa majorité. Déclaré majeur le 19 août 1563 (il a 13 ans), la reine-mère
continue d'exercer le pouvoir en son nom.
Long, maigre, un peu
voûté, Charles IX apparaît frêle, sans rapport avec la violence et les extravagances
dont il est capable. Il cherche l’épuisement physique dans la chasse (où il excelle)
ou, à en croire l'ambassadeur Sigismondo Cavalli, va « battre une enclume trois
et quatre heures durant, usant d'un marteau énorme, forgeant un corps de
cuirasse ». Au retour de la chasse, rien ne l'amuse autant que d'abattre les
ânes et les porcs qu'il croise sur sa route, nécessitant la présence d’un valet
en retrait de la suite royale pour indemniser les propriétaires des victimes.
Son extravagance et sa violence se manifestent également à la Cour. Un jour, il décide que tous les gentilshommes
de sa suite doivent porter un lourd pendentif à une oreille. Tous, y compris
les très âgés, font alors la queue devant le chirurgien du roi, chargé de leur perforer
le lobe. Mais le lendemain, l'ordre est annulé et le roi prend plaisir à tirer
jusqu'au sang sur les oreilles des malheureux courtisans qui n'avaient pas été
informés à temps. Un autre jour, il courre le lapin et le cerf dans les salles du
Louvre ou fabrique de la fausse monnaie pour remplir les caisses désespérément
vides du royaume.
Le massacre de la
Saint-Barthélemy du 24 août 1572 marque un tournant dans le règne de Charles IX.
Le mariage de la sœur du roi, Marguerite, avec un jeune prince protestant, le roi
de Navarre, futur Henri IV,
semblait être le gage d'une réconciliation durable ; mais le 22 août 1572,
quelques jours après le mariage, a lieu un attentat contre le chef du parti des
huguenots, Gaspard II
de Coligny. Craignant un soulèvement, Catherine de Médicis conjointement
avec ses conseillers et son fils Henri, duc d'Anjou arrachent la décision du
roi d’éliminer les chefs protestants, à l'exception de quelques-uns parmi lesquels
les princes du sang Henri de Navarre et le prince de Condé. Une folie
meurtrière s'empare de tout le royaume. On dénombre des milliers de morts à
Paris et dans plusieurs grandes villes de France. Déterminé à maintenir
l'ordre, Charles IX ordonne l'arrêt des massacres dès le matin du 24 août, mais
ses multiples appels au calme sont transgressés.
Après ces dramatiques
événements, la santé physique du Roi, qui a toujours été médiocre, décline peu
à peu. Un complot est fomenté contre lui et sa mère (mais déjouée par celle-ci)
pour faire monter sur le trône son frère cadet François, duc d'Alençon. Le roi se
réfugie au château de Vincennes, où il s'alite. La fièvre ne le quitte plus, sa
respiration se fait difficile. À l'annonce de son décès, son frère, Henri
d'Anjou, parti pour Cracovie en automne 1573 à la suite de son élection en tant
que roi de Pologne, délaisse la couronne polonaise et rentre en France où il
devient Henri III.
"CHARLY 9" par Jean Teulé
Il fallait tout le culot de Jean Teulé pour surnommer ainsi Charles IX, roi de France de 1560 à 1574, dont il nous raconte ici le règne pathétique et sanguinaire.
Il est vrai que Charles IX ne fut pas un roi
comme les autres et qu'il n'aurait pas laissé un grand souvenir s'il n'avait
ordonné, en août 1572, le massacre de la Saint-Barthélemy, carnage qui
horrifia l'Europe, à l'exception du pape et des Espagnols qui y virent, eux,
la bienheureuse volonté de Dieu. Cette décision n'était pas la sienne mais
celle de sa mère, la redoutable Catherine de Médicis qui utilisa toute sa vie
sa nombreuse progéniture pour assouvir son appétit dévorant de pouvoir : dès
qu'un de ses fils mourait, elle poussait illico le suivant sur le trône de
France. Charles IX avait 22 ans à l'époque, et il ne possédait ni la cruauté
ni la détermination, ni la force morale d'assumer un crime aussi horrible.
Accablé par le poids de sa faute, il sombra dans une folie qui le conduisit
en quelques mois à la maladie et à la mort. C'est cette terrifiante descente
aux enfers que Jean Teulé raconte dans ce roman baroque et magnifique. Avec
la verve qu'on lui connaît, il décrit les extravagances de ce malheureux
jeune homme : la manière dont il coursait furieusement des lièvres qu'il
délivrait dans les appartements de sa maîtresse ; comment il massacrait le
bétail, la basse-cour et tous les animaux des fermes où le hasard de ses
errances le conduisaient, comment il empoisonna une partie de la population
en lui offrant du muguet le 1er mai, ce qui, en ces temps de famine, poussait
ses sujets à manger cette fleur vénéneuse qu'il croyait être une sorte de
salade ; comment il provoqua l'invention du poisson d'avril en officialisant
le changement de date du début de l'année du 1er avril au premier janvier ;
comment il crut remplir les coffres vides du royaume en fabriquant de la
fausse monnaie... et bien d'autres folies encore, aussi saugrenues que
sanglantes.
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