14 Juin 1800: Le général Desaix est tué à la bataille de Marengo


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Louis Charles Antoine Desaix, né le 17 août 1768 au château d'Ayat à Ayat-sur-Sioule (Puy-de-Dôme). Selon l'usage de l'époque, afin de se distinguer de son frère, il a ajouté à son nom celui du fief de sa famille et a pris pour nom Desaix de Veygoux. En 1792, la majeure partie de sa famille émigre, effrayée par la Révolution. Desaix choisira la République.
 
En 1776, à l'âge de huit ans, Desaix entre à l'École royale militaire d'Effiat, dirigée par les oratoriens. 

« Un guerrier dort sous cette tombe, et c’est le héros dont il prononça le nom à son dernier soupir qui nous rassemble autour de son ombre pour lui fonder un monument.
Desaix a mérité par sa vie entière cet hommage d’un grand homme et de la patrie. Dans l’âge des plaisirs, il se formait déjà pour la gloire et s’occupait de toutes les sciences qui font l’homme d’Etat et le guerrier. L’histoire, en lui peignant les grands hommes, lui inspira la noble ardeur de les imiter, et accrut sa passion pour l’art de vaincre ; les fatigues, toutes les privations supportées au milieu des Alpes endurcirent un tempérament qu’on avait jugé trop délicat pour le métier des armes."


Eloge funèbre

À vingt-trois ans, en 1791, il est nommé sous-lieutenant dans le régiment de Bretagne, puis nommé commissaire ordinaire des guerres à Clermont-Ferrand. Il part servir contre les forces de la coalition dans l'armée du Rhin. Il y est nommé aide de camp du commandant en chef Victor de Broglie. Alors qu'il est chargé de porter des courriers à Bourbonne-les-Bains et voulant éviter les contrôles au bourg de Xertigny, il se fait arrêter et conduire à la prison d'Epinal où il sera interrogé puis remis en liberté grâce à une intervention de Poullain Grandprey.

" Il avait 23 ans, le grade de capitaine, et l’emploi d’aide-de-camps à l’armée du Rhin, quand la guerre fut déclarée. Envoyé en reconnaissance, il revenait à Landau, il découvre l’ennemi aux prises avec les Français : il y vole sans armes, se précipite dans la mêlée, a son cheval blessé, est fait prisonnier, se dégage, étonne ses chefs par ses traits de lumière, s’élance de nouveau et sort couvert de gloire entouré de prisonniers qu’il a faits.
C’était tout à la fois son premier combat et le premier de la guerre. Les vieux militaires prédirent alors un soutien pour la patrie dans ce jeune guerrier qui se montrait audacieux avec réflexion et tour-à-tour impétueux et tranquille. L’éclat de cette action retentit dans l’armée Beauharnais s’en fait redire les détails, l’appelle auprès de lui, le nomme successivement chef de bataillon, adjudant-général et commandant des brigades qui vont au secours de Mayence."


Eloge funèbre

Nommé général de brigade à titre provisoire le 20 août 1793 (confirmé le 11 septembre), puis provisoirement général de division le 20 octobre (confirmé par le comité de Salut Public, dans l'armée du Rhin le 2 septembre 1794). Ses succès militaires en 1794 et 1795 conduisent à sa nomination comme commandant en chef par intérim de l'armée du Rhin.

" C’est par les talents que cette opération le met à même de signaler qu’il est nommé général de division. Desaix à 25 ans est à la tête d’un corps d’armée, dans ces temps d’orage où la gloire même est souvent un obstacle de plus à la victoire par l’ombrage qu’elle fait naître. L’ennemi, à Schifferstat, profite de son absence pour surprendre une de ses divisions : en vain poursuit-il nos bataillons dispersés dans la plaine ; Desaix arrive ; on lui crie : Qu’ordonnez-vous ? La retraite de l’ennemi, répondit-il. A sa voix les fuyards se rallient, l’action se rengage, Desaix donne à la fois l’ordre et l’exemple : déjà, dans l’ébranlement, dans le choc, il a saisi cet instant rapide qui décide la victoire : l’ennemi attaqué partout est partout vaincu. Daheim, Lauter, Wissembourg, Rastadt, Lauterbourg, Renchen, Malseck, Langenbruck et Kehl sont encore couverts de ses trophées."


Eloge funèbre

Lorsqu'il rencontre Bonaparte à Passenario en Italie en 1797, celui-ci lui confie l'organisation d'un convoi maritime pour la campagne d'Égypte, où il remplira la fonction d'amiral. Durant l'expédition d'Egypte, Desaix participe à la prise de Malte, puis à celle d'Alexandrie, écrase les mamelouks à Chébreiss (13 juillet 1798) et s'illustre lors de la bataille des Pyramides. Il reçoit ensuite l'ordre d'aller faire la conquête de la Haute-Égypte, et d'y achever la destruction des mamelouks. Il livre divers combats à Sonaguy, à Thèbes (aujourd'hui Louxor), à Syène (aujourd'hui Assouan), à Gosseys et triomphe partout. Son administration est telle qu'elle lui vaut le surnom de Sultan juste de la part des vaincus eux-mêmes. Par ailleurs, en homme instruit, il procure aux scientifiques chargés de reconnaître le pays tous les renseignements qu'il a recueillis, en recherchant lui-même les ruines et les monuments importants.

