16 juin 1815, 14h : Waterloo J-2, Bataille des Quatre Bras


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Les troupes françaises, divisées en deux ailes, sont, le même jour, opposées à des unités de Wellington aux Quatre-Bras (une dizaine de kilomètres au sud du champ de bataille de Waterloo) et à trois des quatre corps prussiens à Ligny (une dizaine de kilomètres au sud-est des Quatre-Bras). La manœuvre projetée de Napoléon consiste à battre son premier adversaire, les Prussiens de Blücher, l'empereur pensant à tort que celui-ci se replierait sur ses lignes naturelles de communication (Liège et Maastricht), puis à battre les Anglo-Néerlandais de Wellington qui se retireraient sur Bruxelles puis la mer.

L’Empereur, soucieux de la tournure prise par les premiers engagements, apprend que le général de Bourmont vient de passer à l’ennemi avec cinq officiers de son état-major. Cette trahison aura une très grave conséquence puisque Blücher est immédiatement informé que « le jour même » est prévue une attaque française « dirigée contre Charleroi ». 


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Vers 3h30

Aux Quatre-Bras, le général Perponcher, commandant la 2e division néerlandaise, ordonne ses troupes pour le combat. Les chasseurs du 27e bataillon sont placés en première ligne, à gauche de la chaussée de Charleroi, les deux compagnies de flanc de ce bataillon à gauche. Le 8e bataillon de milice est placé en réserve au centre, derrière le hameau des Quatre-Bras. Le 2e bataillon du 2e régiment de Nassau (que viendra soutenir, vers midi, le 3e bataillon), est positionné sur les hauteurs, près de la chapelle de Frasnes : l'une de ces compagnies garde le hameau, les deux autres la lisière du bois de Bossu. Ainsi, le bataillon commande tout le bois.

Vers 6h00

Deux compagnies de chasseurs se portent à la hauteur de la chapelle de Frasnes ; deux compagnies du 27e chasseurs se postent plus loin à gauche ; les tirailleurs gagnent la lisière du Bois de Villers-Perwin pour observer l'ennemi. Le 7e bataillon de ligne fait mouvement pour se placer à droite de ce bois que le 7e de milice investit alors. Enfin, le 5e de milice se poste à gauche de la chaussée de Charleroi avec mission de garder la ferme de Gémioncourt. Quant à l'artillerie, deux canons de deux livres et un obusier de l'artillerie à cheval (capitaine Bijlevelt) sont placés sur la route de Frasnes tandis qu'un obusier et un canon de six livres sont postés sur le côté droit de cette route et que les trois autres canons de six sont positionnés sur la chaussée de Namur. Les deux obusiers et quatre canons de six livres de l'artillerie à pied (capitaine Stevenart) se placent avant le hameau, deux canons soutenant l'aile droite de la première ligne.

Vers 10h00

Le duc de Wellington et le prince d'Orange arrivent aux Quatre-Bras. Le duc approuve les dispositions prises par Perponcher, qui reçoit même les compliments du général en chef. En fin de matinée, il gagne Ligny pour une conférence avec Blücher sur la bataille à venir avec Napoléon, laissant le prince d'Orange en charge aux Quatre-Bras.

De son côté, Ney attend toujours le renfort des corps d'Erlon et Reille. Erlon rassemble ses troupes éparses autour de Gosselies et Reille autour de Frasnes. Napoléon ordonne au comte de Valmy, le général Kellermann, de rejoindre Ney avec toute sa cavalerie lourde. Vers midi enfin, Reille, toujours à Frasnes, est prêt à faire route vers les Quatre-Bras. L'infanterie de Bachelu et la cavalerie de Piré doivent former l'avant-garde, suivie par les divisions d'infanterie Foy et prince Jérôme.

Vers 14h00

L'avant-garde française aperçoit les positions néerlandaises. Face à l'aile gauche française se trouvent, dans le bois de Bossu, outre les six canons du capitaine Stevenart, le 1er bataillon du 2e régiment de Nassau, le 8e de milice, et le 1er bataillon du 28e régiment de ligne, ou régiment Orange-Nassau, appelé ainsi pour le distinguer du 28e régiment britannique, de la division Picton. Les deux fermes de Pierrepont sont tenues par le régiment Orange-Nassau. Face à la droite française se trouve le 27e chasseurs, qui tient les fermes de Gemioncourt et de Piraumont, mais aussi la ferme de « Paradis », sur la route Nivelles-Namur, et couvre ainsi un front de 1 000 mètres, ce que Ney, présent sur place depuis 13 h 45, remarque. Il décide donc de faire de la ferme de Gémioncourt son objectif majeur, puis le bois de Bossu qu'il ne pense pas être occupé, malgré la mise en garde de Reille, plus sensible aux « pièges britanniques ». Ney dispose alors de 9 600 fantassins, 4 600 cavaliers et 34 canons, tandis que Guillaume d'Orange aligne 8 000 fantassins et 16 canons sans aucune cavalerie lorsque la bataille s’engage.

