20 juin 1789 : le serment du Jeu de paume

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Après l'échec de plusieurs tentatives de réforme (Maupéou, Turgot, Necker), la crise des finances s'aggrave, ainsi que le conflit entre la Cour et la haute magistrature. Hostiles aux réformes proposées par le roi Louis XVI, l'Assemblée des notables (réunie du 22 février au 25 mai 1787), puis le Parlement de Paris (le 19 novembre) demandent la convocation des États généraux, qui n'ont plus été réunis depuis 1614 ! Le Parlement de Paris par l'arrêt du 3 mai 1788 esquisse les traits d'une monarchie limitée en énonçant les lois fondamentales du royaume et en rappelant le rôle des états généraux. 

« La Cour, toutes les chambres assemblées, les Pairs y séant, avertie par la notoriété publique et par un concours de circonstances suffisamment connues des coups qui menacent la Nation et la Magistrature ; 
Considérant que les entreprises des ministres sur la Magistrature ont évidemment pour cause le parti qu'a pris la Cour de résister à deux impôts désastreux, de se reconnaître incompétente en matière de subsides, de solliciter la convocation des États généraux et de réclamer la liberté individuelle des citoyens ; 
Que ces mêmes entreprises ne peuvent par conséquent avoir d'autre objet que de couvrir, s'il est possible, sans recourir aux États généraux, les anciennes dissipations par des moyens dont la Cour ne serait pas le témoin, sans en être l'obstacle, son devoir l'obligeant d'opposer avec une constance inébranlable l'autorité des lois, la parole du Roi, la foi publique et l'hypothèque assignée sur les impôts, à tous les plans qui pourraient compromettre les droits ou les engagements de la Nation ; 
Considérant enfin que le système de la seule volonté clairement exprimé dans les différentes réponses surprises audit Seigneur Roi annonce, de la part des ministres, le funeste projet d'anéantir les principes de la Monarchie, et ne laisse à la Nation d'autre ressource qu'une déclaration précise par la Cour des maximes qu'elle est chargée de maintenir et des sentiments qu'elle ne cessera de professer ; 

Déclare que la France est une monarchie, gouvernée par le Roi, suivant les lois; 

Que de ces lois, plusieurs qui sont fondamentales embrassent et consacrent : 
Le droit de la maison régnante au Trône, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l'exclusion des filles et de leurs descendants ; 
Le droit de la Nation d'accorder librement les subsides par l'organe des États généraux régulièrement convoqués et composés ; 
Les coutumes et les capitulations des provinces ; 
L'inamovibilité des magistrats ; 
Le droit des cours de vérifier dans chaque province les volontés du Roi et de n'en ordonner l'enregistrement qu'autant qu'elles sont conformes aux lois constitutives de la province ainsi qu'aux lois fondamentales de l'État ; 
Le droit de chaque citoyen de n'être jamais traduit en aucune matière devant d'autres juges que ses juges naturels, qui sont ceux que la loi lui désigne ; 
Et le droit, sans lequel tous les autres sont inutiles, celui de n'être arrêté, par quelque ordre que ce soit, que pour être remis sans délai entre les mains des juges compétents ;

Proteste ladite Cour contre toutes atteintes qui seraient portées aux principes ci-dessus exprimés ; déclare unanimement qu'elle ne peut, dans aucun cas, s'en écarter, que ces principes également certains obligent tous les membres de la Cour et sont compris dans leurs serments ; en conséquence, qu'aucun des membres qui la composent ne doit ni n'entend autoriser par sa conduite la moindre innovation à cet égard, ni prendre place dans aucune compagnie qui ne serait pas la Cour elle-même, composée des mêmes personnages et revêtue des mêmes droits ;

Et dans le cas où la force, en dispersant la Cour, la réduirait à l'impuissance de maintenir par elle-même les principes contenus au présent arrêté ;

Ladite Cour déclare qu'elle en remet dès à présent le dépôt inviolable entre les mains du Roi, de son auguste famille, des Pairs du Royaume, des États généraux et de chacun des Ordres réunis ou séparés qui forment la Nation ;

Ordonne en outre ladite Cour, que le présent arrêté sera, par le Procureur général du Roi, envoyé incontinent aux bailliages et sénéchaussées du ressort pour y être lu, publié et registré, et que le Procureur général du Roi rendra compte de cet envoi à la Cour, lundi prochain, toutes les Chambres assemblées. »

Le roi par un arrêt du conseil d'État en date du 5 juillet ordonne des recherches dans tout le royaume afin de s'assurer des formes anciennement usitées de convocation et d'élection des états généraux dont il souhaite se rapprocher, puis, le 8 août, il fixe au 1er mai suivant la tenue de ces états. Le rapport présenté au conseil d'État du roi le 27 décembre 1788 accorde le doublement de la représentation du tiers état, ce qui permet la publication du règlement électoral du 24 janvier 1789.

