15 juin 1815 : Waterloo J-3

https://www.facebook.com/groups/GrandesChroniquesDeFrance/


La veille, à Avesnes, Napoléon s’est adressé à ses soldats :

« Soldats ! 

C’est aujourd’hui l’anniversaire de Marengo et de Friedland qui décidèrent deux fois du destin de l’Europe. Alors, comme à Austerlitz, comme après Wagram, nous fûmes trop généreux. Nous crûmes aux protestations et aux serments des princes que nous laissâmes sur le trône. Aujourd’hui cependant, coalisés entre eux, ils en veulent à l’indépendance et aux droits les plus sacrés de la France. Ils ont commencé la plus injuste des agressions.

Marchons donc à leur rencontre !

Soldats !

Nous avons les marches forcées à faire, des batailles à livrer, des périls à courir ; mais avec de la constance, la victoire sera à nous. Les droits, l’honneur et le bonheur de la patrie seront reconquis ; pour tous Français qui a du cœur, le moment est arrivé de vaincre ou de périr ! »

Les hommes de l’armée impériale, gonflée par les propos de l’Empereur de la veille, sont animés par une extraordinaire volonté de vaincre. Ils savent que le sort de la France va se jouer dans les heures à venir.

Le 15 juin, à 3 heures et demie du matin, les premiers éléments franchissent la frontière. L'armée française marche sur trois colonnes : à gauche les corps de Reille (2e) et de d'Erlon (1er), par Thuin et Marchienne ; au centre, Vandamme, Lobau, la Garde impériale et la réserve de cavalerie, par Ham-sur-Heure et Marcinelle ; à droite, le corps de Gérard par Florenne et Gerpinnes, vers Châtelet. Mais partout il se produit d'importants retards. Suite à un accident dans la transmission des ordres, le 3e corps, de Vandamme, qui n'a pas reçu son ordre de mouvement, quitte ses bivouacs avec cinq heures de retard, et retarde ainsi toutes les troupes qui devaient le suivre. Sur la droite, un des généraux de division du 4e corps, Bourmont, passe à l'ennemi avec quelques officiers de son état-major, pour rejoindre le roi Louis XVIII à Gand. 

Le premier obstacle qui se présente à l'armée française est la Sambre, qui peut être traversée sur les ponts de Thuin, Marchienne au Pont, Charleroi et Châtelet. Napoléon a prescrit de passer la rivière à midi. A gauche, le pont de Marchienne est enlevé un peu avant midi et franchi par le 2e corps (Reille), mais le 1e (d'Erlon) ne commence à le traverser qu'à 4 heures et demie. Au centre, la prise du pont de Charleroi est retardée par l'absence de l'infanterie de Vandamme. Ce sont les marins et les sapeurs de la garde qui l'enlèvent. A droite, le 4e corps n'arrive que tard dans l'après-midi à Châtelet.

Au sortir de Charleroi, quelques troupes prussiennes sont établies pour retarder l'avance française, mais offrent peu de résistance et se retirent vers Sombreffe. Au cours d'une charge contre ces troupes en retraite, le général Letort, un des aides de camp de Napoléon, est blessé mortellement d'une balle dans la poitrine. À 20 heures, Napoléon installe son quartier général à Charleroi. Il confie le commandement de l'aile droite(3ème et 4ème corps d'infanterie,  2ème corps de cavalerie) à Grouchy sans que les ordres soient bien transmis (le maréchal Soult fut un piètre chef d'état-major durant la campagne). Napoléon garde en réserve le 6ème corps, la Garde et les 2 derniers corps de cavalerie. Il faut savoir qu'à ce moment, l'armée de Napoléon est loin d'être réunie car beaucoup d'éléments se trouvent toujours au sud de la Sambre et le peu de ponts existants en limite fortement le franchissement. Dans la soirée, Blücher fait avancer ses 2ème, 3ème (partis tous deux près de Namur) et 4ème corps (parti de Liège) vers la plaine de Ligny afin d'affronter Napoléon.

