3 juin 1810 : le code pénal napoléonien est promulgué

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Le Code pénal de 1810  est resté en vigueur en France jusqu'à son remplacement par le nouveau Code pénal le 1er mars 1994. Il est l’un des quatre codes publiés par Napoléon 1er avec le Code civil (1806), le Code de commerce (1807) et le Code de l’instruction criminelle (1808). 

Le droit pénal est une des branches du droit. Il fixe les comportements contraires à la loi - les « infractions » (contravention, délit, crime) - et détermine les sanctions pénales qui leur sont applicables (applications définies dans le Code de procédure pénale).

Tous les codes de la période impériales « (…) sont à des degrés divers tributaires de l’ancien droit. Tout d’abord parce qu’ils ont été rédigés par des juristes qui ont été formés et qui ont commencé leur carrière avant la Révolution : Bigot de Préameneu, Tronchet, Maleville et Portalis, « le quatuor du code civil », étaient avocats (les deux premiers avaient exercé dans le Nord, aux parlements de Rennes et de Paris, les deux autres dans le Midi, à Bordeaux et à Aix, pays de droit romain). Portalis était dès avant 1789 un éminent spécialiste du droit du mariage. Le code pénal, lui, eut pour principal rédacteur Guy Jean-Baptiste Target, lui aussi ancien avocat, défenseur de Beaumarchais contre Göezmann puis du cardinal de Rohan dans l’affaire du collier de la reine. Ces juristes ont souvent trouvé leur inspiration dans les œuvres doctrinales de l’Ancien Régime (comme celles de Robert Joseph Pothier) et dans les ordonnances de Louis XIV et de Louis XV. Les méthodes aussi présentent des analogies : le Premier consul a assisté à certaines séances préparatoires du code civil, comme l’avait fait Louis XIV pour l’ordonnance civile de 1667. De même que celle-ci a été dénommée « code Louis », le code civil a pris en 1807 le titre de « code Napoléon ». Les tribunaux ont été consultés. Il y a donc dans certains cas des continuités et des parallélismes évidents. Ainsi, le code de commerce de 1807 s’inspire largement de l’ordonnance de 1673 ou code marchand préparé par Colbert. Mais de tous les codes napoléoniens, le code pénal de 1810 est celui qui innove le plus. Ses auteurs ont cherché une voie médiane entre la sévérité extrême de l’Ancien Régime et l’indulgence du code pénal de 1791. Il en a été de même pour le code d’instruction criminelle de 1808, œuvre de compromis entre la procédure inquisitoire fixée par l’ordonnance de 1670 et la procédure révolutionnaire à dominante accusatoire inspirée du modèle britannique. Encore ne faut-il pas exagérer ce qu’on a parfois appelé la barbarie des lois royales. Si les lois sont rigoureuses, leur application au XVIIIe siècle était plus clémente qu’on ne l’imagine (à l’exception de quelques châtiments atroces mais rares tels que l’écartèlement des régicides), comme l’ont montré les travaux du professeur Benoît Garnot. Par ailleurs, la monarchie elle-même, à la fin du règne de Louis XVI, a sensiblement atténué son dispositif répressif. Quoi qu’il en soit, si l’on s’en tient aux textes, le code pénal se démarque de la législation royale. Il est le fruit d’une réflexion philosophique qui s’est développée à l’époque des Lumières (le grand nom de Cesare Beccaria, mais aussi ceux d’Helvétius, de Montesquieu, de Diderot, de Bentham, viennent immédiatement à l’esprit), et sur ce plan aussi, indépendamment de la technique législative, on trouve dans le dernier siècle de l’Ancien Régime les sources de son inspiration. » 


« Au regard du Code civil de 1804, le Code pénal promulgué en 1810 apparaît comme un tard venu. Est-ce à dire que, dans l’esprit de l’Empereur lui-même, ce texte revêtait une urgence et une importance moindres ? Il n’en est rien. Initialement, Napoléon avait d’ailleurs souhaité que ce nouveau code soit élaboré aussitôt après le Code civil, dont il est le corollaire indispensable et, à bien des égards, la face sombre. Car, s’il est juste d’exalter la grandeur du travail de codification accompli sous l’autorité de Napoléon, il convient néanmoins de prendre la mesure du caractère répressif du Code de 1810.

En matière de droit pénal, l’Assemblée constituante avait posé les fondements en adoptant, le 6 octobre 1791, un premier Code pénal, rapporté par Michel Lepeletier de Saint-Fargeau. La réflexion des Constituants s’inscrivait dans le vaste mouvement des Lumières, qui devait conduire à l’affirmation de l’égalité civile devant la loi et de la nécessité, pour paraphraser Beccaria, ce grand inspirateur, d’établir une stricte proportion entre les délits et les peines. L’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 précisait déjà : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». De même posait-il le principe de non rétroactivité de la loi pénale la plus sévère.