« Le roi, ayant entendu le rapport qui a été fait dans son conseil par le ministre de ses finances relativement à la convocation prochaine des états généraux, sa majesté en a adopté les principes et elle a ordonné ce qui suit :

1° Que les députés aux prochains états généraux seront au moins au nombre de mille ;
2° Que ce nombre sera formé, autant qu'il sera possible, en raison composée de la population et de la contribution de chaque bailliage ;
3° Que le nombre des députés du tiers état sera égal à celui des deux autres ordres réunis et que cette proportion sera établie par les lettres de convocation ;
4° Que ces décisions préliminaires serviront de base aux travaux nécessaires pour préparer sans délai les lettres de convocation, ainsi que les autres dispositions qui doivent les accompagner ;
5° Que le rapport fait à sa majesté sera imprimé à la suite du présent résultat.

Fait à Versailles, le roi étant en son conseil, le 27 décembre 1788. »

La séance inaugurale a lieu le 5 mai 1789 dans l'hôtel des Menus-Plaisirs à Versailles. Durant un mois, les députés du tiers état refusent de siéger séparément et proposent aux deux autres ordres de se joindre à eux pour délibérer en commun. Ils décident le 12 juin de procéder seuls à la vérification des pouvoirs des élus des trois ordres. Le 17 juin 1789, rejoints par quelques curés et inspirés par l'abbé Sieyès, les députés du tiers état, par 491 voix contre 90, déclarent former l'Assemblée nationale. Le 19 juin, le clergé décide de rejoindre l'assemblée tandis que la noblesse s'y refuse.

« L'Assemblée, délibérant après la vérification des pouvoirs, reconnaît que cette assemblée est déjà composée des représentants envoyés directement par les quatre-vingt-seize centièmes au moins de la Nation.

Une telle masse de députation ne saurait rester inactive par l'absence des députés de quelques bailliages ou de quelques classes de citoyens ; car les absents qui ont été appelés ne peuvent point empêcher les présents d'exercer la plénitude de leurs droits, surtout lorsque l'exercice de ces droits est un devoir impérieux et pressant.

De plus, puisqu'il n'appartient qu'aux représentants vérifiés de concourir à former le vœu national et que tous les représentants vérifiés doivent être dans cette assemblée, il est encore indispensable de conclure qu'il lui appartient et qu'il n'appartient qu'à elle d'interpréter et de présenter la volonté générale de la nation ; il ne peut exister entre le trône et cette assemblée aucun veto, aucun pouvoir négatif.

L'Assemblée déclare donc que l'œuvre commune de la restauration nationale peut et doit être commencée sans retard, par les députés présents, et qu'ils doivent la suivre sans interruption comme sans obstacle.

La dénomination d'Assemblée nationale est la seule qui convienne à l'Assemblée dans l'état actuel des choses, soit parce que les membres qui la composent sont les seuls représentants légitimement et publiquement connus et vérifiés, soit parce qu'ils sont envoyés directement par la presque totalité de la Nation, soit enfin parce que la représentation étant une et indivisible aucun des députés, dans quelque ordre ou classe qu'il soit choisi, n'a le droit d'exercer ses fonctions séparément de la présente Assemblée.

L'Assemblée ne perdra jamais l'espoir de réunir dans son sein tous les députés aujourd'hui absents ; elle ne cessera de les appeler à remplir l'obligation qui leur est imposée de concourir à la tenue des États généraux. À quelque moment que les députés absents se présentent dans le cours de la session qui va s'ouvrir, elle déclare d'avance qu'elle s'empressera de les recevoir et de partager avec eux, après la vérification de leurs pouvoirs, la suite des grands travaux qui doivent procurer la régénération de la France. L'Assemblée nationale arrête que les motifs de la présente délibération seront incessamment rédigés pour être présentés au Roi et à la Nation.

Versailles, le 17 juin 1789. »

L'Assemblée fait immédiatement acte de souveraineté en autorisant provisoirement la perception des contributions dont elle constate l'illégalité du fait qu'elles n'ont point été autorisées par la nation.