" La paix conclue, Desaix s’empresse de passer les monts par aller connaître ce jeune héros qui venait de la commander : il en reçoit l’accueil le plus flatteur ; il jure de ne plus se séparer de sa fortune, il va visiter ses champs de bataille, ses positions, ses campements ; il est sur le vaisseau qui le conduit en Egypte ; il combat à ses côtés à Chébreiss, aux Pyramides, et quand Mourad-Bey avec ses dix mille mamelucks  gagné la Haute-Egypte, Bonaparte envoie pour le combattre dix-huit cents hommes… et Desaix.L’histoire retraça cette campagne si féconde en prodiges ; elle peindra Desaix traversant des pays inondés ou des désert arides ; s’avançant environné, harcelé de tous côtés par l’ennemi, obligé d’interroger à chaque pas un mamelouk ou un Arabe pour en tirer ce qu’il veut dire et même ce qu’il veut taire ; livré à la faim, à la soif, à toutes les privations ; campant sur les sables brûlants, gagnant chaque jour une victoire et donnant à chaque victoire, à l’ennemi vaincu, le bienfait d’une institution  nouvelle ; conquérant par la force et civilisant par la douceur, détruisant ou dispersant dix mille hommes de cavalerie avec dix-huit cents Français ; triomphant enfin par la patience et la modération de la résistance que la barbarie, les préjugés, les mœurs et la religion apportaient à la civilisation de ces contrées."

Eloge funèbre

Rappelé de Haute-Égypte, il bénéficie de la convention d'El-Arich signée par Kléber avec les Turcs et les Anglais et s'embarque pour l'Europe le 3 mars 1800. Arrivé à Livourne, le vice-amiral anglais George Keith Elphinstone le déclare prisonnier au mépris des conventions, et affecte de le confondre avec les soldats qu'il raccompagne. Délivré, il est de retour à Toulon le 5 mai 1800 d’où il rejoint Bonaparte en Italie.
A Marengo, il commande la réserve, qui va changer le rapport de force. Le 14 juin, les deux armées s'affrontent à la bataille de Marengo. Envoyé sur ordre de Bonaparte à la recherche de l'armée ennemie sur la route de Gênes, Desaix revient sur ses pas en entendant tonner des canons sur ses arrières (à moins que ce ne soit sur réception d'un contrordre, les deux versions ont leurs partisans). Les troupes françaises ont en effet été attaquées et mises en grande difficulté par les Autrichiens. Arrivant avec environ 10 000 hommes, Desaix prend la tête de la 9e brigade d'infanterie légère et s'élance contre l'ennemi. 
Cette action rétablit la situation et permet la victoire de l'armée française. Mais, au cours de la charge, Desaix est mortellement blessé d'une balle en plein cœur. Il a 31 ans.

"Mais tandis que l’Orient prospérait par les Français, la France touchait à sa perte et Bonaparte était appelé pour la sauver. Desaix accourt au premier signal ; il traverse les mers sur un parlementaire ; il est arrêté par des Anglais qui le maltraitent et par un Africain qui l’accueille en ami ; il s’irrite des retards qui peuvent l’empêcher de combattre ; il arrive à Stradella le 22 prairial ; il reçoit à Marengo le commandement d’une division, et, frappé dans une charge qui décide la victoire, il expire en prononçant les mots de Bonaparte et de postérité.
Sa mort est un jour de deuil pour la France ; elle sera pour ses amis l’objet éternel de leurs regrets. Le noble assemblage qu’on voyait en lui des vertus guerrières et des vertus privés, entraînait tous les cœurs. Cette âme inflexible et rigide pour le devoir, douce et compatissante pour le malheur, cet oubli de ses intérêts qu’il poussa au point de faire un emprunt pour l’existence de quelques jours ; cette fierté qui lui fit toujours dédaigner la faveur ; cette égalité de mœurs qui ne changeait jamais, quand tout changeait dans sa fortune ; cette habitude des privations que nul ne porta peut-être aussi loin ; ses connaissances étendues sur la plupart des sciences ; cet amour de la patrie dont son âme était embrasée, lui formaient un caractère qui faisait regarder sa société et son amitié comme le premier des biens.
Guerriers qui avez servi sous ses drapeaux, et vous qu’il honora du nom d’amis, et vous qui recueillîtes son dernier soupir, jetez aujourd’hui des lauriers sur sa tombe et venez poser avec moi la première pierre d’un monument à ériger dans un lieu plein des souvenirs d’Annibal, de Charlemagne er de Bonaparte. Et vous, vénérables solitaires, nous vous confions le dépôt de cette cendre et ces tables de bronze où sont gravés les traits de cette bataille qui a vu terminer ses jours. Dites au voyageur, dites au guerrier qui, traversant ces monts, viendra présenter son épée sur le marbre de cette tombe : Voilà l’homme que l’Orient salut du nom de Juste, sa patrie du nom de brave et son siècle du nom de sage, et que Napoléon a honoré d’un monument. »

Texte entre guillemets: Eloge funèbre du Général Louis Charles Antoine Desaix, prononcé à l’Hospice du Grand-Saint-Bernard, le 19 juin 1805, par le Maréchal Berthier, ministre de la Guerre, représentant l’Empereur.
Images: La mort de Desaix par Jean Broc (1806); La bataille de Marengo. Tableau de Louis-François Lejeune.