Les 7 800 hommes et les huit canons de la division Jérôme, partis de Gosselies, ne pourront combattre que vers 16 heures. Au mieux, le général Reille emmène la brigade Jamin de la division Foy et les brigades de Husson et Campi de la division Bachelu en trois colonnes. A la droite de la brigade Campi sont flanqués les lanciers et les chasseurs à cheval de Piré.

Arrivée à hauteur de la ferme Lairalle, la brigade Jamin, dirigée par le général Foy lui-même, tourne à gauche vers le bois de Bossu et attaque la ligne des chasseurs du 27e, les deux brigades de Bachelu continuant à droite vers Pireaumont où ils refoulent les autres compagnies de chasseurs néerlandais. Foy fait déployer ses batteries, qui ouvrent le feu contre celles de Bijlevelt et Stevenart, avec un résultat dévastateur : Stevenart est tué, sa batterie dévastée, et Bijlevelt forcé de retirer au nord de Gemioncourt, laissant un obusier aux Français.

Pendant ce temps la brigade Gauthier de la division Foy attaque la lisière méridionale du bois de Bossu, repoussant les bataillons de 1er Orange-Nassau et le 8e de milice à l'intérieur du bois avant que Saxe-Weimar ne lance une contre-attaque à la baïonnette et ne reprenne la partie du bois que les Français viennent d'occuper. Vers 16 heures, le prince d'Orange vient renforcer Saxe-Weimar avec le 2e Orange-Nassau : la division du prince Jérôme est alors en train d'investir le bois avec vigueur. À un contre quatre, Saxe-Weimar doit reculer. Il le fait pas à pas, en bon ordre, et vient prendre position au nord, à l'ouest, et sur la route de Houtain-le-Val.

À la ferme de Gémioncourt, le 5e de milice du lieutenant-colonel Westenberg est attaqué par la brigade Jamin, soutenue par les lanciers de Piré, qui les refoule dans la ferme emmurée. Ceux-ci doivent bientôt évacuer. La position de la division Perponcher est critique. Elle affronte 17 000 fantassins, 4 700 cavaliers et 62 canons, subit de lourdes pertes et n'a reçu aucun renfort. Wellington, qui revient de Ligny à ce moment, constate avec inquiétude qu'aucune unité britannique n'est encore arrivée. Celles qui ont fait mouvement de leur propre initiative se sont vues ralenties dans le gigantesque embouteillage des troupes alliées sur la route de Braine-le-Comte à Nivelles.

Vers 15h00

La brigade de cavalerie légère belgo-néerlandaise du général Van Merlen vient d'arriver de Binche. Peu après, ce sont les premiers éléments de la division Picton qui arrivent de Bruxelles. Van Merlen apporte 1 000 cavaliers et deux pièces d'artillerie à cheval. Il place ses hussards (Boreel) et dragons (Mercx) au sud de la chaussée de Namur en deux lignes. Picton amène quant à lui les brigades écossaise et anglaise de Pack et Kempt, soit huit bataillons, qui se déploient aussitôt sur la route de Namur, leur droite touchant le hameau de Quatre-Bras, la gauche s'appuyant sur la ferme de Haute-Cense. Peu de temps après, c'est au tour de la brigade hanovrienne du colonel Best de se présenter. Elle se positionne derrière ces brigades britanniques. Ces renforts viennent de porter l'effectif des alliés à 15 000 fantassins, 1 000 cavaliers et vingt-sept canons.