Le maréchal Ney, appelé au dernier moment à l'armée, ne rejoint Napoléon à Charleroi que dans le courant de l'après-midi. Il se voit confier les 1er et 2ème corps de l’armée, ainsi que la  cavalerie de la garde impériale. Ney doit non seulement improviser son commandement, ses relations avec ses subordonnés, mais aussi deviner le sens des ordres de l'empereur. Sa mission, prendre position au lieu-dit les Quatre-Bras. 

Contrairement à Wellington, le compétent major-général Constant-Rebecque, chef d'état-major du prince d'Orange au grand quartier général néerlandais à Braine-le-Comte, a très tôt pressenti l'importance du carrefour des Quatre-Bras, et que Napoléon va chercher à s'en emparer au plus tôt. Devant l'avance française, Constant-Rebecque a pris les dispositions suivantes : la 1re brigade (Bylandt) de la 2e division belgo-néerlandaise (Perponcher) gardera la route de Binche à Nivelles tandis que la 2e brigade (Saxe-Weimar) se chargera de celle de Charleroi à Bruxelles, et sera stationnée aux Quatre-Bras.

Saxe-Weimar arrive sur place dans l'après-midi. En face, l'avant-garde française, formée de la cavalerie légère de la Garde impériale arrive à Frasnes en début de soirée et lance une reconnaissance des Quatre-Bras. Une escarmouche s'ensuit et le commandant français, le général Lefebvre-Desnouettes, surestime la force des troupes de Nassau — mercenaires combattant pour les Pays-Bas — qui lui sont opposées et considère que la tombée prochaine de la nuit ne permet pas de prendre le contrôle du carrefour avant le lendemain. Il se retire et en réfère à Ney.

De son côté, Constant-Rebecque, une fois informé, commande à Saxe-Weimar de tenir son poste à tout prix, et en réfère aussitôt, le soir même, au prince d'Orange, alors à Bruxelles. À peu près au même moment, Wellington vient de recevoir l'information de la retraite prussienne, et a actualisé ses ordres précédents en conséquence (les after orders). Cette actualisation prescrit aux troupes néerlandaises de quitter Quatre-Bras pour Nivelles, ce qui laisse le carrefour aux Français et menace de rompre la liaison entre les armées anglo-néerlandaise et prussienne. Wellington, lorsqu'il reçoit la nouvelle de l'accrochage des Quatre-Bras, ne change pas ses ordres immédiatement. Ce soir-là, il y a un bal en l'honneur de la Duchesse de Richmond et il est hors de question que les officiers britanniques n'y participent pas. Wellington s'y rend donc avec son état-major mais demeure attentif à l'évolution de la situation. Pendant ce temps, les after orders destinés aux divisions néerlandaises continuent leur chemin et parviennent à Constant-Rebecque, à Braine-le-Comte autour de 22 h. Celui-ci comprend alors que Wellington n'a pas saisi la gravité de la situation. Pour ne pas contredire le général en chef, il se résout à « interpréter » les ordres. Ainsi, au lieu de les éloigner des Néerlandais des Quatre-Bras, il rapproche la 3e division (Chassé) à Nivelles et place la division de cavalerie du général baron Collaert derrière La Haine. Verbalement, il prescrit au général Perponcher de tenir les Quatre-Bras à n'importe quel prix. 

Cette initiative permettra aux alliés, le lendemain 16 juin, de tenir le carrefour et donc d'empêcher que l'armée prussienne ne soit prise à revers et sans doute détruite par les troupes de Ney. Pourtant cette position aurait pu rendre les Français maîtres d’un point d’appui pour la suite des évènements. Napoléon lui reprochera à Sainte-Hélène de n'avoir pas pris les Quatre-Bras dès le 15 juin. Ses défenseurs diront qu'il n'en avait pas reçu l'ordre, et que ses troupes n'auraient pas pu effectuer une si longue distance tout en combattant.