Quelques semaines avant le Code pénal, l’Assemblée constituante avait adopté, les 19 et 22 juillet 1791, des lois relatives à la police correctionnelle et à la police municipale, tandis que la loi des 16-19 septembre 1791 avait introduit une novation fondamentale et symbolique en matière de jugement criminel : le jury. La Convention adopta pour sa part, quelques jours avant de se séparer, le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV (24 octobre 1795), que sa matière apparente en réalité à un code de procédure pénale, visant à liquider le souvenir de la Terreur et du cortège de lois d’exception qui l’avait accompagnée. Au lendemain du coup d’État du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), la loi du 25 frimaire an VIII (16 décembre 1799) opéra la correctionnalisation d’un certain nombre d’infractions afin qu’elles échappent au jury, considéré comme trop clément. Juste avant le début des travaux pour le nouveau Code pénal, la loi du 18 pluviôse an IX (7 février 1801) avait créé des tribunaux spéciaux visant à juger rapidement et sans appel possible certaines infractions à l’ordre public. Le nouveau régime entendait créer une législation pénale marquée par la sévérité. 

Le 7 germinal an IX (21 mars 1801) fut nommée la commission de cinq membres chargés de rédiger un nouveau code criminel : Viellart, Target, Oudart, Treilhard et Blondel, juristes et praticiens éprouvés, qui se réunissaient chez André Joseph Abrial, ministre de la Justice. Dès juillet 1801, ils soumettaient au gouvernement et au Conseil d’État un avant-projet de « Code criminel, correctionnel et de police » comptant 1169 articles. Mais son aboutissement devait être encore long, à tel point que le Code d’instruction criminelle fut adopté avant lui, en 1808. Après consultation en 1804 des tribunaux criminels et des cours d’appel, il fallut attendre 1808, après une dizaine de réunions tenues en 1804, pour que le Conseil d’État se penche sur le texte. Le Code fut adopté par l’intermédiaire de sept lois, décrétées entre le 12 et le 20 février 1810 et promulguées entre le 22 février et le 2 mars ; il entra en vigueur le 1er janvier 1811. Il était promis à une longue existence puisqu’il demeura en vigueur, en subissant de multiples modifications, jusqu’en 1994.

On vante souvent le rôle décisif que joua Napoléon dans l’élaboration du Code civil. Son influence s’exerça également sur le Code pénal. Il présida ainsi en personne une vingtaine des séances du Conseil d’État, lors desquelles il ne manqua pas d’exprimer ses vues. Sa volonté est claire : il s’agissait pour lui d’établir une justice forte, efficace et redoutée. Il voulut ainsi que soit réalisée l’unification des justices civile et répressive.

Dans l’exposé des motifs que Target rédigea pour l’avant-projet de 1801, repris à l’identique en 1810, celui-ci affirmait : « L’intérêt et le salut de la société doivent seuls diriger la pensée. » C’était exprimer la volonté napoléonienne. Target distinguait dans la société le vrai peuple de la « lie », qui rassemble des individus grossiers, ignorants et pervertis. Les coupables appartenant le plus souvent à cette dernière catégorie, il convenait de les châtier de la façon la plus sévère possible.

Le Code pénal de 1810 est un « code de fer », qui voit par exemple le retour des peines perpétuelles, écartées par la Constituante. Le nombre total d’incriminations a connu, par rapport au Code de 1791, une augmentation exponentielle : 423, contre 197 précédemment. Parmi ces incriminations, la protection des intérêts « politiques » figure en bonne place (197) : il s’agissait de défendre l’État et l’Empereur, mais aussi l’organisation sociale souhaitée par Napoléon. Ainsi les atteintes à la propriété étaient durement réprimées par un grand nombre d’incriminations. Quant aux peines, elles se répartissaient en sept catégories. Outre la peine de mort, encourue pour 39 incriminations, le Code prévoit les travaux forcés publics, l’enfermement – catégorie de peines la plus représentée –, le « déshonneur », l’éloignement du territoire, l’atteinte au patrimoine et enfin la surveillance, qui devient pour la première fois une peine en tant que telle. Les supplices corporels (poing coupé pour le régicide et le parricide, carcan), bannis comme barbares en 1791, furent réintroduits. Ils ne devaient disparaître qu’en 1832. Et les peines encourues furent systématiquement aggravées.

Égalitaire dans son principe, le Code pénal s’avérait cependant particulièrement rigoureux pour les femmes. Le délit d’adultère était pour elles toujours réprimé, les hommes ne pouvant être condamnés qu’en cas d’entretien de la concubine au domicile conjugal. Les peines encourues en matière d’infanticide étaient particulièrement sévères. En revanche, les mineurs de seize ans bénéficiaient de l’excuse de minorité.

Tel quel, au regard de la législation de l’ancien régime, et des monarchies européennes de l’époque, le Code pénal apparut en son temps comme un modèle législatif. D’où sa longue durée et l’influence qu’il exerça à l’étranger. Le temps et les profondes transformations des mœurs et de la mentalité collective ont eu raison de lui en 1994, après de nombreuses tentatives vouées à l’échec, et à partir du projet que j’ai eu l’honneur de déposer sur le bureau du Sénat en 1985. Mais le Code pénal de 1810 est demeuré comme un monument législatif que les amateurs d’histoire du droit revisitent toujours avec intérêt.