« L'Assemblée nationale,

Considérant que le premier usage qu'elle doit faire du pouvoir dont la nation recouvre l'exercice, sous les auspices d'un monarque qui, jugeant la véritable gloire des rois, a mis la sienne à reconnaître les droits de son peuple, est d'assurer, pendant la durée de la présente session, la force de l'administration publique ;
Voulant prévenir les difficultés qui pourraient traverser la perception et l'acquit des contributions, difficultés d'autant plus dignes d'une attention sérieuse qu'elles auraient pour base un principe constitutionnel et à jamais sacré, authentiquement reconnu par le roi, et solennellement proclamé par toutes les assemblées de la nation, principe qui s'oppose à toute levée de deniers de contributions dans le royaume, sans le consentement formel des représentants de la nation ;
Considérant qu'en effet les contributions, telles qu'elles se perçoivent actuellement dans le royaume, n'ayant point été consenties par la nation, sont toutes illégales et par conséquent nulles dans leur création, extension ou prorogation ;

Déclare, à l'unanimité des suffrages, consentir provisoirement pour la nation, que les impôts et contributions, quoique illégalement établis et perçus, continuent d'être levés de la même manière qu'ils l'ont été précédemment, et ce, jusqu'au jour seulement de la première séparation de cette assemblée, de quelque cause qu'elle puisse provenir ; passé lequel jour, l'Assemblée nationale entend et décrète que toute levée d'impôts et contributions de toute nature qui n'auraient pas été nommément, formellement et librement accordés par l'Assemblée, cessera entièrement dans toutes les provinces du royaume, quelle que soit la forme de leur administration. L'Assemblée s'empresse de déclarer qu'aussitôt qu'elle aura, de concert avec sa majesté, fixé les principes de la régénération nationale, elle s'occupera de l'examen et de la consolidation de la dette publique, mettant dès à présent les créanciers de l'État sous la garde de l'honneur et de la loyauté de la nation française. »

Mais, le 20 juin, le roi ayant fait fermer la salle des séances, les députés se réunissent dans la salle du Jeu de Paume où ils affirment leur volonté de fixer la Constitution du royaume et prêtent à la suite du président de l'Assemblée, Bailly, le fameux serment « de ne jamais se séparer et de se rassembler partout où les circonstances l'exigeront, jusqu'à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides ». Cette scène du serment du Jeu de Paume a été représentée par David. Un bas-relief perpétue au Palais-Bourbon le souvenir de la résistance des premiers parlementaires.

« L'Assemblée nationale,

Considérant qu'appelée à fixer la Constitution du royaume, opérer la régénération de l'ordre public, et maintenir les vrais principes de la monarchie, rien ne peut empêcher qu'elle ne continue ses délibérations dans quelque lieu qu'elle soit forcée de s'établir, et qu'enfin partout où ses membres sont réunis, là est l'Assemblée nationale ;

Arrête que tous les membres de cette Assemblée prêteront, à l'instant, serment solennel de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l'exigeront, jusqu'à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides, et que ledit serment étant prêté, tous les membres, et chacun en particulier, confirmeront par leur signature cette résolution inébranlable.

Versailles, 20 juin 1789 »

L'Assemblée détermine ainsi sa mission : établir un nouvel ordre constitutionnel et politique. Le roi refuse : dans son discours du 23 juin, il déclare vouloir « que l'ancienne distinction des trois ordres soit conservée en son entier, comme essentiellement liée à la constitution de son royaume », et il proclame nulles et illégales les délibérations prises par l'Assemblée le 17 juin. Mirabeau traduit la volonté de résistance des députés en apostrophant le marquis de Dreux-Brézé qui veut faire évacuer la salle des séances : « Je déclare que si l'on vous a chargé de nous faire sortir d'ici, vous devez demander des ordres pour employer la force ; car nous ne quitterons nos places que par la puissance des baïonnettes. » Les députés refusent d'évacuer la salle et l'Assemblée nationale prend alors un décret sur l'inviolabilité des députés.

« L'Assemblée nationale,

Déclare que la personne des députés est inviolable ; que tous particuliers, toute corporation, tribunal, cour ou commission, qui oseraient, pendant ou après la présente session, poursuivre, rechercher, arrêter ou faire arrêter, détenir ou faire détenir un député pour raison d'aucune proposition, avis, opinion ou discours par lui fait aux états généraux, de même que toutes personnes qui prêteraient leur ministère à aucun desdits attentats, de quelque part qu'ils fussent ordonnés, sont infâmes et traîtres envers la nation, et coupables de crime capital.

