15 juin 1815 : Waterloo J-3
La veille, à Avesnes,
Napoléon s’est adressé à ses soldats :
« Soldats !
C’est aujourd’hui l’anniversaire
de Marengo et de Friedland qui décidèrent deux fois du destin de l’Europe.
Alors, comme à Austerlitz, comme après Wagram, nous fûmes trop généreux. Nous
crûmes aux protestations et aux serments des princes que nous laissâmes sur le
trône. Aujourd’hui cependant, coalisés entre eux, ils en veulent à l’indépendance
et aux droits les plus sacrés de la France. Ils ont commencé la plus injuste
des agressions.
Marchons donc à leur
rencontre !
Soldats !
Nous avons les marches forcées
à faire, des batailles à livrer, des périls à courir ; mais avec de la
constance, la victoire sera à nous. Les droits, l’honneur et le bonheur de la
patrie seront reconquis ; pour tous Français qui a du cœur, le moment est
arrivé de vaincre ou de périr ! »
Les hommes de l’armée
impériale, gonflée par les propos de l’Empereur de la veille, sont animés par
une extraordinaire volonté de vaincre. Ils savent que le sort de la France va
se jouer dans les heures à venir.
Le 15 juin, à 3 heures et
demie du matin, les premiers éléments franchissent la frontière. L'armée
française marche sur trois colonnes : à gauche les corps de Reille (2e) et de
d'Erlon (1er), par Thuin et Marchienne ; au centre, Vandamme, Lobau, la Garde
impériale et la réserve de cavalerie, par Ham-sur-Heure et Marcinelle ; à
droite, le corps de Gérard par Florenne et Gerpinnes, vers Châtelet. Mais
partout il se produit d'importants retards. Suite à un accident dans la
transmission des ordres, le 3e corps, de Vandamme, qui n'a pas reçu son ordre
de mouvement, quitte ses bivouacs avec cinq heures de retard, et retarde ainsi
toutes les troupes qui devaient le suivre. Sur la droite, un des
généraux de division du 4e corps, Bourmont, passe à l'ennemi avec quelques
officiers de son état-major, pour rejoindre le roi Louis XVIII à Gand.
Le premier obstacle qui se
présente à l'armée française est la Sambre, qui peut être traversée sur les
ponts de Thuin, Marchienne au Pont, Charleroi et Châtelet. Napoléon a prescrit
de passer la rivière à midi. A gauche, le pont de Marchienne est enlevé
un peu avant midi et franchi par le 2e corps (Reille), mais le 1e (d'Erlon) ne
commence à le traverser qu'à 4 heures et demie. Au centre, la prise du
pont de Charleroi est retardée par l'absence de l'infanterie de Vandamme. Ce
sont les marins et les sapeurs de la garde qui l'enlèvent. A droite, le
4e corps n'arrive que tard dans l'après-midi à Châtelet.
Au sortir de Charleroi, quelques troupes prussiennes sont établies pour
retarder l'avance française, mais offrent peu de résistance et se retirent vers
Sombreffe. Au cours d'une charge contre ces troupes en retraite, le général
Letort, un des aides de camp de Napoléon, est blessé mortellement d'une balle
dans la poitrine. À 20 heures,
Napoléon installe son quartier général à Charleroi. Il
confie le commandement de l'aile droite(3ème et 4ème corps
d'infanterie, 2ème corps
de cavalerie) à Grouchy sans que les ordres soient bien transmis (le
maréchal Soult fut un piètre chef d'état-major durant la campagne).
Napoléon garde en réserve le 6ème corps,
la Garde et les 2 derniers corps de cavalerie. Il faut savoir qu'à ce moment,
l'armée de Napoléon est loin d'être réunie car beaucoup d'éléments se trouvent
toujours au sud de la Sambre et le peu de ponts existants en limite
fortement le franchissement. Dans la soirée, Blücher fait avancer ses 2ème, 3ème (partis tous deux près de Namur) et 4ème corps
(parti de Liège) vers la plaine de Ligny afin d'affronter Napoléon.
Le maréchal Ney, appelé au dernier moment à l'armée, ne rejoint Napoléon à Charleroi que dans le courant de l'après-midi. Il se voit confier les 1er et 2ème corps de l’armée, ainsi que la cavalerie de la garde impériale. Ney doit non seulement improviser son commandement, ses relations avec ses subordonnés, mais aussi deviner le sens des ordres de l'empereur. Sa mission, prendre position au lieu-dit les Quatre-Bras.