Motivés par ces renforts, les miliciens du 5e repartent à l'assaut de la ferme de Gémioncourt et en chassent à la baïonnette les hommes de Jamin. Ils sont immédiatement attaqués par les chasseurs à cheval du colonel Faudouas, mais les reçoivent avec sang-froid. Leurs tirs nourris contraignent les cavaliers français à s'enfuir en désordre. Les jeunes soldats du 5e, secondés par les débris du 27e chasseurs, plus tôt malmené par les soldats de Jamin, s'illustrent : ils accueillent à présent les lanciers de Galbois comme ils l'ont fait avec les chasseurs à cheval. Vient le prince d'Orange, sur Vexy, sa monture préférée. À peine a-t-il félicité ses hommes qu'il voit venir sur la ferme l'arrivée d'une colonne de cavalerie et d'infanterie françaises. Il ordonne aussitôt à Merlen de les engager et se met lui-même à la tête de ses miliciens pour les mener contre la colonne de Foy. L'affaire, cette fois, est plus ardue et les Néerlandais sont à nouveau forcés d'évacuer Gémioncourt.

Avec maladresse, les hussards de Boreel viennent attaquer la colonne Foy mais sont facilement repoussés par les chasseurs à cheval de Simonneau, puis poursuivis par les lanciers de Jacqueminot. Dans son élan, la cavalerie française se jette sur ce qui reste des batteries de Stevenart et Bijlevelt, et sur le bataillon du 5e de milice en retraite. Le prince d'Orange, enveloppé par la charge de la cavalerie française, ne doit son salut qu'à la vitesse de son cheval.

Les dragons belges du colonel Mercx, voyant les hussards néerlandais repoussés, se lancent au galop contre les chasseurs à cheval français. Dans le choc, ils retrouvent d'anciens camarades de régiment, le 6e régiment de chasseurs à cheval français, auquel ils ont appartenu quelques mois plus tôt, au moment où les Belges sont encore dans les rangs de la Grande armée. Appelés par les Français à déserter et à rejoindre l'armée impériale, les Belges sont demeurés côté allié. Ils reculent, et viennent chercher protection auprès d'un bataillon d'infanterie écossais de la division Picton. Mais les Belges, non encore pourvus de nouveaux uniformes et portant leur ancien uniforme français, sont pris pour des ennemis, et les Écossais les accueillent à coups de fusil.

Vers 16h00

Le corps commandé par le duc de Brunswick vient se placer près du bois de Bossu, là où le ruisseau de Gémioncourt débouche du bois. Le centre des coalisés, et notamment le centre-droit, est renforcé. Les Français sont sur la rive du ruisseau et s'apprêtent à monter à l'assaut du carrefour.

Les forces sont à présent plus ou moins égales. Ney, qui n'a reçu aucun renfort, compte sur l'arrivée du corps de d'Erlon, qui remonte de Gosselies, soit près de 19 000 fantassins, 1 500 cavaliers et 46 canons. C'est alors qu'il reçoit un ordre de Napoléon, envoyé par le maréchal Soult, chef d'état-major général en l'absence du maréchal Berthier. L'ordre est daté de 14 heures — la distance entre Fleurus et les Quatre-Bras par Gosselies est d'environ 18 km —, et ordonne au « Brave des braves » de refouler « […] tout ce qui est devant vous, et qu'après l'avoir vigoureusement poussé, vous vous rabattiez sur nous pour concourir à envelopper le corps dont je viens de vous parler [Blücher] ». De Bas et Wommersom continuent : « Eclairé désormais sur les intentions de Napoléon, le maréchal Ney comprit enfin qu'il devrait à tout prix se rendre maître de l'intersection des chaussées de Bruxelles et Namur et prit en conséquence les dispositions pour diriger contre ce point […] une attaque énergique. Il ordonna au général Bachelu de déboucher au-delà de Pireaumont pour attaquer l'aile gauche de l'ennemi, à la brigade de Jamin de seconder [cette attaque] en longeant à l'est la chaussée de Charleroi. Cinq batteries [42 canons] devaient préparer le mouvement offensif en prenant position ».

Wellington décide alors de tenter de déséquilibrer Ney. Il fait avancer le corps du duc de Brunswick à Gémioncourt pour le lier avec les Néerlandais (toujours dans le bois de Bossu) ; et ordonne à Picton de faire avancer ses brigades en ligne pour soutenir le mouvement des Brunswickois. Il espère ainsi briser les colonnes d'assaut de Bachelu, qui approchent, et regagner une partie du terrain perdu plus tôt dans la journée par les Néerlandais. Dissimulés par les plants de seigle de plus de six pieds de haut, les hommes de Picton fusillent les Français à courte portée et les poursuivent à la baïonnette. Mais ils doivent reculer à leur tour et revenir sur leurs positions initiales, pris sous le feu de l'artillerie impériale et la menace des lanciers français.