L'Assemblée nationale arrête que, dans les cas susdits, elle prendra toutes les mesures nécessaires pour faire rechercher, poursuivre et punir ceux qui en seront les auteurs, instigateurs ou exécuteurs.

Versailles, le 23 juin 1789. »

Confirmant sa mission, elle se proclame, le 9 juillet, Assemblée nationale constituante. Enfin, affermie par la première des grandes journées révolutionnaires, lorsque le peuple prend la Bastille le 14 juillet, l'Assemblée nationale s'attaque à la structure de la société féodale dans la nuit du 4 au 5 août. La destruction du régime féodal est ainsi décidée, mais ses effets font l'objet de textes ultérieurs.

« Article 1. L'Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal. Elle décrète que, dans les droits et devoirs, tant féodaux que censuels, ceux qui tiennent à la mainmorte réelle ou personnelle, et à la servitude personnelle, et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité, et tous les autres sont déclarés rachetables, et que le prix et le mode du rachat seront fixés par l'Assemblée nationale. Ceux desdits droits qui ne sont point supprimés par ce décret, continueront néanmoins à être perçus jusqu'au remboursement.

Article 2. Le droit exclusif des fuies et colombiers est aboli. Les pigeons seront enfermés aux époques fixées par les communautés ; et durant ce temps, ils seront regardés comme gibiers, et chacun aura le droit de les tuer sur son terrain.

Article 3. Le droit exclusif de la chasse et des garennes ouvertes est pareillement aboli, et tout propriétaire a le droit de détruire et faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourront être faites relativement à la sûreté publique. Toutes capitaineries, même royales, et toutes réserves de chasse, sous quelque dénomination que ce soit, sont pareillement abolies ; et il sera pourvu, par des moyens compatibles avec le respect dû aux propriétés et à la liberté, à la conservation des plaisirs personnels du roi. M. le Président sera chargé de demander au Roi le rappel des galériens et des bannis pour simple fait de chasse, l'élargissement des prisonniers actuellement détenus, et l'abolition des procédures existant à cet égard.

Article 4. Toutes les justices seigneuriales sont supprimées sans aucune indemnité ; et néanmoins, les officiers de ces justices continueront leurs fonctions jusqu'à ce qu'il ait été pourvu par l'assemblée nationale à l'établissement d'un nouvel ordre judiciaire.

Article 5. Les dîmes de toute nature, et les redevances qui en tiennent lieu, sous quelque dénomination qu'elles soient connues et perçues, même par abonnement, possédées par les corps séculiers et réguliers, par les bénéficiers, les fabriques, et tous gens de mainmorte, même par l'ordre de Malte, et autres ordres religieux et militaires, même celles qui auraient été abandonnées à des laïcs, en remplacement et pour option de portion congrue, sont abolies, sauf à aviser aux moyens de subvenir d'une autre manière à la dépense du culte divin, à l'entretien des ministères des autels, au soulagement des pauvres, aux réparations et reconstructions des églises et presbytères, et à tous les établissements, séminaires, écoles, collèges, hôpitaux, communautés et autres, à l'entretien desquels elles sont actuellement affectées. Et cependant jusqu'à ce qu'il y ait été pourvu, et que les anciens possesseurs soient entrés en jouissance de leur remplacement, l'Assemblée nationale ordonne que lesdites dîmes continueront d'être perçues suivant les lois et en la manière accoutumée. Quant aux autres dîmes, de quelque nature qu'elles soient, elles seront rachetables de la manière qui sera réglée par l'Assemblée ; et jusqu'au règlement à faire à ce sujet, l'Assemblée nationale ordonne que la perception en sera aussi continuée.

Article 6. Toutes les rentes foncières perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce qu'elles soient, quelle que soit leur origine, à quelques personnes qu'elles soient dues, gens de mainmorte, domaines apanagistes, ordre de Malte, seront rachetables ; les champarts de toute espèce, et sous toutes dénominations, le seront pareillement, au taux qui sera fixé par l'Assemblée. Défenses sont faites de plus à l'avenir créer aucune redevance non remboursable.

Article 7. La vénalité des offices de judicature et de municipalité est supprimée dès cet instant. La justice sera rendue gratuitement. Et néanmoins, les officiers pourvus de ces offices, continueront d'exercer leurs fonctions, et d'en percevoir les émoluments, jusqu'à ce qu'il ait été pourvu par l'assemblée aux moyens de leur procurer leur remboursement.

Article 8. Les droits casuels des curés de campagne sont supprimés, et cesseront d'être payés aussitôt qu'il aura été pourvu à l'augmentation des portions congrues et à la pension des vicaires ; et il sera fait un règlement pour fixer le sort des curés des villes.