Contrairement à Wellington,
le compétent major-général Constant-Rebecque, chef d'état-major du prince
d'Orange
au grand quartier général néerlandais à Braine-le-Comte, a très tôt pressenti
l'importance du carrefour des Quatre-Bras, et que Napoléon va chercher à s'en
emparer au plus tôt. Devant l'avance française, Constant-Rebecque a pris les
dispositions suivantes : la 1re brigade (Bylandt) de la 2e division
belgo-néerlandaise (Perponcher) gardera la route de Binche à Nivelles tandis
que la 2e brigade (Saxe-Weimar) se chargera de celle de
Charleroi à Bruxelles, et sera stationnée aux Quatre-Bras.
Saxe-Weimar arrive sur
place dans l'après-midi. En face, l'avant-garde française, formée de la
cavalerie légère de la Garde impériale arrive à Frasnes en début de soirée et
lance une reconnaissance des Quatre-Bras. Une escarmouche s'ensuit et le
commandant français, le général Lefebvre-Desnouettes, surestime la force des
troupes de Nassau — mercenaires combattant pour les Pays-Bas — qui lui sont
opposées et considère que la tombée prochaine de la nuit ne permet pas de
prendre le contrôle du carrefour avant le lendemain. Il se retire et en réfère à
Ney.
De son côté,
Constant-Rebecque, une fois informé, commande à Saxe-Weimar de tenir son poste
à tout prix, et en réfère aussitôt, le soir même, au prince d'Orange, alors à
Bruxelles. À peu près au même moment, Wellington vient de recevoir
l'information de la retraite prussienne, et a actualisé ses ordres précédents
en conséquence (les after orders). Cette actualisation prescrit aux
troupes néerlandaises de quitter Quatre-Bras pour Nivelles, ce qui laisse le
carrefour aux Français et menace de rompre la liaison entre les armées
anglo-néerlandaise et prussienne. Wellington, lorsqu'il reçoit la nouvelle de
l'accrochage des Quatre-Bras, ne change pas ses ordres immédiatement. Ce
soir-là, il y a un bal en l'honneur de la Duchesse de Richmond et il est hors
de question que les officiers britanniques n'y participent pas. Wellington s'y
rend donc avec son état-major mais demeure attentif à l'évolution de la
situation. Pendant ce temps, les after orders destinés aux divisions
néerlandaises continuent leur chemin et parviennent à Constant-Rebecque, à
Braine-le-Comte autour de 22 h. Celui-ci comprend alors que Wellington n'a pas
saisi la gravité de la situation. Pour ne pas contredire le général en chef, il
se résout à « interpréter » les ordres. Ainsi, au lieu de les
éloigner des Néerlandais des Quatre-Bras, il rapproche la 3e division
(Chassé) à Nivelles et place la division de cavalerie du général baron Collaert
derrière La Haine. Verbalement, il prescrit au général Perponcher de tenir les
Quatre-Bras à n'importe quel prix.
Cette initiative permettra aux alliés, le lendemain 16 juin, de tenir le carrefour et donc d'empêcher que l'armée prussienne ne soit prise à revers et sans doute détruite par les troupes de Ney. Pourtant cette position aurait pu rendre les Français maîtres d’un point d’appui pour la suite des évènements. Napoléon lui reprochera à Sainte-Hélène de n'avoir pas pris les Quatre-Bras dès le 15 juin. Ses défenseurs diront qu'il n'en avait pas reçu l'ordre, et que ses troupes n'auraient pas pu effectuer une si longue distance tout en combattant.
Cette initiative permettra aux alliés, le lendemain 16 juin, de tenir le carrefour et donc d'empêcher que l'armée prussienne ne soit prise à revers et sans doute détruite par les troupes de Ney. Pourtant cette position aurait pu rendre les Français maîtres d’un point d’appui pour la suite des évènements. Napoléon lui reprochera à Sainte-Hélène de n'avoir pas pris les Quatre-Bras dès le 15 juin. Ses défenseurs diront qu'il n'en avait pas reçu l'ordre, et que ses troupes n'auraient pas pu effectuer une si longue distance tout en combattant.