Protégé par les seigles, le duc de Brunswick avance jusqu'au bois de Bossu. Les Néerlandais de Saxe-Weimar, toujours dans le bois, reculent devant les tirailleurs de Jérôme. Les Français sortent du bois, poussant devant eux les Néerlandais. La colonne de Brunswick ne réalise la situation que trop tard. Ils sont pris, sur leur flanc, par le feu des tirailleurs français, quand survient la cavalerie française. Le duc veut s'y opposer avec sa cavalerie quand il est mortellement touché par une balle de mousquet français. C’est le sauve-qui-peut chez les Brunswickois.

Ney ordonne à Piré de monter à l'assaut du carrefour avec deux brigades sur chacun des côtés de la chaussée de Charleroi. Wellington rallie la cavalerie brunswickoise et ce qui reste de la brigade Merlen. En vain, il tente de s'opposer à la charge française. La cavalerie coalisée est repoussée derrière le carrefour, contraignant le duc de Wellington à se réfugier dans un carré écossais.

Vers 17h00

Pour Wellington, le pire est passé. De nouveaux renforts arrivent continuellement : d'abord les brigades de tête de la division Alten, celles de Kielmannsegge et de Halkett ; puis, la division de la garde du général Cooke. Wellington a maintenant la supériorité numérique. C'est alors qu'un messager prussien se présente, porteur d'un message urgent du général Gneisenau, le chef d'état-major de Blücher. Les Prussiens ont débuté la bataille de Ligny ce même après-midi vers 15 h, contre le gros de l'armée de Napoléon, et sont en train de perdre. Gneisenau demande à Wellington qu'il retienne au moins Ney aux Quatre-Bras. Wellington promet de faire de son mieux.

Côté français, Napoléon, à 15 heures, écrit à Ney pour l'informer qu'il a besoin du corps de d'Erlon pour parachever la victoire attendue à Ligny. C'est une mauvaise nouvelle pour Ney, qui compte sur ce corps frais pour emporter les Quatre-Bras et vaincre Wellington. À présent, il sait ses hommes fatigués, l'élan de son assaut retombé, et est désormais conscient de son infériorité numérique. Il n'est plus question de prendre le carrefour ni de vaincre les Alliés, mais seulement d'éviter de reculer et d'exposer l'Empereur à la jonction des armées de Wellington et de Blücher. Ney, qui vient d'apprendre que le corps du comte d'Erlon a quitté la route de Charleroi et se rapproche du champ de bataille de Ligny, est en plein doute. Il craint de ne pas tenir, et il envoie une estafette pour faire rappeler d'Erlon, malgré l'ordre impérial.

Pendant que Wellington cherche à améliorer sa position et lance la brigade Kielmannsegge sur la ferme de Piraumont. Le prince d'Orange ordonne à la brigade Halkett de se déployer en ligne pour soutenir Picton, Ney, en attente de d'Erlon, fait chercher les cuirassiers du général Kellermann laissés en réserve à Frasnes. « Prenez votre cavalerie, jetez-vous au milieu des Anglais. Écrasez-les, passez-leur sur le ventre ! » lance le maréchal à son subordonné. Un millier de cavaliers bardés de fer s'élancent maintenant sur la brigade Halkett. Kellermann surprend le 69e régiment d'infanterie et renverse également les 73e et 33e régiments d'infanterie, dont les hommes s'enfuient dans le bois de Bossu. Toutefois, il ne parvient pas à prendre le carrefour, notamment à cause de deux bataillons brunswickois et de la batterie d'artillerie à cheval du major Kullmann qui y accueille les cuirassiers à coups de mitraille. La charge suivante de Piré ne rencontre pas plus de succès[].

Vers 18h30

La division des gardes de Cooke porte l'armée de Wellington à 36 000 fantassins et 50 canons. À deux contre un et avec la parité dans les canons, Wellington décide de passer à l'offensive. Il reste deux heures et demies de clarté. Les Gardes entrent dans le bois de Bossu, mais ont besoin de deux heures pour le dégager, car les Français ont disputé chaque bâtiment et chaque bosquet.

Vers 21h00

Au coucher du soleil, la bataille s'achève. Ney se retire en bon ordre à Frasnes, laissant le champ de bataille à Wellington. Les armées coalisées y passent la nuit.