Article 9. Les privilèges pécuniaires personnels ou réels, en matière de subsides, sont abolis à jamais. La perception se fera sur tous les citoyens et sur tous les biens, de la même manière et dans la même forme ; et il va être avisé aux moyens d'effectuer le paiement proportionnel de toutes les contributions, même pour les six derniers mois de l'année d'impositions courantes.

Article 10. Une constitution nationale et la liberté publique étant plus avantageuse aux provinces que les privilèges dont quelques-unes jouissaient, et dont le sacrifice est nécessaire à l'union intime de toutes les parties de l'empire, il est déclaré que tous les privilèges particuliers des provinces, principautés, pays, cantons, villes et communautés d'habitants, soit pécuniaires, soit de tout autre nature, sont abolis sans retour, et demeureront confondus dans le droit commun de tous les Français.

Article 11. Tous les citoyens, sans distinction de naissance, pourront être admis à tous les emplois et dignités ecclésiastiques, civils et militaires, et nulle profession utile n'emportera dérogeance.

Article 12. A l'avenir il ne sera envoyé en cour de Rome, en la vice-légation d'Avignon, en la nonciature de Lucerne, aucuns deniers pour annates ou pour quelque autre cause que ce soit ; mais les diocésains s'adresseront à leurs évêques pour toutes les provisions de bénéfices et dispenses, lesquelles seront accordées gratuitement, nonobstant toutes réserves, expectatives et partages de mois ; toutes les églises de France devant jouir de la même liberté.

Article 13. Les déports, droits de côte-morte, dépouilles, vacant, droits censaux, deniers de Saint-Pierre, et autres du même genre établis en faveur des évêques, archidiacres, archiprêtres, chapitres, curés primitifs, et tous autres, sous quelque nom que ce soit, sont abolis, sauf à pourvoir, ainsi qu'il appartiendra, à la dotation des archidiaconés et des archiprêtres qui ne seraient pas suffisamment dotés.

Article 14. La pluralité des bénéfices n'aura plus lieu à l'avenir, lorsque les revenus du bénéfice ou des bénéfices dont on sera titulaire excéderont la somme de trois mille livres. Il ne sera pas permis non plus de posséder plusieurs pensions sur bénéfices, ou une pension et un bénéfice, si le produit des objets de ce genre que l'on possède déjà, excède la même somme de trois mille livres.

Article 15. Sur le compte qui sera rendu à l'assemblée nationale de l'état des pensions, grâces et traitements, elle s'occupera, de concert avec le roi, de la suppression de ceux qui n'auraient pas été mérités, et de la réduction de ceux qui seraient excessifs, sauf à déterminer pour l'avenir une somme dont le roi pourra disposer pour cet objet.

Article 16. L'assemblée nationale décrète qu'en mémoire des grandes et importantes délibérations qui viennent d'être prises pour le bonheur de la France, une médaille sera frappée, et qu'il sera chanté, en action de grâces, un Te Deum dans toutes les paroisses et églises du royaume.

Article 17. L'assemblée nationale proclame solennellement le roi Louis XVI Restaurateur de la liberté française.

Article 18. L'assemblée nationale se rendra en corps auprès du roi, pour présenter à Sa Majesté l'arrêté qu'elle vient de prendre, lui porter l'hommage de sa plus respectueuse reconnaissance, et la supplier de permettre que le Te Deum soit chanté dans sa chapelle, et d'y assister elle-même.

Article 19. L'assemblée nationale s'occupera, immédiatement après la constitution, de la rédaction des lois nécessaires pour le développement des principes qu'elle a fixé par le présent arrêté, qui sera incessamment envoyé par MM. les députés dans toutes les provinces, avec le décret du 10 de ce mois, pour l'un et l'autre y être imprimés, publiés même au prône des paroisses, et affichés partout où besoin sera.

4, 6, 7, 8 et 11 août-3 novembre 1789. »

Seuls les droits seigneuriaux sont supprimés sans indemnité, tandis que les autres droits dérivant d'un contrat d'inféodation sont déclarés rachetables, ainsi que l'indique le décret relatif aux droits féodaux des 15-28 mars 1790.

Les articles de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen sont adoptés du 20 au 26 août, acceptée par le roi le 5 octobre et promulguée le 3 novembre 1789. Elle a été placée ensuite, avec quelques variantes par rapport au texte initial, en tête de la Constitution de 1791. C'est ce dernier texte qui a été repris par le Journal officiel en 1958.