« (…) Conduite dans un contexte de culte de la loi, la codification de 1810 est guidée par la conscience que la société, comme l'Etat, doivent disposer d'une référence incontestable, propre à assurer, fût-ce avec rigueur, cette stabilisation que le corps social appelait de ses vœux après tant d'années de bouleversements.

Cette logique de rationalisation est tempérée d'un humanisme véritable qui allie au légitime souci d'efficacité, la nécessité d'un respect réaffirmé des droits de l'homme.

La Déclaration de 1789 a, en effet, posé en principe que : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et [que] nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».

En résonance avec les thèses de Beccaria, le principe de légalité des délits et des peines répond à un double objectif : faire cesser l'arbitraire qui sévissait sous l'Ancien régime, en privant le juge du pouvoir d'incriminer les comportements et de fixer, à sa guise, les sanctions, en lieu et place de la loi.

Le domaine du droit répressif apparaît ainsi comme celui d'élection d'une sécurité juridique qu'affermit le principe de non rétroactivité de la loi pénale.

Epris d'ordre, Napoléon émet cependant des doutes. Il considère qu'à suivre cette logique, « tout crime reste impuni simplement parce que le législateur n'y a pas pensé ! ».

La réticence de l'Empereur est riche d'enseignements.

Si elle est par essence contraignante, la loi pénale est aussi l'affirmation d'une liberté, dans la mesure où tout ce qu'elle n'interdit pas, demeure permis.

Conçu comme un instrument permanent de régulation sociale, le code de 1810 est certes d'inspiration répressive. Mais, en cela, il tranche avec les législations des régimes dits « de police », dans lesquels, selon l'expression du doyen Carbonnier, « d'avance l'autorité empêche tout, sauf à concéder des autorisations ».

La loi pénale, symbole le plus éloquent de l'emprise des valeurs sociales sur le droit, reflète, parfois avec un certain décalage, les mutations de la société. A titre d'exemples particulièrement significatifs, on peut citer les textes adoptés en 1975 qui supprimèrent successivement l'incrimination de l'avortement, « l'excuse atténuante » du mari tuant sa femme surprise avec un amant et le régime rigoureux frappant l'épouse adultère.

Ce rappel souligne combien la sanction est indissociablement liée avec l'incrimination. Faute de sanction de sa transgression, l'interdiction est privée de portée. La sanction n'est pas le corollaire de l'incrimination, ni le gage de son efficacité. Elle est la condition de son existence même.

Dès lors, la peine porte en elle autant, sinon plus, de signification que l'incrimination, puisqu'elle détermine la catégorie d'infraction et, par suite, la juridiction qui doit en connaître.

Pour être soumises au principe de légalité, les peines n'en doivent pas moins répondre aux exigences pratiques qui guident leur prononcé. Marqués par les rigidités du code des délits et des peines de 1791 qui imposait aux juridictions le prononcé de peines fixes, les rédacteurs du code de 1810 innovent en laissant au juge le pouvoir de moduler les peines correctionnelles, dans des limites qu'ils ont prévues.

La peine est omniprésente dans les réflexions philosophiques qui fondent le droit pénal et les praticiens en font un objet constant de débats dans les prétoires. (…)

Nourri de morale chrétienne, le droit pénal de l'Ancien régime voulait faire expier le coupable, en œuvrant pour le salut de son âme.

Les châtiments corporels prédominaient. La prison n'était essentiellement qu'un lieu de rétention avant jugement.

Dans cette conception, les peines répondant à une exigence de rétribution, toute faute doit recevoir sa juste sanction, afin de contribuer à l'amendement du condamné et préparer le rachat de ses fautes.

Cette inspiration religieuse transparaît plus encore dans la question préalable. Cette torture infligée au condamné avant son exécution est censée l'inciter à libérer sa conscience par d'ultimes aveux. Car l'éphémère vie sur terre, ne vaut, alors, que comme antichambre d'un éternel au-delà.

Etalonnées à l'aune de la souffrance du condamné, les peines sont d'autant plus exemplaires, qu'elles sont spectaculaires de cruauté.

Le siècle des lumières, si épris de progrès, d'harmonie et de liberté, ne pouvait que vouer aux ténèbres cette conception archaïque, pour se tourner vers un utilitarisme bienveillant.

L'emprisonnement va ainsi progressivement s'imposer comme mode privilégié d'exécution des peines. Désormais, celles-ci seront étalonnées par le temps, décompté par la durée de la privation de liberté infligée au coupable. (…) »






Code pénal  
Entrée en vigueur le 1er mars 1994 
(Lois du 22 janvier 1992)













Ancien Code pénal de 1810
Entré en vigueur le 1er janvier 1811 
(Loi du 12 février 1810) et promulgué le 3 juin 1810